Malaise : l’interview amalgame de Fox news

Publié le par Afifia B,

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Euh… vous pouvez répéter la question ?

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Fox News : interview amalgame

La liberté d’expression n’implique pas d’apprécier tout le monde ni de s’entendre sur tous les sujets mais elle a l’avantage de garantir le respect des opinions et des pensées. Au plus petit niveau, cela se traduit par “ je ne suis pas d’accord avec ce que tu dis mais je te laisse exprimer ton point de vue”. Une tolérance dialectique sur laquelle repose l’expression démocratique. La façon dont les positions sont représentées et exprimées dans les médias sont un indice de cette liberté d’expression mais Fox News vient d’en révéler une faille on ne peut plus critique.
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Au-delà de l’attitude irrespectueuse de la journaliste, l’absurdité de cette interview en dit bien plus long sur les discordes de notre temps. En gros : fais ce que tu es censé faire et reste bien dans ta case.

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L’intolérance et l’ignorance en sous-titre

Vous êtes musulman, donc pourquoi avez-vous écrit un livre sur le fondateur de la chrétienté ?

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  • Premier degré d’ignorance

En dépit de la naïveté de la question, elle aurait pu être l’occasion de soulever le fait que pratiquer une religion n’empêche pas de s’intéresser aux autres; un signe de tolérance et d’ouverture comme un exemple à suivre. Mais la pertinence possible de cette question s’est vite noyée sous l’insistance et l’obstination de la journaliste dont on confirme alors le premier degré de la démarche. Une ignorance comme une insulte à l’humanisme et à l’intelligence.
La reconnaissance d’autrui par sa couleur de peau, ses moeurs sexuelles ou sa religion est non seulement limitante mais elle l’exclut de l’appartenance sociétale. En substance, ce que cette journaliste dit à cet éminent historien, c’est que sa qualité de musulman met de facto sa parole en doute.

  • Religion : étiquette identitaire

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Sous le premier degré de cette question, un présupposé : être musulman n’autoriserait pas le traitement d’une autre religion. Soupçons sur les motivations qui en plus de brandir le spectre de l’islamophobie, enferment l’interviewé dans une position limitée à sa simple position religieuse. Une classification identitaire on ne peut plus primitive, une vision de l’Autre dépourvue de considération et qui déchire au canif les principes fondamentaux de l’existence individuelle.
Fair play, Reza Aslan tente pourtant de rétablir le contexte en rappelant qu’il est historien :

Bon pour être clair, je suis un universitaire spécialiste des religions, j’ai obtenu 4 diplômes, dont l’un sur le Nouveau Testament et je lis parfaitement le grec biblique. J’ai étudié les origines de la chrétienté pendant 2 décennies et oui il se trouve que je suis aussi musulman. Mais je ne suis pas un musulman qui écrit sur Jésus, j’ai fait un doctorat à ce sujet.

Cette précision eut pu faire passer à autre chose n’importe quel journaliste usant de décence mais il semble que cette journaliste en soit dépourvue. A la place, elle tourne en boucle. L’obstination de la bêtise :

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Vous ne répondez pas à ma question, pourquoi avez-vous écrit un livre sur le fondateur de la chrétienté?

Réponse dépitée de l’historien :

Parce que c’est mon travail. Je suis professeur de religion, je donne des cours sur le Nouveau Testament. C’est ce que je fais pour vivre. Je ne vois pas ce que ma foi peut bien avoir affaire avec mes 20 ans d’études universitaires

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Halluciné et conscient de l’absurdité de l’échange, l’historien en vient même à se justifier en évoquant sa mère et sa femme qui sont chrétiennes. Il aurait également pu préciser que Jesus est un prophète de l’Islam mais voir la journaliste s’enfoncer dans l’arrogance était sûrement trop tentant. Un non sens à l’état pur, un dialogue de sourds, une interview qui ressemble à un flux de commentaires de trolls. Il eut été pourtant intéressant d’interroger la journaliste quant à la légitimité d’une telle insistance. Une cécité journalistique comme une poutre dans l’oeil !