On les voit tou·te·s car ces individus connectés ont envahi nos musées : dites bonjour aux photographes qui capturent frénétiquement toutes les œuvres d’art de l’exposition avec leur smartphone. On en fait nous-mêmes partie et pourtant, on ne saurait expliquer pourquoi nous avons tout·e·s cette fâcheuse tendance à prendre une œuvre d’art en photo pour ne plus jamais la regarder ensuite. Mais que deviennent ces reliques de musées enfermées dans nos pellicules ?
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Pour tenter de répondre à ce mystère qui nous empêche (presque) de dormir la nuit, on a demandé à quelques personnes parmi notre entourage de répondre à cette fameuse question : mais que faites-vous de vos photos prises dans les musées ? Pour la plupart, les photos tombent aux oubliettes dans un disque dur externe et la plupart des tableaux se retrouvent à pleurnicher dans la section photo de votre smartphone.
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Pour le clout
Eh oui, il y a quand même un côté “m’as-tu vu·e ?” dans le fait d’afficher ses photos de musée sur Instagram pour 24 heures mais on ne vous en veut pas, tout le monde le fait. Au-delà de dire “j’y étais” sur les réseaux sociaux et de tenter de prouver que vous êtes une personne cultivée, sensible et romantique qui comprend n’importe quelle forme d’art en affichant pour la millième fois Les Nymphéas de Claude Monet (et s’il vous plaît, on les a déjà assez vues), à quoi ça sert ?
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Pour certain·e·s, il y a tout de même un désir de conserver un souvenir, de garder au chaud, dans notre téléphone, l’émotion que l’on a ressentie face au tableau lors de notre visite au musée. La majorité des réponses de notre échantillon intime fend presque le cœur : le fait de vouloir se souvenir d’une œuvre qui les a interpellé·e·s pour la revoir plus tard. Sauf que ce “plus tard” n’arrive jamais.
Listes d’inspirations
“Je les prends pour compléter mes inspirations et puis, j’en fais des listes dans une note de mon téléphone mais je n’ouvre jamais cette note et j’oublie son existence jusqu’à mon prochain musée”, me raconte Loïc avec désespoir. Puis, il y a Tiphaine, claire et concise, qui prend des photos “pour prouver que j’ai bien vu ce truc une fois dans ma vie”.
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Il y a celles et ceux qui, comme Louka, cherchent à “décortiquer les œuvres quand elles me prennent aux tripes”, et qui prennent en photo le tableau de loin, afin de ne pas gêner les autres visiteur·se·s durant leur déambulation, en se mettant trop près du tableau et en ruminant pendant des heures. Puis, il y a la soif de culture et de connaissances, celle qui nous dirige vers le besoin constant de références. Ces individus veulent prendre le temps, retenir le nom de l’artiste et se documenter davantage au-delà du souvenir de leur visite. Ils finissent par presque posséder l’œuvre une fois qu’elle se retrouve dans leur poche.
Soif de communication et partage
“Je prends des photos pour les partager avec des ami·e·s pour en discuter, nous en inspirer… Je les envoie aussi à des personnes qui n’ont pas pu aller voir l’exposition. Mais je prends aussi en photo les œuvres qui m’ont provoqué des émotions pour les regarder plus tard”, m’explique ma grand-mère qui, finalement, a résolu une partie de la question : mais que font les gens de leurs photos de musées prises au téléphone ? Une raison qui n’appartient peut-être qu’à nos aïeux·les.
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Sauf si les musées l’interdisent, prendre en photo les œuvres qu’on découvre ne semble pas être une activité menacée de disparition, même si la plupart du temps, c’est complètement inutile. Quoi qu’il en soit, pour réussir sa photo, c’est toute une technique : entre échapper à tous les parasites qui veulent aussi capturer l’instant (bien que, dans un univers presque civilisé, avez-vous déjà aperçu cette fameuse file d’attente qui se crée pour que chacun puisse prendre sa photo ?), esquiver la toux de la personne de derrière, espérer que la lumière soit bonne et que l’ampoule ne saute pas au moment de déclencher, éviter le regard du vigile qui pourrait nous rappeler à l’ordre à tout moment, le challenge est de taille. Il ne manque plus que la sortie de groupe au musée qui vous entraîne dans une compétition pour obtenir la meilleure photo et vous force à tout faire pour être LA personne qui fera un AirDrop à tout le monde à la fin de la visite. Tout ça pour que finalement, ça ne serve à rien.