Vous n’avez pas pu le louper : le festival Coachella est de retour en Californie, et surtout partout sur vos fils d’actualité. Ce que vous n’avez pas pu louper non plus, ce sont les accusations à son encontre et les appels au boycott qui pullulent chaque année sur les réseaux sociaux. Homophobie, transphobie, climatoscepticisme et trumpisme, que défend réellement Coachella ?
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En plus de l’évident (et tragique) impact écologique de l’événement états-unien, il est également accusé de financer des associations LGBTphobes, climatosceptiques, anti-IVG et pro-Trump par le biais de dons versés par son propriétaire, Philip Anschutz, le PDG du groupe AEG Live. Mais un homophobe climatosceptique trumpiste a-t-il vraiment pu fonder un festival comme Coachella, qui semble chaque année célébrer des valeurs d’inclusion et d’ouverture ? Et, si c’est vraiment le cas, que fait-on de cette information ?
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Comment Philip Anschutz a conquis Coachella ?
C’est en 1999 que Coachella voit le jour, fondé par Paul Tollett et Rick Van Santen via leur boîte Goldenvoice, comme l’indique un papier dédié du média The New Yorker. À l’époque, l’agence d’événements musicaux comptait déjà plusieurs succès, dont un concert de Pearl Jam sur les plaines de l’Empire Polo Club, en plein désert californien, qui avait rassemblé plus de 25 000 personnes, ouvrant la voie au festival. C’est ainsi que la première édition est lancée, avec Beck, Tool et Rage Against the Machine en têtes d’affiche du Coachella de 1999.
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Sauf que le rêve ne dure pas, et en 2001, tout va mal, le festival carbure en déficit, et Goldenvoice n’a pas d’autre choix que de se faire racheter par AEG, la boîte de Philip Anschutz, un multimilliardaire américain conservateur investi dans les campagnes républicaines. Déjà à l’époque, AEG est la plus grande plateforme d’organisation d’événements sportifs au monde et la deuxième plus importante dans les secteurs du divertissement, derrière Live Nation.
Malgré le rachat, Tollett et Van Santen restent les seuls gestionnaires de Coachella. En 2003, Van Santen meurt, et l’année d’après la moitié de Coachella est rachetée par AEG. Cette année-là, en 2004, le festival décroche son premier sold-out, et la success-story commence. Dans les faits, ce n’est donc pas Anschutz qui a fondé ou qui organise le festival, mais c’est bien lui qui en est le propriétaire et actionnaire majoritaire.
Des dons à des associations homophobes, transphobes et climatosceptiques
En 2017, au lendemain de l’élection de Donald Trump, des dons généreux de Philip Anschutz à des associations anti-LGBT sont révélés par le média The Washington Post, puis amplifiés par plusieurs médias comme Uproxx. Dans la foulée, les dons du riche philanthrope (qui finance plusieurs milliers d’associations par an) sont passés au crible, et des virements à des associations climatosceptiques et des financements de campagnes présidentielles républicaines en 2016 sont révélés également.
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Dans l’embarras, Philip Anschutz dément les rumeurs selon lesquelles il finance volontairement des mouvements anti-LGBT, crie même à la “fake news” dans un communiqué, puis jure de stopper ces financements à ces associations dont il dit avoir ignoré les engagements tout ce temps. Dans la foulée, pour limiter les dégâts, il verse un million de dollars à l’association Elton John AIDS Foundation, engagée dans la lutte contre le sida.
Malgré cela, pour beaucoup, la pilule ne passe pas, et depuis ces révélations, le festival est souvent boycotté. Chaque année, plusieurs voix s’élèvent contre celles et ceux qui y participent, artistes comme festivaliers. Pour nuancer la situation, il reste crucial de préciser qu’Anschutz “n’organise” pas vraiment le festival. Le multimilliardaire ne fait qu’investir et empocher l’argent, tout comme il le fait sur ses autres propriétés, à savoir la moitié de Los Angeles, l’équipe de basket des Lakers, l’O2 de Londres ou encore, chez nous, l’Accor Arena de Paris (AEG détient 48 % du capital) et le festival Rock en Seine (AEG détient 50 % du capital).
Mais alors, on fait quoi ?
Si on soutient évidemment les mouvements de boycott, on rassure les autres : parfois, c’est inévitable, et il faut comprendre les artistes qui ne peuvent passer à côté de telles opportunités d’exposition. À l’époque des révélations, la chanteuse new-yorkaise Mitski était l’une des seules artistes programmées à s’exprimer sur le sujet, via un tweet aujourd’hui supprimé, déclarant que “ça lui faisait mal” de ne pas participer à la fête “mais qu’on peut toujours décider de ne pas y aller”. Elle a également appelé les participant·e·s au festival Coachella à “s’assurer que les espaces que nous occupons soient safe”.
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Sur le terrain, au fil des éditions, Coachella prouve néanmoins son esprit progressiste, loin des engagements des associations que ses bénéfices ont longtemps servi à financer. Après tout, c’est bien Paul Tollett et sa team qui organisent, programment et encadrent le festival depuis 1999. On retrouve notamment la mise en place d’une zone dédiée, la Community Zone, dans laquelle le festival coordonne le projet Queer+, visant à archiver et célébrer les cultures LGBTQIA+ et BIPOC de Coachella.
Chaque année, plusieurs noms à l’affiche reflètent également des valeurs en désaccord avec les différentes associations financées par Anschutz. Ainsi, Billie Eilish, activement engagée dans la sensibilisation contre le réchauffement climatique, est une habituée du festival, tandis que de nombreux·ses groupes et artistes font rayonner la culture queer sur scène, à l’instar de Ludmilla, Reneé Rapp et Doja Cat cette année, ou encore Angèle en 2023 qui avait fièrement affiché le drapeau arc-en-ciel lors de son set.
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Sans pour autant minimiser la gravité des décisions d’Anschutz ou décrédibiliser l’engagement des personnes qui boycottent le festival, il est nécessaire de se rappeler que si le propriétaire de Coachella finance effectivement des associations controversées, les équipes en charge du festival tentent tout de même d’instaurer un lieu safe et inclusif. L’idéal serait évidemment de faire grimper un événement aussi gros que Coachella avec des financements éthiques ou plus responsables. Mais ça, c’est une autre histoire.