Les œuvres médiévales et de la Renaissance représentent une sacrée mine d’or en termes de bizarreries, de détails loufoques et de mélange des genres. Certains éléments continuent d’interroger expert·e·s et historien·ne·s des siècles après leur réalisation. C’est le cas d’une bien étrange pierre visible dans un tableau de 1455, signé du peintre Jean Fouquet, qui a attiré l’attention de scientifiques travaillant dans les universités de Dartmouth et de Cambridge.
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Cela faisait plusieurs années que l’objet, précautionneusement tenu par saint Étienne dans le tableau Étienne Chevalier présenté par saint Étienne interpellait le professeur d’histoire de l’art de Dartmouth, Steven Kangas. Ce dernier se doutait bien que la pierre faisait référence au martyr de saint Étienne, lapidé pour blasphème, mais il se demandait pourquoi elle ressemblait tant aux outils du Paléolithique, sachant que les premiers écrits décrivant ces pierres ne remontent qu’aux années 1600, soit plus d’un siècle et demi après la réalisation du tableau en question, note Hyperallergic.
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Accompagné des historiens Alastair Key, James Clark et Jeremy DeSilva, Steven Kangas a publié ses conclusions cet été, dans le Cambridge Archaeological Journal. Leur article, intitulé “Acheulean Handaxes in Medieval France: An Earlier ‘Modern’ Social History for Palaeolithic Bifaces” (“Les bifaces acheuléens dans la France médiévale : une histoire sociale ‘moderne’ antérieure des bifaces du Paléolithique”), interroge le “rôle majeur tenu par les bifaces dans l’histoire du Paléolithique” et sa résonance à travers les siècles. Ils s’y demandent notamment à partir de quand l’outil, “en forme d’amande” et façonné sur ses deux faces, a acquis sa puissance culturelle et son statut d’élément caractéristique du Paléolithique.
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Bien qu’on ne dispose que de “très peu de preuves de la valeur sociétale [de ces outils] avant la moitié du XVIIe siècle”, cette représentation prouverait l’intérêt qui leur était porté dès le XVe siècle. Les scientifiques rappellent que la découverte des biphases ne date pas du XVIIe siècle : c’est leur origine préhistorique qui a été théorisée au milieu des années 1600. Avant les Lumières, ces biphases avaient été découverts mais il était admis qu’ils étaient plutôt d’origine naturelle : “On pensait alors qu’ils étaient lancés depuis les nuages”, précise l’article. La présence de cette pierre taillée dans le diptyque de Jean Fouquet prouve ainsi qu’alors même qu’on ne savait rien de ces curieux outils, ils représentaient déjà un intérêt dans “la sphère culturelle” du passage à la Renaissance. La preuve qu’on peut enquêter partout, même dans des tableaux vieux de six siècles.