Mina, ou Lady Blasphemy sur Instagram, est une artiste tatoueuse qui a un univers bien particulier. De madones étincelantes aux christs maquillés, ses illustrations se posent délicatement sur la peau de ses client·e·s à l’image de vitraux traversés par la lumière. Pouvant être considérées comme blasphématoires, ses œuvres semi-réalistes ne sont autre que l’union de son éducation chrétienne-catholique et de sa créativité. Lady Blasphemy prend alors le soin de rendre les drapés pailletés et les larmes sacrées. Elle revisite l’imagerie du catholicisme à sa manière en s’opposant aux conventions pour y ajouter plus de strass. Elle évoque d’ailleurs qu’en France, nous sommes entouré·e·s de symboles et valeurs chrétiennes, ce qui lui a permis de s’inspirer de cette iconographie tout en donnant autre chose à voir : un doux mélange de deux époques.
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Konbini | Salut ! Comment es-tu devenue tatoueuse ?
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Lady Blasphemy | Il y a quelques années, j’ai revu une vieille amie de l’école primaire et quand je lui ai dit que j’étais tatoueuse, elle m’a répondu : “Tu as réalisé ton rêve !” J’avais oublié que je voulais déjà faire ça quand j’étais petite. La réalité est qu’à 18 ans, je voulais être illustratrice mais que très vite, je me suis rendu compte que financièrement, ça allait être compliqué. Puis j’ai rencontré une tatoueuse d’une vingtaine d’années qui m’a montré que le tatouage était plus direct, mieux payé, plus humain, plus libre et, surtout, pas que pour des hommes de 40 ans et fans de moto. Quand j’ai compris ça, c’était lancé.
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Peux-tu nous parler de ton univers ?
Je dirais qu’on y retrouve tout ce qu’il y a dans une église avec les paillettes en plus. Je travaille en couleur, au crayon d’abord puis en tatouage. Je dessine des ex-voto, des saints, des anges, des Marie, des Jésus… Souvent dans des tons chauds/froids, un peu vieillots, avec des étoiles lumineuses, des lèvres maquillées, des cheveux longs, des ongles peints… On peut y voir la beauté du féminin et sa douleur, la sacralité des icônes et l’amour gay, la brutalité du corps et le rose, les larmes de désespoir et le slay, tout en contraste : mon univers, finalement.
Pourquoi représenter ce type de symboles ?
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Pendant mes études d’illustration, je dessinais déjà beaucoup en rapport avec la religion chrétienne. Quand j’ai fini mon projet de licence sur L’Enfer de Dante, j’ai compris que ce n’était pas par hasard que le sujet m’obsédait : nous sommes constamment en contact avec cette religion en France et souvent, particulièrement quand on est une femme et/ou LGBTQIA+, elle nous limite. Ma famille est de culture catholique, même si elle ne se dit pas pratiquante, inconsciemment, certains aspects de leur éducation y font écho – en particulier mes grands-parents. La pression d’être mère, de se marier, l’homophobie, le métier idéal pour une femme, sa façon de s’habiller, la superstition, la transphobie, etc. Paradoxalement, j’adorais visiter les églises avec mes parents : les détails, les ornementations, le sang, les larmes, la nudité, l’amour, les visages, les tissus… Tout ce travail, c’est sublime. Représenter ce type de symbole mais avec mes valeurs et ce qui fait que je suis moi, c’est libérateur.
Comment décrirais-tu ton travail ?
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J’aime à croire que j’aide les gens ? Se faire tatouer c’est une forme de self care, alors se faire tatouer une icône religieuse quand tu es une femme, une personne gay, une personne trans, c’est une réconciliation. J’ai tatoué des personnes croyantes qui voulaient se faire tatouer par une femme dans un lieu safe, j’ai tatoué des personnes traumatisées par la religion qui avaient besoin de faire la paix, j’ai tatoué des personnes qui trouvaient ça beau, j’ai tatoué des personnes qui, comme moi, étaient obsédées et cherchaient à comprendre pourquoi. Je dirais que mon travail consiste à marquer dans la peau de mes client·e·s des images qui leur font du bien.
Quelles sont tes inspirations ?
L’iconographie chrétienne du Moyen Âge et la culture populaire. Mon travail fait écho à tellement d’artistes qui parlent des mêmes choses : Pierre et Gilles, Madonna, Lady Gaga, Ryan Murphy, les Coppola, Kentaro Miura… Ma bibliothèque et mon téléphone fourmillent d’extraits de leurs œuvres. Puis je bouge beaucoup : dans des églises, des cimetières, des brocantes, des galeries engagées, des salons de tatouages, des ateliers… Souvent, j’y pioche des images d’un autre temps que je redessine avec mes couleurs favorites et un petit twist de 2024. En fait, j’ai toujours deux types d’inspiration : l’aura des anciennes icônes et l’aura du combat des marginalisé·e·s.
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Lady Blasphemy se déplace entre Paris et Bruxelles pour réaliser ses tatouages. Vous pourrez la retrouver au salon La Kermesse à Paris et au salon Nuage à Bruxelles. Pour suivre son travail, vous pouvez la retrouver sur Instagram en cliquant ici.