Quelques fans ont rendu hommage à David Bowie devant la maison de ses premières années, située à Brixton, dans le Sud de Londres.
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En sortant de la station de métro de Brixton, à Londres, il faut prendre à droite et continuer sur Stockwell Avenue. Puis, il faut passer devant la salle de spectacle O2 Arena, dépasser un immense skatepark à ciel ouvert, tourner à gauche et marcher pendant quelques mètres. On arrive alors au 40 Stansfield Road, où se trouve le premier foyer de David Bowie.
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Comme souvent, la bâtisse n’a rien d’extraordinaire. Faite de briques jaunes fatiguées, la maison semble épuisée par le poids des années et ressemble à peu près à tous les pavillons du Sud de Londres. Une agence immobilière y a planté l’un de ses panneaux et un vieux sapin de Noël traîne devant la porte.
Pourtant, ce lieux ordinaire fut le théâtre des premiers pas d’un être extraordinaire. Tout a commencé là pour David Robert Jones, fils d’une serveuse et d’un travailleur du domaine caritatif, qui passera ici les six premières années de son incroyable vie.
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Hier, quelques heures après le décès du petit garçon devenu légende, la majorité des fans se concentre au pied de la célèbre fresque représentant leur héros en face du métro. À cinq minutes de là, loin de la foule et du cliquetis des appareils photos, seulement une dizaine d’amoureux de Bowie sont réunis de manière plus intime.
On voit des hommes, des femmes, des jeunes et des moins jeunes, tous venus spontanément partager leur tristesse et leur passion pour l’alter ego de Ziggy Stardust. Hochements de têtes discrets, sourires polis et vêtements sombres, l’ambiance rappelle à s’y méprendre celle d’une levée de corps.
Certains viennent du quartier, et n’ont eu que quelques pas à faire pour dire un adieu symbolique à leur héros, comme s’ils pensaient vraiment pouvoir le voir une ultime fois. C’est le cas d’Ola, 26 ans, venue “saluer le gamin du Sud de Londres.” D’autres sont venus de plus loin, comme Robert Pereno, un barbier établi à Greenwich. Tout en essayant de contenir son émotion, il confie :
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“J’ai appris la nouvelle et je n’arrivais pas à y croire. J’ai réveillé ma compagne, puis j’ai pleuré. Je n’ai même pas pleuré quand ma mère est morte, ça m’a pris un moment. Même chose pour mon père. Ce matin, j’ai tout suite pleuré et nous avons tout de suite su que nous devions arrêter de travailler, que nous devions venir ici.
Aujourd’hui est un jour important. Bowie occupe une grand place dans ma vie, dans la vie de ma génération. Nous l’avons suivi dans son voyage depuis un très jeune âge. Et il nous a aidé dans notre voyage personnel. En matière de mode, de musique… De tout, en fait.”
David Bowie fait partie du paysage musical depuis si longtemps qu’on a tendance à oublier qu’il est né dans un monde bien différent : un Royaume-Uni morose, marqué par la guerre, où porter les cheveux longs était encore controversé et la bisexualité considérée comme une maladie. Selon ses fans, l’artiste a aidé des millions de jeunes Britanniques à mieux accepter leur sexualité.
Une bière à la main – “je ne pense pas que Bowie m’en aurait tenu rigueur” –, Malcom, 60 ans, a vécu à Brixton pendant les deux tiers de sa vie. Mais ses premiers mots renvoyaient à un autre sujet.
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“Je suis bisexuel. En 1972, j’avais 17 ans et je l’ai vu dans Top of the Pops. Il a tout fait pour moi. Mes parents, tous les autres, disaient ‘oh, mais qui est-ce, c’est horrible’. Mais ça m’a libéré.”
Libération, libérer, sont des mots qui reviennent souvent lorsqu’on évoque Bowie.
La libération. C’est un mot souvent associé au travail de David Bowie. Adepte du mélange des genres, l’artiste a cultivé une apparence androgyne pendant des décennies. En forme d’homage, un fan anonyme semble avoir inscrit quelques heures auparavant les mots “lui” et “elle” de chaque côté de la maison, avec ce qui semble être du rouge à lèvres.
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Et David Bowie n’a pas seulement influencé la communauté LGBT, mais toute sorte de gens, sur plusieurs générations. Résidant en Allemagne, Annika, 28 ans, a bouleversé ses vacances pour pouvoir se rendre sur Stansfield Road, seule. Elle explique :
“Il a inspiré tellement de gens, car il a donné l’exemple en montrant comment on pouvait vivre sa vie, comment on pouvait progresser et gagner confiance en soi, créer plusieurs images de sa personne.
Il était unique et différent des autres pop stars que nous connaissons aujourd’hui. Il était une œuvre d’art.”
Au moment où Annika parle, la radio d’une Polo bleu foncé garée en face de la maison commence à diffuser un vieux best-of de Bowie, repris par Paul Morton, un artiste de 40 ans qui lui rend hommage à travers son œuvre.
En ce jour de deuil, les chansons de David Bowie prennent un sens différent, que ce soit “Ashes to Ashes”, “Sound of Vision” ou même “Fashion”. Parmi la foule, quelques fans murmurent les paroles, comme s’ils n’osaient pas chanter à haute voix.
Alors que l’atmosphère se réchauffe quelque peu, le petit groupe se réunit autour de Rosie Lowery, 21 ans, emmitouflée dans un manteau de fourrure, un piercing au nez et, joli hommage, un flamboyant maquillage Aladdin Sane traversant son visage. Elle raconte :
“Mon père était un grand fan quand j’étais petite donc j’ai grandi avec lui. Il m’a appelée pour m’apprendre la nouvelle et immédiatement j’ai essayé de contacter des gens sur Facebook pour leur dire de venir ici… J’ai écouté une nouvelle fois ‘Rock’n’roll Suicide’, il me fait un effet différent maintenant. C’est comme s’il s’adressait d’autant plus à nous.”
Avec 26 albums studio sortis entre 1967 et 2016, David Bowie a touché toutes les génération, plus que n’importe quel musicien. Selon Serena, 23 ans, il a atteint l’objectif vers lequel chaque musicien devrait tendre:
“Il a changé le visage de la musique pop. Tout artiste, peu importe sa scène, son genre, a quelque chose de Bowie en lui. En termes d’image, de musique, de mélodie, tout vient de lui. Peu importe ton style ou tes goûts, il transcendait tout ça. Il va beaucoup nous manquer. Tellement nous manquer.”
David Bowie nous manque déjà. Mais si voir des millions de personnes le pleurer ne le dérangerait probablement pas, il aimerait aussi voir la fête continuer. Tout comme il a lui même continué à produire de la musique, à développer son art alors qu’il se battait contre le cancer qui finit par l’envoyer définitivement aux cieux.
Encore secoué, Robert, le barbier de Greenwich, se remémore les grands moments de sa vie qui ont été marqués par l’icône.
“Je l’ai rencontré. Je l’ai rencontré sur l’île Moustique, aux Caraïbes. Il était sur la plage, je le voyais de loin et il était en train de parler à son fils, Duncan. Je ne pouvais pas entendre la conversation, mais c’était une interaction très tendre. Très attentionné, il aimait vraiment son fils.
Et puis, maintenant on peut le dire, j’ai fumé un spliff avec lui ! Je l’ai aussi vu live, au Rainbow, c’était mon premier rancard ! Alors que j’étais dans une école privée et que mon père me faisait encore porter des cravates. Bowie était au piano et… C’est très bizarre de parler avec sa musique en fond…”
En entendant la voix de David Bowie chanter “Heroes” dans son dos, Robert s’arrête de parler. Sincèrement ému, il nous sert dans ses bras et part méditer plus loin.
Certains ne comprennent pas que l’on puisse pleurer à si chaudes larmes la disparition d’un étranger. Quelque part, on peut les comprendre. Mais comme Robert le soulignait, David Bowie a fait partie de nos vies, de nombreuses vies. Il a trop fait, pendant trop longtemps, et a marqué d’innombrables souvenirs, des millions de tranches d’existence.
Pour beaucoup, Bowie était plus que de la musique. Il était une référence, un refuge, un guide rendant la vie meilleure. Réel roi de la pop, il a donné à des millions de fans, de Brixton, à New York en passant par Berlin, et même par l’espace, l’impression qu’ils pouvaient être des héros, et pas seulement pour un seul jour.
Traduit de l’anglais par Hélaine Lefrançois.
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