Burn After Writing, le livre numéro un des ventes dont personne ne parle

Publié le par Konbini avec AFP,

Un véritable phénomène écrit par une inconnue.

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Personne ne parle de ce livre, et pourtant, les lectrices (surtout elles) l’achètent en masse : Burn After Writing montre le fossé entre médias traditionnels et succès viral sur les réseaux sociaux. L’ouvrage, dont le titre original en anglais a été conservé (signifiant “À brûler après écriture”), est signé d’une inconnue, la Britannique Sharon Jones.
Sorti le 4 mars, il trônait mardi en tête des ventes de livres sur Amazon France, depuis quatre semaines déjà selon l’éditeur. Il était aussi en tête de la catégorie essais lors de la semaine du 29 mars au 4 avril (et sixième meilleure vente toutes catégories confondues), selon Edistat.
Le concept est simple : un questionnaire de Proust géant, une multitude d’interrogations plus ou moins profondes, auxquelles on répond en écrivant directement sur les pages. De “La chose la plus difficile que j’aie jamais réalisée” à “Ce qui me fait frissonner de plaisir” en passant par “Le responsable de ma plus grande blessure”.
Et ça marche si fort que l’ouvrage est tombé momentanément en rupture de stock. Amazon évoque un délai d’une à deux semaines pour le recevoir. L’éditeur, Contre-dires (groupe Guy Trédaniel), n’avait pas complètement anticipé ce succès : en un mois, il a vendu tout son stock initial de 120 000 exemplaires.

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Boom aux États-Unis

Plusieurs libraires contactés par l’AFP ont indiqué que la deuxième impression ne devait arriver chez eux que début mai, selon les estimations du diffuseur. Mais ils n’ont pas l’air d’en vendre tant que ça : le public jeune qu’il vise est adepte des achats en ligne.
“J’ai entendu parler de ce livre, mais je ne l’ai pas ouvert”, dit à l’AFP Sébastien, vendeur à l’Espace culturel E.Leclerc de Vitry-sur-Seine, en banlieue parisienne.
Il explique avoir un ultime exemplaire en rayon… qu’il vendra quand le magasin aura le droit de rouvrir, puisqu’il est pour le moment fermé en raison des restrictions imposées aux plus grands centres commerciaux. Contre-dires affirme que Burn After Writing redevient “disponible mercredi”.
“On y mettait de l’espoir parce qu’il a connu un boom sur le marché américain”, déclare à l’AFP l’éditeur Frédéric Trédaniel.
Sorti en 2014 en Grande-Bretagne, puis en 2015 aux États-Unis, ce titre “n’a pas eu beaucoup de succès au départ. Mais fin 2019, il a été relancé : c’était le livre fétiche d’une influenceuse TikTok dont j’ai oublié le nom”, ajoute-t-il. Qu’importe qui a publié cette vidéo aux millions de vues. Le phénomène était lancé et rien n’allait l’arrêter.

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Autrice qui s’efface

Sharon Jones, malgré le succès, n’a rien d’une star. Celle que son éditeur présente comme “une graphiste du nord de l’Angleterre” a assuré une présence médiatique et publicitaire minimale, s’effaçant complètement derrière son livre. Tout juste trouve-t-on une interview de 2015, sur le site Internet Psych Central. Elle y raconte que l’idée “est venue des discussions avec [sa] fille adolescente sur les choses auxquelles [elles] accord[aient] de l’importance toutes les deux”.
Elle n’a pas retenu l’attention des médias traditionnels. En France, seule la radio France Culture lui a consacré fin mars deux minutes d’antenne, parlant de “livre de développement personnel un peu spécial” car “il n’y a rien à y lire”. “Je l’ai repérée grâce aux meilleures ventes d’Amazon. Donc j’ai contacté l’éditeur américain, qui n’avait pas les droits mondiaux, et qui m’a renvoyé vers l’éditeur britannique. Ici en France, il a aussi marché grâce à TikTok au départ, mais c’est surtout Instagram qui a pris le relais et qui fait vendre des livres”, rapporte Frédéric Trédaniel.
D’après ce qu’il voit, le lecteur typique est une femme d’entre 20 et 35 ans, hyperconnectée, qui saisit là l’occasion de prendre un peu de recul sur notre sujet préféré à tous : nous-même. “C’est un livre paradoxal, avec ce pied de nez aux réseaux sociaux où on a tendance à tout surjouer. Le livre demande d’être honnête. Et si on n’y arrive pas la première fois, peut-être qu’on peut l’acheter une deuxième fois !”
Konbini avec AFP

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