Imaginez-vous être né·e en 1914 et continuer à jouer du piano à 108 ans, avec des milliers de followers sur Internet : c’est bien l’histoire de Colette Maze.
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Née un mois avant le début de Première Guerre mondiale et quelques mois après la mort de l’un de ses compositeurs favoris, Claude Debussy, la pianiste française ne se contente pas de jouer du piano quatre heures par jour.
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Elle s’apprête à sortir avant l’été son 7e disque, 108 ans de piano, avec des morceaux de Gershwin, Piazzolla, Schumann et, bien sûr, Debussy.
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Dans son appartement situé au 14e étage d’un immeuble donnant sur la Seine, cette dame frêle aux bras graciles arrive à se déplacer lentement entre les trois pianos qui trônent dans son salon.
Sa longévité impressionne, son enthousiasme encore plus. “Moi, je suis jeune”, s’exclame-t-elle. “L’âge, ce sont des histoires qui n’existent pas. […] Il y a des gens qui sont éternellement jeunes, émerveillés de tout, et puis des gens qui sont blasés de tout et qui n’ont jamais rien aimé, même pas leur mec, si ça se trouve !”, sourit-elle.
À ses côtés, son fils, le journaliste Fabrice Maze, indique, non sans fierté, qu’elle “est probablement la dernière centenaire à continuer d’enregistrer des albums”.
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“Le piano, c’est un ami”
Depuis qu’elle a atteint les 100 ans, elle est devenue la coqueluche des réseaux sociaux et des médias du monde entier (avec une page Facebook dédiée). “Elle redonne le moral aux gens, d’où son succès fou”, explique M. Maze.
“Elle n’a ni diabète, ni cholestérol, sa tension est normale. Elle boit du vin, mange du fromage, du chocolat… Et les gens qui ont 80, 90 ans se disent : ‘Finalement, on n’est pas foutus'”, plaisante-t-il.
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Sa mémoire n’est naturellement plus ce qu’elle était mais elle garde un souvenir lointain, à quatre ans, des bombardements de la Grosse Bertha, cette pièce d’artillerie utilisée par les Allemands lors de la Grande Guerre. La Libération, en revanche, s’est effacée de sa mémoire et, à la question de savoir qui est le président de la République, elle répond souvent Pompidou ou Chirac. “Elle est dans l’instant présent mais est complètement déconnectée de l’actualité”, commente son fils.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, “j’ai été infirmière à Auxerre (Yonne) et j’ai fait l’exode (de 1940) à bicyclette, de Paris à Clermont-Ferrand avec deux sacoches pleines de linge”, se rappelle-t-elle. Les souvenirs intacts sont souvent liés au piano : “Quand j’étais petite, j’étais asthmatique ; ma maman jouait du violon avec mon professeur de piano et ça me calmait”.
Pourquoi continue-t-elle à jouer ? “Parce que c’est ma vie… Le piano, c’est un ami. J’ai besoin de le sentir et de l’écouter”, dit-elle avant d’interpréter “Les reflets dans l’eau” de Debussy. “Schumann était à l’écoute de son cœur, Debussy, à l’écoute de la nature”, relève-t-elle.
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Née Saulnier au sein d’une famille bourgeoise à Paris, elle commence le piano à cinq ans mais ses parents s’opposent à ce qu’elle devienne pianiste professionnelle. Elle parvient toutefois à 15 ans à intégrer l’École Normale de Musique de Paris, où elle suit les cours des célèbres Alfred Cortot et Nadia Boulanger.
Celle qui a enseigné pendant des décennies à l’École Normale de Musique et au conservatoire de Bagneux est d’ailleurs dépositaire de la méthode Cortot, enseignée avant la guerre et fondée sur des exercices de décontraction et d’assouplissement de tous les muscles. “C’est la dernière au monde à pouvoir montrer cette méthode ; beaucoup de pianistes du monde viennent la voir travailler”, explique M. Maze.
C’est ainsi que la centenaire, qui ne souffre pas d’arthrose, a gardé la souplesse des mains. Son secret de jouvence ? “J’ai fait beaucoup de danse. Je pense que j’ai besoin de sentir mes muscles, mes abdominaux, mes cuisses, mes bras. Tout ça, ça doit être vivant”.