Intrépide casse-cou, le nom de Rémy Julienne figure au générique de quelque 1 400 films, longs-métrages, clips et publicités. Décédé à l’âge de 90 ans des suites du Covid-19, le plus célèbre des cascadeurs français était en réanimation à l’hôpital de Montargis depuis le début du mois.
Sa filmographie compte six James Bond, de Rien que pour vos yeux en 1981 à GoldenEye en 1995, mais aussi des classiques du cinéma français tels que Le Mur de l’Atlantique de Marcel Camus, Le Solitaire de Jacques Deray, Le Cerveau de Gérard Oury ou L’Aventure, c’est l’aventure de Claude Lelouch. Cet homme de l’ombre figure également au générique de La Grande Vadrouille du même Gérard Oury, avec Louis de Funès, dans la peau du motard allemand “qui se prend une citrouille sur la figure”.
La carrière de Rémy Julienne, né en 1930 dans le Loiret, commence en 1964, quand un autre cascadeur, Gil Delamare, lui propose de participer au tournage de Fantômas. “J’étais champion de France de moto et il fallait quelqu’un de très précis” pour piloter une moto et doubler Jean Marais, expliquait-il volontiers. “C’est le début d’une grande aventure”, se souvenait celui qui a travaillé auprès des plus grands réalisateurs comme François Truffaut, Leos Carax, Dino Risi, Terence Young ou Sydney Pollack notamment et les plus grands acteurs. S’il a doublé Yves Montand, Alain Delon, Roger Moore ou Sean Connery entre autres, son plus beau souvenir restait la rencontre avec le tandem Belmondo-Lautner.
Pour ces deux-là, Rémy Julienne mettra au point l’une des plus spectaculaires cascades dans Le Guignolo : l’acteur survolera Venise suspendu à un trapèze accroché à un hélicoptère. Jean-Paul Belmondo, “c’est lui qui m’a accordé le plus de sa confiance”, racontait-il à l’AFP à 87 ans, son éternelle casquette vissée sur le crâne. Avec cet autre fou de cascades, qu’il va retrouver sur les plateaux à 14 reprises, “on était obligé de progresser”.
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À la seconde près
“Ce qui m’intéresse, c’est amuser, mais faut être crédible” dans des “conneries qui deviennent quelque chose d’utile”, disait Rémy Julienne, en citant Lautner. Parmi ses prouesses, on retiendra cette scène où un camion-citerne roule en équilibre sur ses roues gauche dans Permis de tuer, un James Bond avec Timothy Dalton, ou celle où une berline qui, d’un tremplin, s’envole dans les airs avant de retomber sur le toit d’un bus, dans Dangereusement vôtre, un autre James Bond.
Crédibilité, précision, rigueur… ces mots revenaient constamment chez Rémy Julienne, dont la vie devant la caméra, ou celle de ses équipiers, était réglée au millimètre, à la seconde près. Sinon, “c’est là-haut dans une caisse en sapin”. “Quelquefois, il aurait suffi de peu pour que ça arrive”, disait cet homme marqué par la mort d’un cameraman lors d’une cascade sur le tournage du film Taxi 2 en 1999, qu’il supervisait.
Avait-il peur ? “La peur, c’est nécessaire avant et après, mais jamais pendant”. Sinon, “on ne peut pas faire le geste juste au moment juste”, répondait ce “fou raisonnable”, pour reprendre les mots de Claude Lelouch. Infatigable, malgré plusieurs infarctus et cancers, il avait passé le flambeau à ses fils et petits-fils, mais continuait, à plus de 80 ans, de travailler pour des parcs à thème.
Il avait confié en 2017 ses archives personnelles à la Cinémathèque de Toulouse. Une manière de laisser une trace de ses acrobaties qui nous donnaient le grand frisson dans le patrimoine culturel français.
Konbini avec AFP
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