Depuis 1966, l’International Photography Hall of Fame and Museum (IPHF) met chaque année “à l’honneur celles et ceux qui ont apporté des contributions majeures à la photographie”. “On prend cette mission très à cœur, d’autant qu’on est les seuls à le faire”, s’enorgueillit l’organisation états-unienne dans sa vidéo présentant les quatre photographes honorées cette année.
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Après des années passées à mettre en avant en grande majorité des hommes (à l’exception de photographes femmes comme Gertrude Käsebier, Dorothea Lange, Imogen Cunningham, Diane Arbus, Annie Leibovitz, Susan Meiselas, Cindy Sherman ou Graciela Iturbide), l’IPHF, apparemment conscient de son retard, a décidé cette année (uniquement) de célébrer des femmes, à travers les carrières inspirantes de Nan Goldin, Vivian Maier, Bea Nettles et Matika Wilbur. Pas de panique si vous ne les connaissez pas (encore) toutes, on vous offre un cours de rattrapage.
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Nan Goldin, l’artiste activiste
Adoubée comme l’“une des artistes les plus importantes et influentes de sa génération” par l’IPHF, Nan Goldin est une photographe qui n’a eu de cesse d’utiliser son art comme un moyen de révéler, de dénoncer et d’agir. Ses travaux sur le genre, les sexualités, les contre-cultures ou l’épidémie du sida ont permis de laisser la parole aux concerné·e·s et à leurs récits souvent douloureux et silenciés dans les médias. Instinctive, sincère et résolument avant-gardiste, l’artiste a tourné son objectif vers des histoires et des communautés alors ostracisées.
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Ces dernières années, elle lutte contre les opiacés, et notamment les Sackler, famille d’industriels en pharmacologie à l’origine de l’OxyContin, “un antidouleur composé d’opium de synthèse qui a plongé des milliers d’Américain·e·s dans la dépendance et les a conduits à la mort”. Ce combat, initié par sa propre histoire de dépendance après la prescription d’OxyContin suite à une tendinite, a récemment fait l’objet d’un film documentaire. Toute la beauté et le sang versé offre un tour de piste de sa vie et de son œuvre, intimement liées – en témoignent les nombreux autoportraits pris au cours de son existence marquée par les deuils et les traumatismes. C’est, entre autres, sa remise en question de ce qu’est “la norme”, qui semble avoir convaincu l’équipe de l’IPHF de la distinguer.
Vivian Maier, l’artiste oubliée
Après une vie passée dans l’anonymat – voire dans une recherche constante de celui-ci –, Vivian Maier n’en finit pas d’être célébrée pour son œuvre prolifique et sensible. La discrète nourrice est devenue l’un des plus grands noms de la photographie du XXe siècle après sa mort, survenue en 2009, lorsqu’un collectionneur est tombé par hasard sur un carton de ses négatifs qui l’ont obsédé.
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Ses clichés, pris entre les années 1950 et 1990, de petites gens, de laissé·e·s pour compte et d’invisibilisé·e·s, comme elle, ont touché nombre de collectionneur·se·s, curateur·rice·s et de passionné·e·s. Depuis une petite dizaine d’années, son histoire fait l’objet de films, de livres et d’expositions. En plus de ses photos de rue montrant des enfants et différentes couches de la société new-yorkaise, Vivian Maier s’amusait à immortaliser sa discrète présence à travers des jeux de reflets et de cache-cache. Avant-gardiste elle aussi, elle s’est essayée à la réalisation de petits films et développait ses images.
Bea Nettles, l’artiste composite
Contrairement aux deux noms précédents, Bea Nettles ne s’est pas épanouie dans la photographie documentaire. Pourtant, ses œuvres composites, sous forme de collages, de patchworks et de fantasmagories, racontent tout autant la société dans laquelle nous vivons et sa vision de celle-ci. À travers des thèmes clefs comme “la mythologie, la famille, la maternité, le rêve, le vieillissement, le passage du temps”, elle interroge et défie les limites du pouvoir de l’image. Ses œuvres, souvent autobiographiques bien que visant l’universalité, combinent photographie et médiums (textile, dessin ou broderie, entre autres).
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Matika Wilbur, l’artiste de demain
L’artiste Matika Wilbur s’est vue remettre le “prix visionnaire” de l’IPHF, créé pour “honorer un·e artiste ou une organisation ayant dévoué sa vie ou son expertise au bien de l’humanité et représentant un exemple pour les générations futures”. Après un début de carrière passé dans la mode et la photographie commerciale, l’artiste a changé de direction pour se concentrer sur la transmission d’histoires, plus particulièrement celles des peuples premiers, elle-même faisant partie des peuples Swinomish et Tulalip, vivant sur la côte de l’État de Washington.
Matika Wilbur est à l’origine de Project 562, débuté en 2012, une œuvre qui vise à modifier les représentations dont souffrent ces communautés “négligées et stéréotypées”, écrit l’artiste sur son site. L’ouvrage compile des récits visuels et verbaux qui racontent les identités contemporaines des peuples premiers. Il est le résultat de nombreuses années passées sur les routes, à la rencontre de plus de 300 peuples souverains à travers les 50 États du pays.
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