Les Voyages de Nicky, un docu-série tous publics porté par Nicky Doll, tisse des liens entre drag et traditions ancestrales

Publié le par Delphine Rivet,

© Victor Bocquillon / Effervescence Doc

"Les Voyages de Nicky, c’est aussi un programme pour les gens qui ne comprennent pas forcément Drag Race."

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Doit-on encore présenter Nicky Doll ? Pour les fans de Drag Race, clairement pas. Pour le reste, une petite introduction s’impose. Nicky Doll donc, ou Karl Sanchez à l’état civil, s’est récemment illustrée à l’international en étant la première Française à participer à RuPaul’s Drag Race, le plus célèbre concours de drag-queens, en saison 12 (2020). Forte de son expérience américaine, elle est désormais, depuis l’année dernière, la présentatrice de la version française du show, marchant ainsi dans les traces de sa mentore RuPaul.

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Mais en dehors de quelques initié·e·s, le grand public ne connaissait pas Nicky Doll il y a encore un an. Les planètes étaient alors alignées pour faire d’elle une icône. Non seulement elle vient d’animer avec brio la finale, en public et au Grand Rex, de la saison 2 de Drag Race France, mais elle est aussi à l’affiche, ce mardi 29 août sur France 5, d’un nouveau docu-série baptisé tout simplement Les Voyages de Nicky.

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“Les Voyages de Nicky, c’est aussi un programme pour les gens qui ne comprennent pas forcément Drag Race, qui sont peut-être un peu perdus par le côté compétition ou téléréalité” — Maxime Donzel, réalisateur.

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Devant la caméra de Maxime Donzel (Toutouyoutou, Tutotal), la plus internationale des drag-queens françaises, férue de voyages, se balade aux quatre coins du globe telle une exploratrice du genre et de queerness sans frontières. De l’Inde à la Grèce, puis du Mexique au Japon, cette première saison sort des sentiers battus et fait valser les clichés. Karl arpente les rues et fait des rencontres surprenantes, avant de se transformer en Nicky Doll et de performer dans des clubs et des lieux inattendus. Maxime Donzel, le réalisateur, nous raconte comment tout a commencé :

“Pour moi, c’était un vieux rêve. Je voulais faire le tour du monde des drag-queens pour découvrir comment celles de l’autre bout de la planète pratiquaient un art qui est à la fois celui que l’on connaît aujourd’hui, mais qui est aussi vachement infusé de traditions ancestrales du travestissement, mélangé avec du queer contemporain.”

Car si le drag français prend ses racines dans le cabaret, le drag japonais semble tisser des liens avec le théâtre kabuki. La série trace aussi un parallèle, bien plus évident qu’il n’y paraît au début, entre les queens mexicaines et les combattant·e·s de lucha libre. Chaque épisode des Voyages de Nicky amène son lot de surprises, d’émerveillement et d’émotions. Sans doute parce que sa genèse repose sur une rencontre qui semblait écrite.

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© Victor Bocquillon / Effervescence Doc

Deux des producteur·rice·s de la société Effervescence, Cyril Pennec et Judith Naudet, ont eu la judicieuse idée de faire se croiser les chemins de Maxime Donzel et de Nicky Doll. Cette dernière avait en fait la même envie que le réalisateur. À ce stade, personne ne savait encore qu’elle avait été choisie pour animer Drag Race France : le secret le mieux gardé de l’Hexagone. S’est ensuivi un appel à projets de France 5 : “Honnêtement, on s’est dit que le nôtre ne serait jamais retenu, du coup je me suis fait plaisir et j’ai écrit le projet de mes rêves. Quelle ne fut pas ma surprise quand j’ai appris qu’on était sélectionné·e·s !”

Une série documentaire “entre le glam et la rando”

S’il existe déjà des dizaines, voire centaines, de documentaires où une personnalité explore des horizons lointains, c’est la première fois qu’une série fait converger le voyage et le drag. Un véritable défi technique pour Maxime Donzel, qui s’est entouré d’une solide équipe, comprenant notamment des locaux, et pour Nicky qui a dû affronter les éléments.

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“C’était quand même un peu l’aventure. On se disait parfois qu’on était fous parce que le drag ce n’est pas très compatible avec la chaleur, ni l’humidité. On allait dans des endroits qu’on ne connaissait pas avant d’arriver sur place. Nicky a une image à tenir, elle a un certain niveau d’exigence vis-à-vis de son apparence quand elle est en drag. D’où l’idée du générique où elle balance sa paire de rangers : on est dans un entre-deux bizarre entre le glam et la rando.”

© Victor Bocquillon / Effervescence Doc

Dans chaque épisode, entre les rencontres, les visites de lieux dépaysants et la performance finale dans un club avec des queens locales, la créature Nicky Doll nous emmène dans son monde onirique. Une séquence de lipsync (l’exercice de play-back par excellence), telle un clip, se déroule dans un endroit qu’aucun talon aiguille de drag-queen n’a jamais foulé. Un moment toujours magique, quel que soit le pays, et qui repousse les limites de cet art avec toute la grâce et le perfectionnisme de rigueur.

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“On a tout de suite pensé à l’Inde, parce que Nicky, qui a déjà beaucoup voyagé dans sa vie, y était déjà allée. Elle avait travaillé dans un orphelinat à Calcutta. Elle avait très envie d’y retourner. On a choisi des destinations qui nous permettaient d’avoir des choses à dire sur le genre, le travestissement, le drag, mais aussi des pays où on ne mettrait pas en danger les gens qu’on interviewe. Et le Japon, c’était un pays qu’elle n’avait jamais visité et qui lui permettait d’aller aux sources de quelque chose de très personnel : sa passion pour la pop culture nippone.”

© Victor Bocquillon / Effervescence Doc

Durant ses quatre épisodes, Les Voyages de Nicky interroge la question du genre et comment celui-ci est appréhendé dans différentes cultures, plus ou moins éloignées de la nôtre. On réalise par exemple, qu’au-delà des clichés habituels sur l’homosexualité, la Grèce antique et ses mythes étaient beaucoup plus queers qu’on ne l’imaginait, et introduisaient déjà des notions, sans mettre un nom dessus évidemment, de fluidité de genre. Une militante lesbienne nommée Tzeli nous fait par exemple découvrir l’île de Lesbos, patrie de la poétesse Sappho.

L’Inde est aussi face à ses paradoxes, incarnés par l’inspirante Grace Banu, première femme trans ingénieure du pays, qui a créé un village refuge pour les Thirunangai qui, comme elle, sont à la fois considérées comme des sortes de divinités, mais aussi mises au ban de la société.

“Le malentendu contre lequel on veut lutter avec cette série, c’est que tout ce qui est queer est apparu comme par magie au XXe siècle. Alors que ça existe depuis toujours, dans toutes les cultures du monde. Elles ne prennent pas exactement la même forme, et peu importe comment on la nommait, c’est quelque chose qui fait partie de la vie de l’humanité depuis toujours. C’est important de rappeler ça aux gens.”

Les deux premiers épisodes des Voyages de Nicky, l’Inde et la Grèce, seront diffusés sur France 5 ce mardi 29 août à partir de 21 heures. Les deux suivants, le Mexique et le Japon, sont programmés pour le mardi 5 septembre, dès 21 h 05.