Sur le marché du vinyle, on retrouve de tout. Tous les artistes et tous les genres, bien sûr, car le vinyle est redevenu incontournable, mais aussi tous les prix, de 20 à 50 euros, et pouvant même dépasser les trois chiffres à la revente. Pénuries, embouteillages, sans oublier le petit jeu malsain des labels et la hype autour de la rareté de certains vinyles, il est l’heure de sortir le disque noir de sa belle pochette et de l’installer sur la platine. Vous entendez ? Ça crépite !
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Pour vous donner une réponse claire et précise à ce pour quoi vous avez cliqué sur cet article, Konbini a pu s’entretenir avec trois acteurs du monde du vinyle qui vont nous aider à vous éclairer (et plus encore) :
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- Alban Pingeot, PDG de l’entreprise MPO, l’un des trois plus gros producteurs de vinyles du monde ;
- Blaise Syncrophone, disquaire présent depuis plus de vingt ans dans l’industrie du vinyle ;
- Victor, collectionneur, passionné depuis 2020 et créateur du compte Le Hip-Hop en Vinyle.
Come-back imprévisible
Le vinyle, sublime objet et l’incarnation même du vintage pour certains, n’était pas censé revenir si fort. Alban Pingeot, PDG de MPO, se souvient : “Entre 1990 et 2010, le vinyle a quasiment disparu avec l’arrivée du CD et ensuite du MP3. Pour vous donner une idée, au plus fort du vinyle, on avait 80 machines de pressage ; en 2010, il n’en restait qu’une petite dizaine. Dans les années 2010, le marché est reparti par le consommateur américain.” C’est ensuite pendant la crise du Covid-19 que la demande s’est encore accélérée. “On ne l’a pas vu venir”, avoue Alban Pingeot. Ce véritable objet d’art (plastique et musical) est maintenant bien de retour avec une hype qui ne faiblit pas et des artistes qui ne peuvent plus s’en passer pour accompagner leurs sorties.
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D’après le site Statista, 5,4 millions de vinyles ont été vendus en France en 2022.
Victor, 23 ans, a lui commencé sa collection au début du Covid-19. “Aujourd’hui, c’est vraiment l’objet vinyle qui revient, pas forcément la musique.” Même s’il écoute encore tous ses disques, plusieurs statistiques s’accordent à dire que, dans le monde, presque 1 vinyle sur 2 n’est pas écouté et reste bien sagement dans sa pochette. Avec l’ultradomination du streaming, le vinyle apparaît comme une manière de se réapproprier physiquement la musique mais aussi comme une preuve de soutien pour un artiste, une manière de participer à l’aventure, de monter dans le train… mais encore faut-il avoir de quoi se payer le billet !
Tourne le disque et grimpent les prix
“Depuis le Covid-19, les prix ont augmenté, mais en 2023, c’est encore pire.” Ce sont les mots de Blaise, disquaire à Paris. “Si ça continue comme ça, ça va être compliqué. J’ai connu le double [vinyle] à 20 euros ; aujourd’hui, c’est 35, 40, voire des fois 50 euros.” Plusieurs explications à cela. La première, il a fallu reconstruire l’industrie après un violent trou d’air pour le marché du vinyle. “Il n’y avait pas assez de capacité”, indique Alban Pingeot de MPO, avant de continuer : “On a fait face à des difficultés d’approvisionnement de matières premières mais aussi des pénuries. Le Covid-19 a désorganisé toute la chaîne logistique mondiale et il y a des retards, forcément.”
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Impossible de parler du coût du vinyle sans en détailler sa fabrication. Il est composé de PVC, matière plastique faite, entre autres, de pétrole. Quand on connaît sa fluctuation et sa spéculation récentes (en plus d’être écologiquement problématique), on comprend que cela a pu peser dans la balance. Pour faire des vinyles, comme vous pourrez le voir dans la vidéo ci-dessous (vidéo du Parisien), MPO, comme les autres entreprises spécialisées, utilise des billes de nickel, une matière qui a posé problème à Alban Pingeot : “Sur la période, il y a eu d’énormes augmentations pouvant aller jusque x1000, créant forcément de la spéculation.”
Le magasin de Blaise Syncrophone est aussi un label indépendant. Blaise explique avoir récemment dû augmenter de deux euros tous les vinyles des artistes produits : “Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas fait d’augmentation.” Faire face aux coûts de fabrication qui augmentent, c’est la raison de ce choix. Malgré tout, Alban Pingeot, qui accepte sans broncher cette hausse du fabricant vers le client/artiste/label, voit derrière celle-ci d’autres raisons. “Ce n’est pas que la faute de l’industriel”, explique-t-il.
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Baisser les prix, pourquoi ?
Sur son compte Le Hip-Hop en Vinyle, Victor partage la musique qui lui tient à cœur mais ne s’interdit pas non plus de parler de choses qui fâchent, et le prix des vinyles en fait partie.
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Pour lui comme pour Alban Pingeot et Blaise Syncrophone, les labels “abusent” : “Ils ont forcément une part de responsabilité, ils jouent énormément sur des arguments de vente comme le nombre limité de vinyles mais sans dire le nombre précis par exemple.” Pour le directeur de MPO, l’explication réside dans la simple formule de l’offre et de la demande : “Mettez-vous à leur place ! Comme les produits se vendent, je vais pas baisser mon prix et comme j’ai du mal à me fournir, c’est la loi du marché : j’augmente les prix. Mais je pense que ça va bientôt se calmer.” Suivant cette logique, Alban Pingeot a déjà remarqué des vinyles aux coûts de production identiques se vendre à des prix élastiques pouvant aller de 5 à 10 euros de différence.
Le retour du vinyle et la hype actuelle constituent aussi le moyen pour les jeunes de découvrir un objet encore inconnu ou qu’ils pensaient jusqu’alors oublié. Une nouvelle clientèle peu à même de connaître le prix “de base du vinyle” d’après Victor et qui est “prête à acheter un produit exclusif de son artiste, peu importe le prix de fabrication”, sans oublier le prix à la revente qui explose sur des sites comme Discogs ou Vinted, créant un véritable marché parallèle aux prix pouvant être démesurés, jouant sur la rareté des albums, l’envie toujours plus grande de posséder les vinyles les plus convoités et malheureusement en rupture de stock chez les distributeurs.
Une dynamique instable
Augmentation du prix de production, labels qui profitent de la hype autour du vinyle… On pourrait se demander si tout ça ne va pas un jour ou l’autre dégoûter les passionnés et fracturer le vinyle, pourtant connu pour sa résistance quasi infinie en comparaison du CD.
“Ça devient compliqué pour un étudiant qui veut s’acheter un peu de vinyles.” “L’un des problèmes du vinyle, c’est que c’est trop cher, et ça freine la consommation, j’en suis certain.” Respectivement, Blaise Syncrophone et Alban Pingeot partagent le même discours. Quant à Victor, il subit directement ces augmentations, lui qui est arrivé au moment même où elles sont apparues :
“En 2020, je me donnais un budget de 100 euros et je pouvais prendre 4, 5 vinyles. Maintenant, avec le même budget, je peux m’en prendre 3, peut-être 4 si j’ai de la chance.” Malgré ces difficultés, il distille quelques bons conseils pour continuer à prendre du plaisir dans sa passion : “Attendre les promos, acheter plus d’occasion, dans les foires aux disques ou les braderies, ça permet aussi de découvrir de nouvelles choses. Être patient, finalement.” Il conseille aussi de ne pas acheter à un prix déraisonné afin de ne pas rentrer dans le système et casser cette boucle. Dans ce sens, Blaise Syncrophone pointe du doigt le Disquaire Day, fête du disque biannuelle, où les prix flambent facilement : “Ils font des éditions un peu collector pour le Disquaire Day sur des vinyles qu’on connaît par cœur comme un Michael Jackson et ils vendent ça beaucoup plus cher. Si on doit boycotter quelque chose, je pense que c’est ça. C’est un véritable problème.”
Vers un prix unique ?
Alban Pingeot évoque avec nous l’éventualité d’un prix unique “comme les livres” et ainsi “faire perdurer le métier et que ça ne soit pas qu’une tendance”. Une idée qui changerait beaucoup de choses mais qui semble encore plus qu’utopique à l’heure actuelle. “Il faut comprendre qu’un vinyle coûtera toujours plus cher qu’un CD classique. Maintenant, ce qu’il faut savoir, c’est quel est le bon prix. Est-ce que le bon prix, c’est 20-25 euros ? Probablement. Probablement aussi que 35, 40 euros, c’est trop cher. Il faut aussi voir si c’est un double, un triple, etc. Mais la réponse du gros label, ça va être : ‘Tant que ça se vend, j’en profite.'”