Au cours du Festival de Cannes, Konbini vous fait part de ses coups de cœur ou revient sur les plus gros événements de la sélection.
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Les Reines du drame, c’est quoi ?
À l’occasion des 50 ans du tube “Pas Touche” de Mimi Madamour, une espèce de Lorie version Langlois, qui a marqué sa vie et sa pop culture au fer rouge, l’illustre youtubeur Steevy Shady dépoussière sa fabuleuse chaîne de vidéos pour retracer la vie de son idole. De son ascension fulgurante en tant qu’icône de la pop à son idylle tumultueuse avec la figure punk Billie Kohler, Steevy raconte Mimi Madamour sans aucun filtre.
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Après les succès de ses courts-métrages De la terreur, mes sœurs ! ou encore le génial Les Démons de Dorothy, Alexis Langlois se lance dans l’exercice du premier long-métrage, avec une “comédie musicale” (le mot effraie, mais ne devrait pas) qui justifie son titre de promesse du cinéma français subversif. Avec son esthétique plus queer que jamais, son ton complètement barré et sa sincérité camp et kitsch, Les Reines du drame fait plaisir à voir sur une Croisette qui se prend parfois trop au sérieux.
Porté par Gio Ventura et Louiza Aura, que le film révèle avec grâce, Les Reines du drame met en scène un casting atypique, résolument queer, mêlant des pointures reconnues comme Asia Argento, des noms identifiés comme Alma Jodorowsky ou Bilal Hassani, qui se révèle aisément sur grand écran, ou des noms déjà bien connus de la scène drag francophone, comme Jean Biche ou Drag Couenne. Un casting cinq étoiles qui s’anime sur des compositions musicales de Rebeka Warrior et Yelle, au cœur d’un récit romantique qu’on connaît tous et toutes, mais qu’on n’a jamais vraiment entendu raconté de la sorte.
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Pourquoi c’est bien ?
Fort de son esthétique pailletée et colorée, Les Reines du drame mise sur un maximalisme over the top qui, paradoxalement, est empreint d’une folle authenticité : celle du goût profond d’Alexis Langlois pour le coloré, le pailleté, le farfelu. Sans prétention, le film déroule l’histoire plutôt simple et familière de cet amour toxique tumultueux, mais lui donne des contours inédits et inattendus (un nichon percé en plastique en guise de totem romantique ou un hymne au fist comme sérénade amoureuse) qui nous ont fait nous tordre de rire et de plaisir.
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Si, aujourd’hui, on parle à tout va de “films queers”, rares sont ceux qui parlent et maîtrisent le langage queer, qu’il soit verbal, esthétique ou narratif, comme ce premier film d’Alexis Langlois. Alors que les références se multiplient et ponctuent le récit (le télécrochet musical, l’ode rock aux butchs, la reconstitution du pétage de plombs de Britney Spears), Langlois rend également hommage à un cinéma qui ne cache pas son côté factice : les changements de plateau sont visibles, les extérieurs ont l’air d’intérieurs, et l’inverse est vrai aussi.
On a l’impression d’observer les scènes depuis le studio, ce qui nous pousserait à citer le récent Barbie de Greta Gerwig (à raison), mais on préférera comparer cet esprit volontairement factice et coloré au Querelle de Fassbinder. De son côté, Langlois cite Frank Tashlin comme inspiration, et notamment son film La blonde et moi.
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Les lumières sont aveuglantes, déformantes et le montage s’autorise des fondus, collages et autres fantaisies trash que beaucoup taxeraient de mauvais goût, lorsqu’on y décèle plutôt le cœur d’un esprit camp qu’il faut protéger à tout prix, dans un paysage de cinéma français qui semble en avoir trop peur, malgré ce que nous ont appris les chefs-d’œuvre de Jacques Demy ou Vincente Minnelli.
L’histoire d’amour entre Mimi et Billie tourne parfois en rond (c’est comme ça dans la vraie vie aussi), donnant parfois lieu à quelques longueurs, tandis que beaucoup risquent de trouver le jeu un peu niais par moments — la tolérance au kitsch n’est pas la même chez tout le monde. Malgré cela, peu pourront nier le bonheur de voir un tel ovni projeté à Cannes.
Le bonheur, c’est également celui de se dire que le cinéma d’Alexis Langlois commence tout juste à nous ouvrir les bras, avec la promesse de nous inonder de ces extravagances qui étonnent, captivent, et surtout résonnent avec le mantra des protagonistes des Reines du drame : “Tout est faux, tout est pour le show”. Et quel show.
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On retient quoi ?
Les acteur·rice·s qui tirent leur épingle du jeu : Gio Ventura et Louiza Aura, qui brillent dans un tandem romantique à la fois enchanteur, kitsch et libidineux, mais aussi Bilal Hassani qui rayonne sous ses prothèses et rythme le film avec une énergie débordante qui fait sourire.
Les principales qualités : Les références pop et queers qui ancrent le film dans une modernité délicieuse, tout en rendant des hommages au “cinéma studio”, volontairement factice et kitsch, encore trop rare en France. La musique de Rebeka Warrior et Yelle.
Le principal défaut : Pas assez de Bilal Hassani — mais bon, on n’en a jamais vraiment assez.
Un film que vous aimerez si vous avez aimé : Les Rencontres d’après-minuit de Yann Gonzalez, Vox Lux de Brady Corbet et Les Démons de Dorothy d’Alexis Langlois.
Ça aurait pu s’appeler : Fist and Furious.
La quote pour résumer le film : “Feu d’artifice et lettre d’amour extravagante à la culture queer.”