Le Paris Surf & Skateboard Film Festival, également connu sous l’acronyme PSSFF, est aujourd’hui un rendez-vous incontournable pour les amateurs de surf et de skate à Paris. Depuis sa création en 2016 par Élodie Salles, Guillaume le Goff, Stéphane Borgne Julien Potart et David Couliau, l’événement propose chaque année une sélection internationale de films indépendants inspirés par le surf et le skate, ce qui en fait l’un des rares événements (sinon le seul) à mettre en lumière le cinéma issu de ces deux cultures sur le devant de la scène parisienne. Et quoi de mieux que L’Entrepôt, connu pour sa programmation de films triés sur le volet et ses divers rassemblements culturels, pour accueillir la sixième édition de ce festival ?
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C’est donc dans ce haut lieu du 14e arrondissement que nous avons passé le week-end aux côtés de centaines de festivaliers. Une fois notre pass sanitaire validé et le logo de l’événement (une dérive de surf accolée à une roue de skate) tamponné sur le dessus de la main, nous sommes tombés nez à nez avec un écran géant sur lequel défilaient tantôt des skateurs sur le bitume citadin, tantôt les vagues infinies d’un spot de surf glassy. Au sol, d’énormes Fatboy aux couleurs de la marque Vans, l’un des partenaires du festival, sur lesquels des festivaliers au regard rivé sur la projection se sont confortablement installés.
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Quelques étages plus haut, dans la grande salle nichée au dernier étage de L’Entrepôt, le PSSFF proposait une grande partie de son “Off” : une programmation faite d’expositions photo, d’espaces librairies ou encore de conférences. C’est ici qu’on a pu apprécier les photos de Clément Le Gall, Salt Water & Aljaz Babnik, Yedihael Canat et Bastien Bonnarme ; feuilleter les livres sélectionnés avec soin par les librairies indépendantes Le Grand Jeu et Classic Paris ; mais aussi découvrir les dernières trouvailles de souvenir machine®, jeune marque spécialisée dans les T-shirts vintage, et les longboards du concept store de Biarritz, Colors of Surfing.
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Une compétition internationale
Mais le lieu le plus convoité de ces quatre jours fut incontestablement la salle de projection. Située au rez-de-chaussée de l’établissement, elle a accueilli quinze films en provenance du Brésil, des États-Unis, de la Suède ou encore de la Suisse, dont cinq ont été diffusés pour la première fois en France. Comme les précédentes années, ces derniers concouraient pour quatre prix différents : celui du Meilleur long-métrage surf, du Meilleur long-métrage skate, du Meilleur court-métrage surf et du Meilleur court-métrage skate.
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Pour les départager, l’équipe du PSSSF a su réunir des jurés d’exception (une tradition pour le festival, qui a déjà accueilli Tony Alva, Lee-Ann Curren ou encore Pedro Winter pour ses précédentes éditions). Cette année, le président n’était autre que le photographe et artiste new-yorkais Glen E. Friedman, figure emblématique de la culture skate.
À ses côtés se tenaient quatre autres personnalités du milieu : la productrice française Priscilla Bertin, qui travaille actuellement sur l’adaptation en long-métrage d’animation du roman graphique In Waves d’AJ Dungo ; la réalisatrice Marion Desquenne, dont la dernière réalisation pour Canal+, Bande de skateuses, offre une réflexion sur l’arrivée massive du skate féminin ; le journaliste français Raphaël Krafft, à l’origine de la série documentaire audio Le surf, une vague mondiale,< diffusée en début d’année sur France Culture ; et la Californienne Myriah Rose Marquez, réalisatrice, skateuse et cofondatrice de GrlSwirl, une communauté locale de Los Angeles dont l’objectif est de valoriser les femmes par le biais du skate. Un jury à majorité féminine donc, qui soulignait le désir d’inclure toujours plus les femmes de la part de l’équipe du PSSFF.
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Des pionniers du surf…
Ce qui nous a plu dans cette sixième édition du Paris Surf & Skateboard Film Festival, c’est le pont indéniable qu’elle est parvenue à élever entre le passé et le futur de ces deux cultures. Un véritable trait d’union entre les pionniers fondateurs de ces sports, et la nouvelle génération de surfeur·se·s et skateur·se·s, plus inclusive et féminine que jamais.
Diffusé le soir de l’ouverture, A Look Back, Dogtown & Zboys a ravivé la flamme des Z-Boys, l’iconique crew de skateurs californiens qui a vu émerger Tony Alva, Jay Adams et Stacy Peralta dans les années 1970. Signé Glen E. Friedman, ce documentaire relate plus précisément la façon dont le documentaire DogTown and Z-Boys, sorti il y a vingt ans et récompensé de deux prix au Sundance Film Festival, a affecté les membres originaux de cet influent team.
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Projeté le dimanche après-midi, A Life of Endless Summers: The Bruce Brown Story rendait quant à lui hommage à Bruce Brown, réalisateur de l’iconique The Endless Summer (considéré comme le film de surf le plus célèbre de tous les temps). Réalisé par son propre fils, Dana Brown, ce documentaire touchant nous a plongés dans les souvenirs impérissables de ce pionnier, tout en retraçant les premières heures du surf moderne, époque à laquelle les planches étaient encore en bois et où le légendaire spot de Pipeline était encore désert.
… à la nouvelle génération
Ces films, essentiels à la compréhension des origines du surf et du skate, ont été juxtaposés à d’autres films qui, de leur côté, dessinent le futur de ces cultures. Il y a d’abord eu ceux dédiés aux nouvelles figures de la scène, à l’instar de The Curious Tales of Italo Ferreira de Luiza de Moraes. Aujourd’hui disponible sur Red Bull TV, ce documentaire de 50 minutes retrace la vie et le parcours hors-norme du surfeur brésilien Italo Ferreira, de ses débuts à son historique médaille d’or aux Jeux olympiques de Tokyo en passant par son titre de champion du monde en 2019.
Mais il y a aussi et surtout eu des films dédiés aux personnes qui restent encore sous-représentées dans ces mondes (encore trop largement considérés comme blancs et masculins). Parmi eux : Charlie Surfer, qui concourait dans la catégorie du Meilleur court métrage surf. Réalisé par Pia Stromme, ce dix-huit minutes a pour protagoniste Charlie, 10 ans, diagnostiqué autiste Asperger. Comme l’explique son résumé : “[Charlie] est fier de son diagnostic mais parfois, il aimerait ressembler un peu plus aux garçons de sa classe. Sa différence fait qu’il se sent parfois mis de côté. À cause de son Asperger, Charlie a des difficultés dans les sports d’équipe, mais il a trouvé deux choses qu’il adore faire : surfer, et danser. Avec Charlie Surfer, nous suivons les péripéties de Charlie durant son séjour au surf camp.”
Il y a aussi eu Havana Libre, un film de Corey McLean réalisé par Tyler Dunham et Nicholas Weissman, qui suit un groupe d’irréductibles surfeurs cubains bien décidés à faire accepter le surf dans leur pays. De son côté, Bangla Surf Girls d’Elizabeth D. Costa a fait grande impression sur le public samedi soir. Ce documentaire, qui fait écho à l’oscarisé Learning to Skateboard in a Warzone (If You’re a Girl) (diffusé en 2020 au PSSFF et rediffusé cet été dans le but de lever des fonds pour l’association Skateistan), nous entraîne à la rencontre de Shobe, Aisha et Suma, trois jeunes Bangladaises qui ont trouvé dans la pratique du surf un moyen de s’évader de leur quotidien – devenant ainsi les premières femmes surfeuses du Bangladesh.
Sans oublier Je m’appelle Bagdad (Meu Nome é Bagdá), qui a clôturé le festival dimanche soir. Dernier projet en date de la réalisatrice brésilienne Caru Alves de Souza, d’ailleurs présente pour la projection, cette fiction suit le quotidien de Bagdad, une jeune skateuse de Freguesia do Ó (quartier populaire de São Paulo), dont la vie change du tout au tout lorsqu’elle rencontre un groupe de skateuses féminines dont la mentalité est située à des années-lumière des skateurs masculins qu’elle a l’habitude de fréquenter.Autant de films qui, mis bout à bout, ont su montrer une autre facette des cultures skate et surf – celle que l’on peine encore trop souvent à voir dans les médias et autres réseaux sociaux.
Les femmes récompensées
Le jury a d’ailleurs rendu hommage à cette autre facette. Rendu dimanche soir après de longues délibérations, le verdict a récompensé plusieurs films dédiés aux invisibilisés des mondes de la glisse. Le prix du Meilleur court-métrage skate a ainsi été décerné à Charlie Surfer, qui a ému les membres du jury.
Le prix du Meilleur court-métrage skate a été attribué à Trou noir, un film du Suisse Tristan Aymon, déjà récompensé par d’autres festivals (le Nordic International Film Festival de New York lui a récemment décerné le prix du Best International Short). Ce dernier relate l’histoire de Vincent, un ado fan de skate quelque peu perdu, qui fait un jour la rencontre d’un animal blessé dont la vulnérabilité l’amène à se questionner sur ses propres peurs… Une œuvre touchante, qui a en outre pour décor les paysages isolés de Martigny (Suisse), prônant ainsi une pratique du skate loin des espaces citadins.
Quant à Bangla Surf Girls et Je m’appelle Bagdad, tous deux centrés sur l’histoire de personnages féminins, ils ont respectivement hérité des prix du Meilleur long-métrage surf et du Meilleur long-métrage skate. “Wow, nous avons gagné un autre prix pour Je m’appelle Bagdad !, s’est félicitée Caru Alves de Souza, la réalisatrice du film. C’était une belle projection, pleine de gens incroyables, de skateurs… et peu de temps après, nous avons appris que nous avions remporté le prix du Meilleur film de skateboard sur cet incroyable festival qu’est le PSSFF ! Merci beaucoup, c’était incroyable ! Le film continue à être diffusé dans les salles au Brésil et en France.”
De son côté, l’équipe de PSSFF a tenu à remercier tous les réalisateurs, collaborateurs et autres participants présents durant ces quatre jours, et nous donne déjà rendez-vous l’an prochain pour continuer à montrer toute la richesse des cultures skate et surf.