Le syndrome des amours passées, la fable insolite où l’on déconstruit le couple (en recouchant avec ses ex)

Publié le par Sophie Grech,

Rencontre avec Ann Sirot et Raphaël Balboni pour leur deuxième long-métrage, présenté à la Semaine de la critique en mai dernier.

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Le couple a toujours été un sujet fécond pour la fiction : drames larmoyants autour de la séparation, comédies romantiques (de préférence avec Hugh Grant), parfois même le centre d’un thriller glacial. Mais l’on peut se demander s’il ne s’est pas épuisé, composé des mêmes archétypes associés aux mêmes genres du cinéma. C’est pour cela qu’il est réjouissant de voir sur les écrans un film aussi drôle, original et déconstruit que Le syndrome des amours passées.

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Sandra et Rémi sont heureux en ménage, un seul nuage dans le ciel bleu de leur romance, ils souhaitent avoir un bébé et n’y arrivent pas. Le diagnostic tombe, ils souffrent du syndrome des amours passées, heureusement pour eux, un médecin qui connaît bien ce problème a la solution. Pour avoir un enfant, il leur suffit de recoucher avec tous leurs anciens partenaires sexuels.

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Le duo de cinéastes a su explorer la notion de couple lors de leurs précédentes œuvres avec une douceur humoristique ainsi qu’un ton dramatique singulier. Leurs deux longs-métrages Une vie démente (2020) et Le Syndrome des amours passées partagent le même postulat de départ : “un couple souhaite procréer, mais…”

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Si pour Une vie démente l’agrandissement de la cellule familiale est “purement narratif” comme l’a précisé Raphaël Balboni durant l’interview, dans Le Syndrome des amours passées, il y a une vraie analyse du couple, des injonctions sociales autour de cette entité, et des constructions psychologiques dans la dynamique homme-femme d’un couple hétérosexuelle dans la quarantaine. Le couple, ce sujet tant traité, est-il une source inépuisable de fiction ? Ann Sirot répond :

“Je pense qu’il y a énormément de choses à raconter via le couple parce que c’est quand même un espace qui est à la croisée de l’intime et du social tout en étant un endroit qui est extrêmement contrôlé. C’est un endroit d’amour, enfin quand il y a encore de l’amour, qui peut rimer avec liberté. Et en même temps, c’est assez impressionnant comment on se laisse un peu mettre en boîte.”

Sandra et Rémi, les deux personnages principaux, sont confrontés à ce que l’on appelle du réalisme magique. Un postulat qui frôle l’absurde ou le fantastique, que le long-métrage va traiter de manière parfaitement réaliste. Ce couple se voit dire par un personnage représentant une forme d’autorité médicale, que pour avoir un enfant, ils doivent recoucher avec tous leurs anciens partenaires.

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Ce postulat est évidemment une grande source de comédie, mais se base sur un syndrome plus terre à terre, le précise Raphaël Balboni :

“On a rencontré une chercheuse-gynécologue, qui nous a parlé du “syndrome du lâcher prise”. C’est un vrai syndrome qui existe chez certains couples qui n’arrivent pas à avoir d’enfants, ils n’ont pas de problème physiologique, mais au moment où ils se séparent, ils font l’amour lors d’un “break-up sex”, et d’un coup, la femme tombe enceinte. Ils n’ont pas d’explication, mais ils ont lâché prise et paf, c’est arrivé. Donc nous, on est parti de cette idée-là, sauf qu’on a inventé notre propre syndrome, beaucoup plus absurde.”

Mais le duo n’a pas seulement créé un syndrome cocasse, ils ont aussi placé ce postulat dans un univers coloré et onirique. Le film utilise le procédé de métaphore visuelle comme fil rouge narratif. Comme le précise Ann Sirot, ce traitement est aussi une porte d’entrée pour le public :

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“Le fait de passer par un postulat de départ un petit peu fantastique, ça permet d’en faire une fable et donc de donner l’autorisation à tous de venir le voir et d’accueillir tout le monde.”

L’absurdité du concept n’omet pas quelques constructions sociales bien réelles avec lesquelles les cinéastes vont réussir à créer des situations comiques. La première étant que Sandra a eu une vie sexuelle plus riche que son conjoint. Lors de l’accrochage des photos de leurs ex-partenaires, procédé presque semblable à celui d’une enquête, Sandra épingle au mur presque une vingtaine de photos tandis que Rémi n’en a que trois. Est-ce que dans notre société “déconstruite” la sexualité est toujours une compétition consciente ou inconsciente au sein d’un couple ?

Pour Raphaël Balboni, ces injonctions masculines sont toujours bien présentes et ils ont choisi d’en parler avec humour :

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“Nous profitons de cette situation décalée pour parler d’injonctions. Des mecs ont besoin d’avoir une grande liste d’ex. Alors que les femmes, elles ont tendance à en enlever. On peut parler d’injonctions masculines tout en étant drôles et sans être dans le jugement. Peut-être que dans 50 ans, le film ne fera plus rire parce qu’on ne sera plus dans ces injonctions masculines ou féminines et ce sera peut-être très bien.”

Pour Ann Sirot, leur fable humaine et sentimentale parle également de l’attraction physique et émotionnelle qui mène à la construction d’une sexualité propre à chacun :

“Il y a confusion entre expérience et nombre de partenaires. Et ça fait un peu partie des thèmes que soulèvent le film. On a envie que les personnages se réconcilient avec leur passé affectif. Ça fait partie de notre identité sexuelle. Quand on parle d’identité ou d’orientation sexuelle, il s’agit toujours des gens qui nous attirent.

Mais, ici je pense qu’on essayait de parler de comment on est attiré, de comment on est amené à toucher d’autres gens, et comment on est amené à vivre une complicité physique tellement forte avec d’autres, et qu’est-ce qui trace ce chemin. On n’est pas les mêmes, donc on n’est pas conduits à toucher les autres par les mêmes biais. Et c’était un peu pour réfléchir à ça.”

Comme l’ont précisé les cinéastes, Le Syndrome des Amours Passées offre la possibilité au public de faire face aux réalités sociales auxquelles se confronte un couple. Aussi bien dans son fonctionnement intrinsèque qu’au travers du regard des autres personnages. Raphaël Balboni a pu constater lors des projections tests que les préjugés dont Ann Sirot et lui-même se moquent dans le film, sont terriblement présents, notamment ceux concernant les personnages féminins, il raconte :

“En tant qu’homme, je comprends ce qu’est le sexisme, mais je ne l’expérimente pas vraiment. Depuis qu’on a fait des personnages féminins principaux j’ai beaucoup plus compris. Avec le personnage de Sandra c’était infernal uniquement parce que c’est une femme avec plein d’ex. Rémi fait des trucs pas possibles, il ment, mais tout passait auprès des spectateurs.

J’ai l’impression que c’est à cause du grand jugement que les gens ont sur les femmes. Et ce n’est pas un jugement qui venait uniquement des spectateurs hommes, les femmes aussi avaient des préjugés sexistes et c’est malheureusement la société qui est comme ça.”

Le Syndrome des Amours Passées est en salles le 25 octobre.