Dans le neuvième long-métrage d’Asghar Farhadi, un “héros” emprisonné pour dettes se voyait érigé en modèle de vertu après avoir retourné un sac de pièces d’or égaré à sa propriétaire avant qu’un mensonge par omission ne vienne enrayer sa médiatisation. Un dilemme moral saisissant qui avait valu au réalisateur iranien le Grand Prix du Jury au Festival de Cannes en juillet dernier.
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Mais peu de temps après la sortie du film, le réalisateur était accusé de plagiat par Azadeh Masihzadeh, une ancienne étudiante qui lui reprochait de s’être approprié le scénario de son documentaire, All Winners All Losers, qu’elle aurait développé lors d’un workshop animé par le cinéaste à Téhéran en 2014.
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La jeune femme a récemment expliqué à ABC News qu’en 2019, le réalisateur lui aurait demandé de signer un document stipulant que l’idée du scénario était la sienne. Intimidée par la renommée du cinéaste, elle aurait accepté de signer le texte, ne réalisant les nombreuses similitudes entre leurs deux films qu’au moment de la projection d’Un héros en 2021, détaille encore ABC News.
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Si Farhadi a admis qu’Un héros était effectivement basé sur la même histoire vraie, il a également affirmé avoir mené ses propres recherches pour nourrir son scénario. À ce sujet, il expliquait à Allociné lors de la promotion française de son film :
“Il y a huit ou neuf ans […] comme un simple projet pédagogique, j’ai proposé à mes étudiants de se diviser en groupes de deux ou trois personnes, et je leur ai moi-même transmis certaines de ces histoires que j’avais relevées dans la presse. Je leur ai aussi demandé d’essayer d’en trouver d’autres et de faire des petits sujets sur ces personnes, sur des parcours de ce type. Mais, là encore, ça ne dépassait pas le cadre de la réflexion et de la démarche pédagogique. C’est seulement encore plus tard […] que je me suis dit que ce concept, ce sujet qui occupait mes pensées et qui m’intéressait depuis des années, pouvait mériter que je m’y attarde davantage pour écrire une histoire qui ait ce sujet en son cœur.”
Le réalisateur a donc poursuivi Azadeh Masihzadeh en diffamation qui a répliqué en déposant une plainte pour plagiat. Le cinéaste pourrait être contraint de verser à Masihzadeh “tous les revenus engrangés par le film en salle ou en ligne” (c’est Amazon Prime qui a acquis les droits d’Un héros pour le territoire américain) qui s’élèvent, à ce jour, à 2,5 millions de dollars. Asghar Farhadi pourrait également être condamné à une peine de prison, selon The Hollywood Reporter.
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Doublement auréolé de l’Oscar du Meilleur film étranger pour Une séparation en 2012 et pour Le Client en 2017, son film était une nouvelle fois pressenti pour représenter l’Iran dans la course aux Oscars 2022. Mais Farhadi avait refusé d’envoyer Un héros concourir pour la statuette, dénonçant sur Instagram l’hypocrisie d’un régime dont il se dit la cible en tant qu’artiste :
“Comment peut-on m’associer de manière trompeuse à un gouvernement dont les médias extrémistes n’ont jamais cessé ces dernières années de me détruire, me marginaliser, me stigmatiser. […] J’ai explicitement exprimé mon point de vue sur les souffrances que [l’État] a imposées durant des années à la nation.”
Mise à jour du 6 avril 2022
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“Trois plaintes ont été déposées contre le film“, a indiqué lundi sur Instagram Me Kaveh Rad, avocate du réalisateur. Deux proviennent de Mme Masihzadeh et une autre émane du prisonnier ayant inspiré ce long-métrage, qui accuse M. Farhadi de diffamation, selon la même source.
Deux des plaintes ont été rejetées mais l’une d’elle, celle concernant les droits d’auteur de Mme Masihzadeh, a été retenue lors d’un premier jugement, a indiqué Me Rad. Le producteur français du film, Alexandre Mallet-Guy, s’est dit quant à lui “fermement convaincu que le tribunal déboutera Mme Masihzadeh“. “Elle ne peut pas revendiquer la propriété d’histoires relevant du domaine public, étant donné que l’histoire du prisonnier a été divulguée dans des articles de presse et des reportages télévisés des années avant la publication du documentaire de Mme Masihzadeh”, a-t-il déclaré dans un communiqué.
Selon ce même communiqué, la décision de justice finale n’aurait pas encore été prononcée. Le juge d’instruction aurait rejeté la revendication d’un droit à recettes de Mme Masihzadeh sur l’exploitation du film et décidé de renvoyer devant un tribunal son accusation de de violation de droit d’auteur sur son documentaire.
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Konbini avec AFP