Le photographe Soumya Sankar Bose documente la disparition et réapparition miraculeuse de sa mère devenue amnésique

Publié le par Lise Lanot,

© Soumya Sankar Bose/Experimenter

Un projet énigmatique qui tente de trouver des réponses là où il n’y a que des points d’interrogation.

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À 9 ans, la mère de l’artiste Soumya Sankar Bose sortit acheter des friandises pour des offrandes religieuses, conte son fils sur son site. Hélas, la petite fille ne revint pas chez elle ce soir d’octobre – ni les suivants. Il fallut attendre trois ans à la famille de l’enfant pour la retrouver. Presque aussi difficile à vivre que sa disparition, l’absence d’explications entourant ces années marqua durablement la famille.

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Souffrant de prosopagnosie, la victime était incapable de “reconnaître les visages de ses ravisseurs”, explique Tanvi Mishra, commissaire de l’exposition des Rencontres de la photographie d’Arles dédiée au travail de Soumya Sankar Bose. Réapparue vers 12 ans, la petite fille était revenue, les souvenirs de ses 36 derniers mois effacés de sa mémoire.

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Série Discrète évasion dans les ténèbres, 2020–en cours. (© Soumya Sankar Bose/Experimenter)

50 ans après les faits, le fils de la disparue a travaillé sur un projet artistique énigmatique, au carrefour de la fiction et de la recherche documentaire. Sa série Discrète évasion dans les ténèbres vise à “plonger le plus loin possible dans les recoins sombres de l’histoire” de sa famille, détaille-t-il. En enquêtant sur ces années volées, Soumya Sankar Bose interroge également les mémoires intergénérationnelles et les façons dont ce drame a touché et ruisselé sur chacun des membres de sa famille.

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Les points d’interrogation qui marquent ces années ont donné lieu à un projet rempli d’énigmes, de questions et d’hypothèses. Les images sont fantasmagoriques, elles présentent des visages manquants, des silhouettes animales et des nuits floues. Le travail iconographique est accompagné d’un journal fictif, “écrit” par le grand-père de l’artiste. Ce dernier n’a cessé de chercher sa fille mais n’a jamais eu la joie d’enfin être réuni avec elle puisqu’il est mort un an avant son mystérieux retour.

L’absence de réponses a poussé le photographe à puiser dans le pouvoir de “l’imagination, le folklore et la superstition”. Plutôt que de se laisser envahir par les angoisses et les malédictions, il s’empare de toutes les pistes de réponse possibles. Ancré dans un espace-temps éloigné, qui file entre les doigts et les mémoires, le projet s’inscrit cependant dans un contexte bien réel, celui “des émeutes qui eurent lieu à la même époque, en 1971, quelque temps avant la partition du Bengale”, note Tanvi Mishra. Ainsi, l’artiste “exploite le rapport complexe que la photographie entretient avec la mémoire et la vérité”, ajoute-t-elle.

Discrète évasion dans les ténèbres, 2020–en cours. (© Soumya Sankar Bose/Experimenter)

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Discrète évasion dans les ténèbres, 2020–en cours. (© Soumya Sankar Bose/Experimenter)
Discrète évasion dans les ténèbres, 2020–en cours. (© Soumya Sankar Bose/Experimenter)
Discrète évasion dans les ténèbres, 2020–en cours. (© Soumya Sankar Bose/Experimenter)

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L’exposition “Discrète évasion dans les ténèbres” de Soumya Sankar Bose est présentée dans le cadre du Prix Découverte Fondation Louis Roederer des Rencontres de la photographie d’Arles, jusqu’au 27 août 2023.

Konbini, partenaire des Rencontres de la photographie d’Arles.