Loin des yeux, près du cœur des fans, Jean-Jacques Goldman est devenu une icône inattaquable, comme le montre un livre de l’historien Ivan Jablonka, publié dans une France qui peut encore s’écharper autour d’une chanson des années 1980.
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Vendredi 18 août est paru l’essai Goldman, où l’universitaire s’intéresse aux raisons pour lesquelles le chanteur de “Je marche seul” a connu une popularité subite, et l’a conservée alors que passaient les modes.
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“Goldman est devenu consensuel”, dit l’auteur à l’AFP. Ça n’a pas toujours été le cas. “Il a été honni par la presse intellectuelle de gauche dans les années 1980. Il y avait alors des centaines de milliers de personnes qui se pressaient à ses concerts, mais pour d’autres il représentait la mollesse politique, le capitalisme culturel, la médiocrité artistique.”
Michel Sardou, issu de la même génération née après-guerre, était une autre cible de cette intelligentsia française.
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Au cœur, depuis une semaine, d’une controverse née des propos de la chanteuse Juliette Armanet sur “Les Lacs du Connemara” (1981), qu’elle trouve “immonde” et “de droite”, Sardou est plus clivant. Mais dans cette polémique, il a adopté une posture très goldmanienne : laisser parler.
“Fin du goldmanisme”
Jean-Jacques Goldman, qui fuit les médias depuis une vingtaine d’années, est quant à lui marqué à gauche. “Tout à fait conscient de sa famille politique, avec une tradition familiale forte, l’engagement de son père dans la Résistance, et un demi-frère (Pierre) qui était une figure de l’extrême gauche”, détaille Ivan Jablonka.
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S’il y a un enseignement à retenir de Goldman, c’est que pour l’historien la chanson est politique.
L’auteur va jusqu’à parler de “goldmanisme”. Il y fait entrer une tradition sociale-démocrate, proche de la sensibilité de l’écrivain britannique George Orwell ou de l’ancien Premier ministre Michel Rocard, faite d’attention aux plus faibles, de respect des différences culturelles et d’idéal de fraternité humaniste.
“La question que je me suis posée est : pourquoi la fin du goldmanisme ?”, explique l’historien.
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Jean-Jacques Goldman, 71 ans, l’a précipitée par son refus du système des célébrités né avec Internet. “On vit dans un régime d’ultravisibilité, avec les réseaux sociaux, la chasse aux likes, les influenceurs, etc. Imagine-t-on Goldman dans cette nouvelle donne ? Certainement pas”, déclare l’auteur de l’essai.
S’il n’a pas cherché à rencontrer le chanteur, l’auteur de Laëtitia ou la Fin des hommes, prix Médicis 2016, a demandé à consulter ses archives. “En vain, car je n’ai pas eu de réponse”, remarque-t-il.
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“À chacun son Goldman”
Le livre s’appuie, à la place, sur des interviews données par l’auteur-compositeur-interprète, où l’on redécouvre sa modestie naturelle, et sa manière douce d’exposer ses convictions.
Son arrivée en librairie a montré la cote d’amour que garde celui qui a été 12 fois “personnalité préférée des Français” (sondage annuel IFOP pour le Journal du dimanche).
En une de l’hebdomadaire Le Point, conservateur, on peut lire “Les années Goldman : quand la France s’aimait”. Puis, sur celle du quotidien Le Parisien : “Pourquoi Goldman fascine toujours”. Pour L’Obs, classé à gauche, ce livre est “un captivant essai” sur un artiste qui est “une belle énigme à résoudre”.
“À chacun et chacune son Goldman”, constate l’historien.
Le sien est double. Face aux sceptiques, “Goldman a gagné avec la musique qu’il a inventée : le pop rock, ce mélange de rock, de pop et de chanson à texte, qui influence aujourd’hui l’avant-garde des jeunes artistes”, dont Juliette Armanet.
Il a également accompagné une évolution vers une société française moins sexiste, moins raciste. “Dans les années 1980, le public de Goldman était massivement composé de jeunes filles des milieux populaires ou périurbains, à qui il a proposé un modèle et, au-delà, une voie d’émancipation”, d’après Ivan Jablonka.
Lequel l’avoue sans peine : lui aussi était fan, et l’est toujours.