Le dur combat de cette œuvre primée et créée grâce à une IA pour obtenir ses droits

Publié le par Konbini arts,

© Jason Allen via Midjourney

L’artiste Jason Allen essaie de faire reconnaître ses droits d’auteur sur une œuvre primée lors d’un concours d’art et réalisée grâce à une IA. Et ça bloque.

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Pourquoi donc cette œuvre d’art primée à la Colorado State Fair ne peut pas être protégée par le droit d’auteur·rice ? Parce qu’elle est “trop l’œuvre d’une machine” et “pas assez humaine”, selon le Bureau des droits d’auteur·rice états-unien, qui a rendu son verdict le 5 septembre dernier. Et ça désole son “créateur”, Jason Allen, comme ça désolait l’artiste Stephen Thaler il y a quelques mois, alors qu’il enclenchait les mêmes démarches dans le cadre de l’affaire Thaler vs Perlmutter.

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Les œuvres générées par IA peinent à être reconnues comme des propriétés intellectuelles dotées d’auteur·rice·s. Wired aborde le dernier cas en date de Jason Allen qui, après avoir gagné le premier prix de la catégorie numérique d’un concours d’art l’an dernier, a voulu faire reconnaître sa paternité sur son œuvre intitulée Théâtre d’opéra spatial. L’image en question imite le style d’une peinture en prenant pour inspiration Le Sacre de Napoléon. Elle montre des silhouettes et formes humaines drapées devant un énorme hublot. Cette fenêtre donne sur un monde qui a l’air bien futuriste. Elle a été créée par le logiciel Midjourney et avait fait scandale au moment de l’annonce du palmarès.

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“Je vais me battre comme un diable”

Allen a fait appel à deux reprises, et chaque fois, l’instance juridique ne lui reconnaissait aucun droit, tout comme Thaler, cité précédemment. Pourtant, tous·tes les artistes usant des IA ne sont pas logé·e·s à la même enseigne. Prenons comme exemple le cas très connu de Kris Kashtanova, artiste qui a obtenu, elle, ses droits d’autrice. À l’issue de son procès, les droits d’autrice de cette graphiste ont été reconnus pour sa bande dessinée Zarya of the Dawn, traduite en quinze langues et produite grâce à une IA. Toutefois, dans le cas de Kashtanova, seuls les dessins ont été générés par une IA ; le récit, la structure et l’univers sortaient de son esprit humain à elle. Aux États-Unis, Kris Kashtanova fut la première artiste à obtenir des droits d’autrice sur son œuvre générée par IA.

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Ce n’est pas totalement le cas de Thaler et Allen, qui n’ont fait que retoucher sur Photoshop une œuvre créée à 60 % (probablement) par une machine, en lui dictant son prompt. Leur œuvre n’est qu’une image, et non pas un récit entier comme pour Kashtanova. Peu content de la décision du Bureau, Jason Allen dit qu’il ne lâchera rien : “Je vais me battre comme un diable.” Lors de ses appels, le créatif a dû justifier les heures de travail passées sur cette image : en plus de Photoshop et Midjourney, il a eu recours au logiciel Gigapixel AI pour augmenter la taille et la résolution de son dessin. Il a précisé qu’il a dû produire au moins 624 prompts sur Midjourney et opérer de nombreux autres réajustements.

L’artiste a argué que son image n’est pas moins une propriété intellectuelle que la création d’un·e artiste revisitant l’image d’un·e autre artiste. Le Bureau a reconnu que certaines parties du tableau, retravaillées par sa main humaine, pourraient prétendre à une reconnaissance de son droit d’auteur – mais pas l’entièreté de l’image. “Le travail sous-jacent généré par l’IA constitue simplement une matière première que j’ai transformée grâce à mes contributions artistiques. […] C’est la définition même de l’étouffement de l’innovation et de la créativité, ce que le Bureau du droit d’auteur prétend protéger”, a déclaré Allen.

Le fait que son œuvre ait gagné un prix et ait été reconnue, le temps d’un concours, par des professionnel·le·s n’impressionne personne et ne semble pas convaincre davantage le Bureau. De quoi amener les artistes en herbe à ne pas trop se reposer sur les IA si leur but est de faire reconnaître un droit d’auteur·rice sur leurs œuvres. Peut-être que ces cas juridiques pousseront, en tout cas, la justice à établir des prérequis clairs pour accéder au droit d’auteur·rice et éclaircir ces zones d’ombre.

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