Alors qu’il vient de publier son deuxième album, L’étrange histoire de Mr.Anderson, Laylow est aujourd’hui devenu l’une des têtes d’affiche les plus attendues de l’année. Et quel parcours du rappeur toulousain ! Après avoir travaillé un style léché pendant des années qui lui a amené une certaine maturité et maîtrise dans son univers et ses influences, le Man of the Year a pu profiter du succès de son dernier projet, TRINITY, pour donner plus de visibilité à sa musique et à son art digital si mystérieux.
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De son univers à l’influence de sa patte artistique dans le rap français en passant par des concepts qu’il essaie de remettre au goût du jour : Laylow a su au fil des projets imposer sa musique telle qu’il l’imagine. De la production de ses morceaux jusqu’à la réalisation visuelle des clips, il est impliqué dans le moindre maillon de la chaîne de production de ses œuvres. Permettant ainsi de ramener une touche de singularité grâce à la vision qu’il a eue ces dernières années. Jusqu’à son dernier projet en date, dont la réalisation et le storytelling témoignent d’un artiste qui cherche à aller plus loin et à ne jamais se brider.
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Mr.Anderson, avant Laylow
Une histoire un peu étrange… Dans son nouvel album, Laylow revient pousser la cinématographie de sa musique à son paroxysme. Presque encore plus que sur TRINITY. Dans un storytelling qui est le prequel de son vécu depuis qu’il est installé dans le monde de la musique, Laylow raconte son parcours. C’est celui d’un jeune, rempli de rêves et d’espoir, mais enfermé dans un quotidien sans but et confronté à un environnement qui ne le comprend pas. C’est l’histoire de Mr.Anderson, qui raconte comment par la volonté de s’envoler et de montrer au monde entier sa singularité, il a réussi à devenir celui qu’il est : Laylow.
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Ce choix artistique est fort de la part de Laylow. Maintenant qu’il a réussi à prouver aux autres qu’il est différent et qu’on ne peut pas le faire rentrer dans les cases préconçues, ce choix de nous proposer une histoire antérieure à sa carrière d’artiste établi nous plonge dans l’intimité et dans la tête d’un adolescent qui veut vivre de sa passion. Des galères avec ses amis, aux soirées à traîner sans but précis, aux disputes à la maison avec la famille : Laylow se livre comme il ne l’avait jamais fait auparavant, et nous raconte ses rêves et angoisses de jeunesse.
Cet album et cette direction artistique arrivent à un moment charnière dans la carrière de Laylow. Lui qui, par le biais du digital, notamment sur TRINITY, avait toujours mis un certain filtre sur sa manière de se dévoiler et de communiquer avec le public. Ici, le côté sans filtre de ses performances renforce l’empathie de l’auditeur envers ce jeune garçon perdu et terriblement seul dans un monde qui ne lui convient pas. Par son récit mélancolique et les péripéties d’une l’histoire nocturne qui se passe quelque part dans le sud de la France en 2012, il donne matière à des gens dans la même situation à s’identifier à son parcours. Un nouveau créneau qu’il réussit à débloquer pleinement après la proposition faite sur TRINITY.
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Une évolution artistique notable
Quelle évolution dans la carrière de Laylow. De Mercy à L’étrange histoire de Mr.Anderson, le temps a permis à Laylow d’affiner une identité musicale que l’on ne retrouve nulle part ailleurs dans le rap français. Ce qui ressort quand on observe attentivement la discographie de cet artiste, c’est la couleur musicale de ses projets. Sur chaque sortie, Laylow s’est appliqué dans la construction de l’univers et de l’histoire qu’il a choisi de dévoiler à ses auditeurs. Pour amener sur chaque projet une touche particulière. Leur permettant ainsi de perdurer dans le temps sans prendre de rides.
La particularité de Laylow est qu’au fil des projets, il est réellement parvenu à incorporer complètement l’autotune dans sa voix. De sorte qu’elle ne devienne pas un simple artifice permettant de donner du relief à un refrain, mais qu’elle fusionne avec sa voix et qu’elle décuple le champ des possibles pour ses prestations vocales. De son classique “10′” au déconcertant “Enlève le shirt” ou encore “I Don’t : Need U / Know”, la maîtrise de sa voix lui permet d’affiner sa proposition musicale en lui proposant des alternatives illimitées quand il veut faire autre chose que kicker.
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Jusqu’à des morceaux comme “MILLION FLOWERZ” et au refrain de “STUNTMEN”, où, à l’instar d’un Travis Scott, sa maîtrise de l’autotune lui permet d’explorer des univers jusqu’alors inimaginables considérant son timbre vocal à nu. Et de procurer aux auditeurs des émotions qu’aucun autre artiste ne permet de pointer du doigt. Ou du moins pas de cette façon-là. Et c’est cette singularité dans l’approche de la recherche émotionnelle qui fait de Laylow un rappeur à part.
Laylow, la plongée dans des univers variés
Récemment, ce qui a permis à Laylow de donner un panel aussi large à ses effets de voix, c’est l’univers qu’il a choisi d’explorer : le digital. De plus en plus présent sur chaque projet jusqu’à .RAW-Z et sa cover à l’image d’un vrai cyborg, Laylow est progressivement arrivé à une certaine maîtrise de tous ces éléments qui composent le digital. Jusqu’au chef-d’œuvre qu’est TRINITY. Dans cette maîtrise qui émane de la musique de Laylow, est à créditer Dioscures, producteur qui a accompagné Laylow depuis .RAW et qui a intégralement produit TRINITY.
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Dans ce paysage rempli de glitchs, de voix synthétisées, de logiciels, d’effets dans les productions, les instruments et les contenus vocaux, Laylow a su pleinement se trouver. Et c’est un point sur lequel on aurait pu émettre quelques inquiétudes à l’annonce de l’album de Laylow, L’Étrange histoire de Mr.Anderson. Car après s’être en partie retiré de l’industrie suite à la sortie de TRINITY puis de son album CIELA, Dioscures n’est présent à la production que sur un seul titre de l’album, “Help!!!”, avec Ikaz Boi, Ponko et Loubensky. Cette palette plus large de producteurs avec lesquels Laylow a travaillé n’entache pour autant absolument pas la cohérence de l’album et la plongée dans l’histoire comme c’était le cas sur TRINITY.
Cette maîtrise de la technicité de son univers sur la forme lui donne toutes les cartes pour raconter une histoire, comme il l’a fait sur TRINITY, et encore une fois de manière impressionnante sur L’Étrange histoire de Mr.Anderson. Il est d’autant plus intéressant de noter que pour cet album, Laylow a abandonné l’univers digital. Ici, il peint une ambiance nocturne ancrée dans le réel, ce qui donne la possibilité d’explorer de nouvelles sonorités dans les choix des instruments, comme le piano qui est très présent, qui s’incorporait moins dans l’univers digital des différents projets.
Une source d’inspiration qui fait avancer le mouvement
La curiosité est progressivement venue dans les mois après la sortie de TRINITY de savoir comment Laylow allait réussir à se renouveler et à ne pas se faire enfermer dans une case trop restreinte via cet univers-là. SCH avait réussi avec son album Rooftop à faire respirer sa musique avant la suite de la trilogie JVLIVS. Il était un temps question d’un retour avec Digitalova 2, mais Laylow a finalement fait le choix de continuer dans la création d’albums concept et de storytelling.
La transition avec TRINITY reste pour autant indéniable. Certes, on est toujours dans une histoire avec un personnage, des interludes et par conséquent un mode de consommation assez particulier et plutôt en marge dans ce qui se fait habituellement dans le rap français. Pour autant, L’Étrange histoire de Mr. Anderson est une histoire différente, avec une atmosphère et des émotions bien distinctes. Pour un artiste qui “aime surtout ceux qui [le] déconnectent du monde et qui ont un gros univers”, le pari de ce deuxième album est plus que réussi. Et les efforts faits sur des albums avec un tel format, et toutes les contraintes de conception et de réalisation qui vont avec sont de plus en plus salués par les rappeurs, médias et le public qui ne peuvent que mettre à l’honneur cette démarche créative, de travail, de différenciation et d’identité stylistique.
Dans un blockbuster où Laylow est accompagné de gros noms comme Damso, Nekfeu, Hamza, slowthai, Foushée, Alpha Wann et .Wit, où il s’est entouré des producteurs les plus talentueux et reconnus du milieu (Loubensky, Ponko, Prinzly, Ikaz Boi, VM The Don…), L’Étrange histoire de Mr.Anderson. est une pièce magnifique que Laylow ajoute à sa discographie. Qui lui permettra sans doute de toucher un public plus large que sur TRINITY. Et de certainement prétendre garder, une année de plus, sa couronne de Man of the year.