Elle n’avait pas peint depuis le mois d’octobre, lorsqu’elle a quitté Gaza pour Londres, parce qu’elle était “complètement paralysée” et ne pouvait “même plus tenir un crayon ou un pinceau” face à ce que subissait son pays, nous écrit Malak Mattar. Fin décembre, la peintre palestinienne a tenté de sortir de sa torpeur en pensant à la composition d’une nouvelle œuvre, débutée le 6 janvier dernier.
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Celle qui, à l’adolescence, a trouvé dans la peinture un moyen de “relâcher toute son énergie négative” vient de terminer une toile de 4,5 mètres sur 2,1 qui “documente tous les aspects de la guerre”. “Cette peinture est une documentation totale et holistique du génocide en cours. Elle représente les meurtres d’humains, d’animaux, des religions, d’une architecture historique, des églises, des mosquées, des cultures, elle montre le meurtre des journalistes, le meurtre des artistes, des intellectuels et des poètes. Le cœur de cette œuvre, c’est l’exil forcé d’1,7 million de Palestiniens qui n’ont plus aucun lieu sûr, pas même sur les routes.”
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L’immense toile est en noir et blanc, l’artiste confiant qu’elle “ne voit plus les couleurs” : “Il n’y a plus que le noir qui puisse refléter la réalité, une réalité horrible, qui nous réduit au silence”. Sur les murs, des tags rappellent, en anglais et en arabe, que “Gaza vivra pour toujours ; Gaza vous hantera” ou encore que “[cela dure depuis] trop longtemps”. Au milieu des décombres, “des corbeaux, des chats et des chiens mangent les cadavres et c’est une réalité”, décrit Malak Mattar. De part et d’autre de l’élément central composé d’un homme au visage terrifié, au-dessus d’un cheval à la gueule grande ouverte, s’amoncellent des corps et des cadavres, des visages de femmes, d’hommes et d’enfants. La composition fourmille de détails sanglants où le gris a remplacé la vie. Les regards ne savent où se poser tant l’angoisse est omniprésente.
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Aujourd’hui âgée de 24 ans, Malak Mattar a commencé à peindre en 2014, alors qu’elle n’avait que 13 ans et qu’elle était restée enfermée chez elle pendant 51 jours, tandis que la bande de Gaza, dont elle est originaire, ployait sous les tirs de l’armée israélienne. Depuis, la peintre raconte son quotidien et le fait d’être “née et [d’avoir] grandi dans une cage” dans ses toiles : “Vivre mes premiers bombardements à l’âge de 8 ans m’a privée de mon enfance. Je suis devenue adulte bien trop tôt et il n’y avait aucune place laissée pour le divertissement ou la joie.” Sur Instagram et à distance, l’artiste continue de partager des œuvres qui montrent ce que subissent Palestiniennes et Palestiniens, afin que le monde ne puisse fermer les yeux.
Malak Mattar exposera ses œuvres à Cromwell Place, à Londres, du 5 au 13 mars 2024.