La photographie fait partie intégrante de l’existence d’Anne-Sophie Guillet. Elle infiltre ses façons de voir les choses, de voir les gens, d’appréhender les relations humaines. L’artiste nous le dit elle-même, sa pratique artistique est “intrinsèquement liée à ce [qu’elle vit], notamment à ce moment de redéfinition dans [ses] relations amicales et affectives”. Sa dernière série, Together, motivée par ses propres relations est une ode à l’amour, ou plutôt aux amours et aux nombreux visages qu’elles revêtent.
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Pour la photographe, “s’aimer” est “une émotion fluide, libre, ce n’est pas figé”. Attirée par la “variation des formes d’amours”, elle se tient écartée de toute notion de frontières qui feraient se repousser amours et amitiés. Bien consciente que l’amour est un sujet éculé et trituré de tous les côtés, et ce depuis des siècles, Anne-Sophie Guillet a ressenti le besoin d’“archiver ces représentations et montrer les liens en dehors du modèle d’amour prédominant de notre société” : “J’ai voulu présenter ces différentes formes de tendresse et d’amour avec des personnes aux corps et genres moins représentés de la communauté queer afin d’interroger les injonctions sociales qui nous sont imposées. Avec la série Together, j’ai envie de générer du mouvement pour changer les perceptions et lutter de manière positive et douce afin que tou·te·s puissent s’identifier dans ces images d’amours”.
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Pudeur et intimité
Ses premières images de personnes qui s’aiment ont été réalisées en 2019. Depuis, la série perdure entre Paris et Bruxelles, où réside l’artiste qui fait également de l’accompagnement à la personne. Les modèles sont parfois “en couple, parfois des ami·e·s, des amant·e·s”. De plus en plus, ce sont des personnes qu’Anne-Sophie Guillet ne connaît pas. “Au début, c’était plutôt des connaissances et des ami·e·s, puis ça s’est rapidement étendu à des cercles plus larges, avec les réseaux sociaux, ça peut aller très vite.”
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À chaque nouvelle rencontre, il est nécessaire de créer des connexions, de l’échange avant le rendez-vous, précise l’artiste : “Cela commence par un dialogue avec les personnes en amont de la séance. J’explique mes attentes et mes besoins pour réaliser les images. Il y a un processus de rapprochement et de distance dans la séance avec les personnes que je photographie. Cela produit une certaine réserve de pudeur dans l’image. On n’est pas dans un rapport frontal et systématique de portraits de couples fixant l’objectif. Il y a plus d’amplitude, c’est plus ambigu, comme une intention naturelle qui se déplace et n’est pas toujours visible.“
Un processus lent et long
Les séances se déroulent chez les modèles ou chez la photographe, dans des intérieurs sécurisants où les portraits se créent en collaboration : “J’accompagne les modèles et on co-produit les images ensemble, c’est plus lent. On prend le temps qu’il faut pour se mettre au diapason. C’est comme une respiration qui se met doucement en synchronisation. Je ne parle pas beaucoup, j’instaure un espace de confiance assez libre dans la direction. Je peux amener des idées, faire des propositions et elleux aussi. […] La séance peut durer plus de deux heures car on prend le temps, on échange un peu, on fait des pauses.”
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Les images sont prises “à la lumière du jour”. Afin de donner une unité à la série, la photographe “recherche des ambiances lumineuses particulières” : “Techniquement, je me tiens à une esthétique similaire, souvent aux mêmes lumières cotonneuses et d’autres fois, j’utilise des lumières prononcées qui créent des clairs-obscurs. Je joue avec les lumières naturelles pour créer un ensemble mouvant pouvant lier les images de la série”.
Cet intérêt pour la lumière est magnifié par l’amour d’Anne-Sophie Guillet pour l’argentique : “Parcourir les détails de la peau, observer les visages, leurs postures et leurs regards dans le dépoli avant d’enclencher, c’est quelque chose de quasi obsessionnel. J’aime être émue par l’autre, son regard, les gestes de tendresse, une force et une vulnérabilité mise à nu. Capter une forme de vérité qui s’offre à moi au moment de la prise de vue. L’argentique me permet de travailler avec une matière palpable et concrète, la pellicule, et cela induit un autre rapport au temps et une certaine rigueur. Je ne déclenche pas rapidement, je prends le temps, c’est un processus lent et conscient.”
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La série présente quelques personnes plusieurs fois photographiées “au fil d’une ou plusieurs années”. “Il y a quelque chose que je recherche dans le déplacement identitaire, de genres, des corps, dans la notion de passage et d’évolution dans le temps”, souligne la photographe. En mettant un point d’honneur à “être inclusive au possible dans la sélection des personnes” qu’elle photographie, Anne-Sophie Guillet souhaite “introduire un mouvement dans la perception des représentations, interroger les schémas, créer de nouvelles archives ; apporter un regard doux, respectueux et créer un frisson de beauté de l’autre par l’image.” Le programme de toute une vie.
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Vous pouvez retrouver le travail d’Anne-Sophie Guillet sur Instagram. Vous pouvez la contacter en message privé si vous souhaitez participer à sa série Together.