En 2024, Konbini se lance dans la fiction. Chaque semaine, retrouvez sur le site un nouveau chapitre des aventures de La Récupératrice, une mercenaire de l’espace qui accomplit toutes ses missions avec bienveillance et tendresse. C’est imaginé et écrit par François Faribeault, journaliste bourré de talent, incroyablement sympathique et agréable à l’œil nu (ce n’est pas lui qui a écrit ce paragraphe).
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— Donc, si je comprends bien, concluait Gladys, tu es la meilleure dans ton domaine, mais on ne t’a pas demandé d’enquêter sur la mort de cette Impératrice ? Même cette Therissa ne t’a pas soutenue ?
— C’est ça qui est le plus fou ! Petit Empereur doute de moi. Je pense que c’est à cause des événements de Hestia. L’Impératrice était une grande guerrière, mais Petit Empereur est apparemment un vrai cerveau sur pattes, il remet en question tout ce qu’a bâti sa mère.
— Tu crois que j’aurais pu battre l’Impératrice ?
— Sûrement pas, elle a mis fin à elle seule à la guerre contre les Grands Dieux. Tu n’aurais eu aucune chance. De toute manière, elle aurait refusé de se battre, ce qui fait d’elle la plus grande guerrière de la Galaxie.
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Depuis quelque temps, Gladys s’était installée dans l’Unicube. D’abord surprise de découvrir une telle technologie, elle s’était très vite habituée à sa nouvelle demeure. R n’était pas étonnée d’un tel comportement, non pas qu’elle connaissait bien sa nouvelle colocatrice, mais plutôt parce qu’elle savait que la force de l’humanité était sa capacité à s’adapter à tout, et ce, malgré des siècles de civilisation d’écart.
La mission du jour, directement commanditée par l’Empire, se déroulait sur une planète nommée Maizhon. Suite à une guerre entre deux pays aux idéologies opposées, des démons jumeaux avaient vu le jour. L’humanité était la cible de ces deux calamités, l’une formée de lave, crachant du feu et libérant de ses yeux la foudre des cieux, et l’autre de glace, amenant avec elle blizzards et tsunamis.
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Sur place, un vieil homme présenta la situation : le premier démon avait surgi des volcans, le second des montagnes enneigées. Hauts comme des immeubles, ils détruisaient tout sur leur passage. Trois îles avaient été anéanties et ce n’était qu’une question de temps avant qu’ils traversent la mer pour atteindre le continent. Les armées de Maizhon ne pouvant rien faire contre cette menace, l’Empire demeurait leur dernier espoir.
Le vieil homme, qui s’avérait être le Président du gouvernement mondial de cette planète, avait fait évacuer la ville sur laquelle les démons allaient débarquer. Cette mégapole du monde moderne serait le terrain d’intervention de l’Empire. Mais ici, pas d’armée impériale, pas d’unité spéciale capable de faire plier des titans, juste la Récupératrice et sa nouvelle disciple. Le monologue interminable du Président terminé, on demanda si les mercenaires avaient des questions, alors R s’exprima :
— Pourquoi le terme de “démons jumeaux” ? Si l’un est fait de feu et l’autre de glace, ils ne sont pas jumeaux. Faux jumeaux au mieux. Ou alors des frères. Vous auriez dû les nommer “frères démons”. Contactez vos médias et dites-leur. Pour le reste, tout me va.
Sur le plus haut bâtiment de la ville, Gladys et R patientaient. Gladys préparait l’épée qu’elle avait emportée avec elle. Quant à R, elle observait l’horizon marin, guettant l’arrivée des deux cibles.
— Comment comptes-tu faire pour régler ce problème sans violence ? demanda Gladys.
— Je connais ce genre de créatures. Elles naissent de l’accumulation de haine entre des membres d’une même espèce. J’ai scanné les archives de Maizhon avant d’arriver. Deux blocs se font la guerre depuis des décennies, ce qui a engendré des génocides et massacres de masse. Ces deux titans ne sont qu’une réponse à tout le mal que les humains ont fait.
— Donc c’est de leur faute ? Pourquoi on leur vient en aide, alors ?
— Parce qu’ils méritent une seconde chance. Parce que nous ne sommes pas là pour les punir. Ni les juger.
— Alors on va découper ces deux démons et c’est tout ?
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À ce moment, surgit de la mer le titan de glace. La vague l’accompagnant inonda la plage et les premières avenues. Son frère le rejoint par le ciel. Tel un météore, il s’écrasa dans le centre-ville, réduisant en poussière tout un quartier.
— Nous n’allons pas les découper. Ces êtres sont conscients, et ils sont bien plus qu’un amas de haine et de destruction. Il faut voir au-delà.
— Tu veux leur parler ?
— Je vais voir ce que je peux faire. Je prends celui de feu, toi celui de glace. Ne t’occupe pas des immeubles, ils ne sont pas importants. Focalise-toi sur ta cible. Amène-la vers toi. Fais-lui comprendre que son combat est inutile. Que sa haine est vaine. Tu dois parvenir à toucher son cœur, soit par les mots, soit par les gestes.
— OK, d’accord. Je peux y aller ?
Sans attendre de réponse, Gladys se jeta dans le vide. Sa chute fut brève car, très vite, elle se mit à bondir sur les parois, puis à flotter. C’était comme si elle marchait sur le vent. R ne fut pas surprise par une telle prouesse. La forte gravité de la planète natale de Gladys lui permettait ici d’égaler les capacités physiques de la Récupératrice.
Du côté de R, le titan de feu se rapprochait. De la lave coulait le long de son corps et de sa gueule jaillissaient des flammes. La foudre venait s’abattre sur son regard, comme si le ciel lui-même boostait son champion en vue de ce duel. L’affrontement final pour la survie d’une humanité commençait.
Pour la Récupératrice, l’affaire fut vite menée. Après avoir esquivé les coups du démon, évité les immeubles s’écroulant sous la chaleur et écarté les flammes de revers de la main, R prit le dessus sur son adversaire. “La haine est toujours limitée par l’endurance”, pensa-t-elle, pas peu fière de sa prose. Même quand le titan lança de ses yeux sa foudre destructrice, R ne paniqua pas. Elle accueillit les éclairs dans la paume de sa main avant de les laisser s’éteindre dans un frétillement anodin.
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Lorsque le titan posa un genou au sol, la Récupératrice se rapprocha de lui. En vain, la créature tenta quelques mouvements défensifs avant de s’effondrer. Au sol, R put poser sa main sur son gigantesque front et ressentir ce qui débordait de son corps. Évidemment, tout n’était que haine et violence. Mais R décelait aussi de la peur. La peur de souffrir. La peur de ne jamais comprendre la raison de son existence. La peur de disparaître. La peur d’être oublié. R retira ces émotions et la haine s’évapora. Elle savait qu’en se réveillant, le titan retournerait d’où il venait. En paix.
R était satisfaite. Elle avait réussi à apaiser l’avatar de la haine sans trop causer de dommages à la ville. Seule une partie de celle-ci avait été détruite et des incendies demandaient encore à être gérés mais aucun bâtiment indispensable ne manquait. Ne restait qu’à s’occuper du cas de Gladys.
Sur la plage gelée, où s’était visiblement déroulé le combat, R découvrit un titan en plusieurs morceaux. Ses bras et jambes étaient disséminés sur le sable et dans la mer. Au pied du crâne sans vie de la créature se trouvait Gladys, épée en main, sourire sur le visage.
— Mais qu’est-ce que tu as fait ?! cria R. Je t’avais demandé d’essayer de l’apaiser !
— Tu m’as dit de viser son cœur. Je pensais qu’il était dans le thorax alors j’ai tranché ici. Mais rien ne s’est passé. Alors j’ai découpé ses membres pour ne pas qu’il bouge. Puis, comme il ne ressemblait plus qu’à un gros bloc de glace, j’ai ri. Lui ne riait pas. Il a essayé de me manger alors je lui ai coupé la tête. Son cœur était situé derrière l’œil gauche.
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R posa sa main sur le front de la créature. Plus rien ne s’en dégageait. Elle était morte l’âme remplie de haine. Son frère le pleurerait sans doute et le cycle de violence reprendrait sûrement. R se sentit habitée par une profonde tristesse. Elle se tourna vers Gladys :
— Je t’avais demandé de l’apaiser. Tu aurais dû chercher une solution pour l’amener à comprendre que la violence ne résout rien.
— C’est trop facile pour toi. Tu as tes mains qui savent faire tout plein de trucs. Moi, je n’ai que mon épée. Et puis, c’est plus drôle de se battre.
R soupira. Elle savait qu’elle n’avait qu’à apaiser sa nouvelle amie avant chaque mission pour qu’elle suive ses directives, mais cette technique n’était qu’un pansement. Ce qu’elle souhaitait, c’était que Gladys emprunte d’elle-même le chemin de la rédemption. Les titans étaient une urgence. Pas Gladys. Il n’y avait pas de place pour la manipulation. L’entraînement de sa disciple allait durer plus longtemps que prévu.
— Comment on va faire pour ces humains, du coup ?
— Ne t’inquiète pas, je leur expliquerai pour quelles raisons ces créatures sont nées et ce qu’ils doivent faire pour prévenir toute nouvelle catastrophe, voire appréhender le titan survivant sans provoquer de conflit. Ils ne veulent plus revivre de désastre comme celui-ci, alors ils m’écouteront.
La mission terminée, Gladys et R repartirent dans leur vaisseau vers un nouveau monde à sauver.
La suite dans le chapitre 9.
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