La Récupératrice, chapitre 2 : l’usurpatrice

Publié le par François Faribeault,

©chariospirale

Découvrez notre saga de science-fiction qui parle cette semaine d’usurpatrice et de promesse.

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En 2024, Konbini se lance dans la fiction. Chaque semaine, retrouvez sur le site un nouveau chapitre des aventures de La Récupératrice, une mercenaire de l’espace qui accomplit toutes ses missions avec bienveillance et tendresse. C’est imaginé et écrit par François Faribeault, journaliste bourré de talent, incroyablement sympathique et agréable à l’œil nu (ce n’est pas lui qui a écrit ce paragraphe).

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Le soir même, Cregan prit la liberté d’envoyer une lettre au Seigneur Sygol, le cousin du Roi. Il agissait dans le dos de son Roi, mais il ne pouvait se permettre de manquer d’informations. Il était de son devoir de connaître les tenants et aboutissants de cette affaire de Récupératrice. Dans cette lettre, il demanda les raisons pour lesquelles il avait conseillé une mercenaire pacifiste pour une mission qui demandait de commettre un régicide. Puis, il fallut attendre.

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Au fin fond de cette forêt dans cette forteresse abandonnée, le temps passait lentement. Lorsqu’il était seul et savait le Roi en sécurité, Cregan laissait ses pensées vagabonder. Si son corps s’affaissait avec les années, son esprit lui, restait affûté. Il trouvait cette situation ironique. Hélas pour lui, et heureusement pour le Roi, ses pensées solitaires revenaient toujours à la situation actuelle et à la gestion du Royaume. Une fois l’usurpatrice morte, il allait falloir s’asseoir à nouveau sur le trône. Fallait-il entrer par la grande porte ou se faire plus discret ? Cregan prit une feuille et une plume et nota ses idées. D’un côté, une entrée triomphale ferait savoir à tous les opposants que le Roi était bel et bien de retour. Si la foule pouvait comporter un danger, les acclamations du peuple étaient aussi une force. De l’autre côté, la discrétion permettait au Roi de reprendre le trône sans crainte de représailles directes et de prendre à contre-pied les serpents qui rôdaient au conseil. Cregan leva les yeux au plafond. La moisissure y avait posé ses valises depuis bien longtemps. Malgré son attrait pour la sécurité, Cregan savait que le Roi choisirait la première option. Il commença à organiser le retour du Roi.

À peine deux jours passèrent et l’assassin revint au palais. Cregan pensa tout de suite qu’il était bien plus doué que prévu et avait menti sur les trois jours afin de berner sa concurrente. Mais l’assassin réapparut sous forme d’une boîte dans laquelle logeait sa tête enroulée d’un tissu. Sur son front était joint un message : “Je vous ai donné une chance de vous reconstruire ailleurs. Préparez-vous à la guerre. V.”

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Dès lors, malgré le peu d’hommes qu’il détenait, Cregan renforça les rondes et chargea deux gardes de suivre le Roi comme son ombre. Si l’assassin avait échoué, ce n’était qu’une question de temps avant que la mercenaire ne revienne elle aussi en morceaux. Ou alors était-elle encore en train de visiter la ville ? Cregan ne mettait pas de côté le fait qu’elle avait aussi et sûrement oublié sa mission. Tout paraissait possible avec elle. Les quatre jours qui suivirent furent aussi ennuyeux que stressants. Cregan avait passé les deux premiers jours à imaginer tous les scénarios possibles pour le Roi, de la couronne sur le front à la fuite sur un autre continent, reconvertis en serveurs dans une auberge. Si guerre il y avait, ce n’était pas la centaine de soldats affamés qui allaient leur sauver la vie. À l’aube du sixième jour, rien ne se passa à l’Est. À l’aube du septième, rien ne se passa de chaque côté des quatre points cardinaux. C’était comme si la mercenaire n’existait plus. Son dessin était toujours affiché au mur, mais aucun éclaireur n’avait fait signe de son retour.

Lorsqu’un garde entra dans la salle de réunion, il prévint le Roi Malanj et le conseiller Cregan que le dessin de craie s’était mis à bouger. Tous se ruèrent dans la salle du trône et découvrirent la porte très mal dessinée en train de trembler. Les contours se stabilisèrent pendant que le petit cercle tournait sur lui-même. Puis le mur s’ouvrit comme une porte et la Récupératrice apparut en courant. Neuf jours s’étaient passés depuis son départ.
— Olalala, c’était chaud ! s’exclama-t-elle.
Alors qu’à travers le mur on entendait les cris de plusieurs personnes – sûrement des gardes, pensait Cregan – la porte se referma. Essoufflée, la Récupératrice posa ses mains sur ses genoux pour retrouver son calme.
— Alors ? demanda Cregan. Vous avez réussi ?
— Un verre d’eau, avec plaisir, oui. Allons nous poser près de la chaise royale, il me faut de l’espace.
La Récupératrice fouilla dans son sac. Au lieu d’une tête coupée, elle en sortit un cube multicolore de la taille de sa paume. Chaque face de cet objet comportait neuf carrés formés de six couleurs différentes. Elle commença à le manipuler dans tous les sens tout en s’adressant au Roi :
— Je n’ai eu pas d’autre choix que de la capturer car elle refusait d’écouter ce que j’avais à dire. Enfin si, elle m’a écouté. Puis elle a refusé ma requête. Elle a appelé les gardes, alors je l’ai enfermée là-dedans. Ne vous inquiétez pas, j’ai prévenu le château que vous reviendriez tous ensemble main dans la main.

Lorsqu’une des faces du cube devint de couleur blanche, elle relâcha un faisceau lumineux duquel s’échappa une silhouette de taille humaine. C’était une femme. Paniquée et déboussolée, elle observa autour d’elle. Cregan reconnut tout de suite l’usurpatrice Vivian et fit signe aux gardes de l’encercler. Le Roi Malanj explosa de rire.
— Vous avez réussi à l’amener jusqu’ici ! lança-t-il. C’est formidable ! Quelle magie avez-vous utilisée ?
— Juste de la science et quelques compétences avec mon Unicube, répondit la Récupératrice, pas peu fière de la réaction provoquée.
Le Roi se leva et fit signe aux gardes de menotter et agenouiller la prisonnière avant de s’éloigner. Vivian reprit ses esprits et jeta un regard noir à son ancien Seigneur :
— Ordure ! Je savais que c’était toi derrière tout ça. D’abord l’assassin et maintenant cette sorcière. Tu es vraiment un lâche, incapable de faire les choses par toi-même.
Le Roi s’approcha de Vivian, sourire aux lèvres et bras ouverts, comme s’il accueillait une amie.
— Tu n’arrives pas à la cheville de ton père, ajouta-t-elle.
Touché. Les traits du visage du Roi se tendirent. Il serra le poing pour asséner un coup à sa prisonnière mais la Récupératrice s’interposa.
— Hop hop hop, mon Seigneur le Roi. Vous avez accepté mes conditions. Vous devez me jurer que vous allez discuter et tout mettre en œuvre pour parvenir à un accord.
— Je suis désolé, Récupératrice, intervint Cregan. Mais vous ne savez pas qui elle est et ce dont elle est capable. L’avenir du Royaume est compromis à cause d’elle. Prenez votre argent et partez.
— Vous la tuez et après quoi ? Quelqu’un la remplace et tente une nouvelle fois de vous tuer et cette fois-ci réussit son coup ? Ou alors vous vivez dans une peur constante et vous abattez tous vos conseillers. Vous n’avez plus personne autour de vous. Vous durcissez votre régime et le peuple en subit les conséquences. Parce que vous avez peur, vous en faites payer le prix à tous. C’est le genre de Roi que vous souhaitez devenir ? C’est comme ça que vous souhaitez qu’on se rappelle de vous ?

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Le Roi marqua une pause. Il réfléchit. Il échangea quelques mots avec Cregan. Des mots que la Récupératrice ne put entendre, ni elle, ni Vivian. Quant à l’usurpatrice, elle avait l’air d’être aussi perdue qu’apeurée. La Récupératrice en profita pour s’accroupir à ses côtés.
— Ne vous inquiétez pas, lui glissa-t-elle. Comme je vous ai dit, tout va bien se passer et vous rentrerez bientôt chez vous.
Vivian jeta un bref regard à la Récupératrice. Elle voulut lui répondre mais revint sur le Roi lorsque celui-ci s’approcha.
— Vous avez raison Récupératrice, reprit Malanj alors que Cregan tentait en vain de le retenir. Nombreux sont ceux qui veulent ma mort. Agir de telle manière, c’est me placer à leur niveau. En tant que Roi, je dois faire mieux que ça. Je vais discuter avec elle et trouver une solution.
— Vous promettez ? répondit la Récupératrice.
— Au-delà de la simple promesse, mes actes parleront pour moi, vous verrez.
Le Roi fit signe aux gardes de détacher la prisonnière. Puis il s’avança vers elle, la main tendue. La Récupératrice crut même voir un sourire se dessiner sous la barbe grise.
— Vivian, nous avons beaucoup de choses à nous dire.
Cregan n’en revenait pas. Les quelques mots de la Récupératrice avaient suffi à changer le comportement de son Seigneur. Était-ce un sortilège ? Peu probable, la Récupératrice avait l’air plus appâtée par l’argent qu’autre chose. Il n’y avait là aucune manipulation. Peut-être que ces mots étaient ceux que le Roi avait voulu entendre depuis bien longtemps ? Ces mots qui avaient été prononcés par une inconnue et non par son fidèle conseiller et ami. Cregan sentait qu’il avait échoué à servir convenablement son Roi. Comme promis, il offrit la somme due plus la moitié de la somme prévue pour l’assassin. La Récupératrice accepta volontiers l’argent puis quitta le manoir.

Ainsi les discussions débutèrent. Le lendemain, un garde apporta une lettre à Cregan. C’était la réponse du cousin du Roi Malanj, Sygol. Cette lettre expliquait qu’il avait recruté la Récupératrice suite aux conseils de l’ami d’un ami. Elle avait été chargée de récupérer un trésor gardé par une créature au fin fond d’une caverne, mission qu’elle avait réussie bien au-delà du temps imparti, mais réussi tout de même. Parmi ces deux pages, un passage marqua tout particulièrement l’intention du conseiller :

“La Récupératrice est célèbre sans vraiment l’être. Tout le monde la connaît, mais personne n’a jamais entendu parler d’elle. Son existence est parsemée de rumeurs, et elles sont toutes aussi positives que négatives. Apparemment, il est d’un commun accord de décrire la Récupératrice comme ingérable et instable. Elle n’agit que sous des conditions bien précises, souvent aussi farfelues que paradoxales. Elle est pacifiste, non violente, et prône constamment une bienveillance en décalage avec les missions. Alors vous pourriez vous demander : pourquoi faire appel à elle dans une profession où la violence est reine ?
À cette question, on m’a moi-même répondu : nous faisons appel à elle parce qu’elle n’échoue jamais. Elle accomplit toujours ce pour quoi on l’engage, parfois même au-delà de nos espérances. Son taux de réussite est de 100 %. Dans son domaine, personne ne l’égale. Elle est la meilleure.”

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La suite dans le chapitre 3.

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