La Récupératrice, chapitre 17 : apocalypse

Publié le par François Faribeault,

©chario spirale

Découvrez notre saga de science-fiction qui, cette semaine, nous offre des retrouvailles pas du tout chaleureuses.

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En 2024, Konbini se lance dans la fiction. Chaque semaine, retrouvez sur le site un nouveau chapitre des aventures de La Récupératrice, une mercenaire de l’espace qui accomplit toutes ses missions avec bienveillance et tendresse. C’est imaginé et écrit par François Faribeault, journaliste bourré de talent, incroyablement sympathique et agréable à l’œil nu (ce n’est pas lui qui a écrit ce paragraphe).

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— Tu te souviens de moi, R ?
— Gladys, pour la énième fois, oui, je me souviens de toi. Le gaz est resté longtemps, mais bizarrement, j’ai l’impression de ne rien avoir oublié d’important. Bon, passons à cette histoire de buisson, si tu veux bien.

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Un roi avait fait appel à la Récupératrice et sa disciple pour un problème d’arbre. Le chêne royal avait poussé dans une des pièces préférées du château et ses racines envahissaient les murs, abîmant la magnifique fresque réalisée à l’effigie du seigneur. La Récupératrice était donc chargée d’éradiquer la végétation et de redonner à la peinture son éclat d’antan.

Après avoir passé sa main sur les larges branches et écouté le cœur du chêne, R le convainquit de se retirer du bâtiment, quand bien même la peinture avait bon goût. Une fois l’accord passé, R prit soin de matérialiser de nouveaux pigments de peinture pour reproduire les couleurs de la toile. Quant à Gladys, elle restait sur le côté, vexée que sa proposition de découper le château autour de l’arbre ne soit pas retenue.

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Mission accomplie. Rien de bien compliqué pour R, qui se demandait vraiment ce qu’elle faisait là. Lorsque le Roi entra dans la pièce, suivi de son conseiller, il félicita le travail de la Récupératrice. Aussi, il désira lui accorder quelques mots.

— Récupératrice ? Vous souvenez-vous de moi ?
— Je devrais ? Gladys, tu le connais ?
— Oui, c’est mon père disparu, ironisait Gladys, toujours fâchée.
— Récupératrice, je suis le Roi Malanj. Et voici mon conseiller, Cregan. Il y a dix années de cela, vous m’avez aidé à reconquérir le trône. Depuis, nous avons atteint l’espace et appris davantage sur vos exploits. Nous ignorions jusqu’à peu que vous étiez une célébrité.

R se souvint de la mission en question. Dix ans déjà. Pourtant, le souvenir lui paraissait plus récent.
— D’ailleurs, Récupératrice, vous n’avez pas pris une ride. À croire que le temps s’est arrêté pour vous. Alors que, regardez-moi, je dois marier mes tuniques à mes cheveux blancs pour conserver un tant soit peu d’élégance.
— Que devient votre amie Vivian ?
Le Roi jeta un œil à Cregan avant de répondre. Son visage s’assombrit.
— Vivian m’a trahi. Une nouvelle fois. Elle a tenté un coup d’État, plus violent que le précédent. La justice l’a condamnée à la prison à vie. J’aurais aimé que ça se passe différemment.
— Puis-je la voir ?
— Je ne pense pas qu’elle soit en état de parler.
— J’aimerais la voir. Si vous refusez, je me rendrai moi-même à son chevet.
Le Roi fit signe à Cregan ainsi qu’à deux gardes, et le petit groupe accompagna Gladys et R dans les cachots.

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Vivian était retenue dans une cellule individuelle située au plus profond de la prison, enchaînée par les bras au mur de pierre. Ses jambes avaient été tranchées, tout comme sa langue. Un bandage cachait un œil manquant. Il fallait faire preuve d’un silence de cathédrale pour l’entendre ne serait-ce que respirer. Devant l’état misérable de la prisonnière, R aurait pu ressentir pléthore d’émotions, comme la peur, la pitié ou bien la tristesse. Mais cette fois-ci, c’est un manteau de colère qui recouvra son cœur.

Inquiet de l’absence de réaction de la Récupératrice, le Roi commença à justifier ses actions :
— Elle n’a pas voulu vendre ses complices. À plusieurs reprises, elle a tenté de s’éva…
— Taisez-vous.
L’ambiance dans la cellule était soudainement devenue pesante. Même Gladys ne dit mot. Les gardes se raidirent et guettèrent le moindre mouvement suspect des deux invitées. R s’agenouilla et passa la main sur le front de Vivian. Elle sentit que son esprit était encore présent.
— Vivian, je suis désolée. Te soigner va me prendre du temps, mais je peux au moins faire ça.
R prit la tête de Vivian dans ses mains et se concentra. La lumière jaillit. Son teint reprit une couleur plus vive et sa langue repoussa. Vivian ouvrit son œil.

Surprise par un tel réveil, Vivian tenta de gesticuler. Mais son corps demeurait trop faible pour effectuer le moindre mouvement. R posa sa main sur son épaule.
— Vivian, c’est moi, la Récupératrice. Nous nous sommes rencontrées il y a quelques années. Si tu le sens, tu peux me dire ce qu’il s’est passé.

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Vivian scruta la pièce. Elle jeta un regard noir aux quatre personnes présentes devant elle. Une fois prête, elle parla :
— Malanj, espèce de salaud. C’est une de tes ruses ? Tu ramènes ta mercenaire pour qu’elle contemple ton travail ? Je ne suis pas assez amochée pour toi ?
— Non, Vivian, la coupa R. C’est moi qui ai demandé à te voir. Il y a dix années, j’ai participé à vos retrouvailles afin que vous vous entendiez sur un accord de paix. Que s’est-il passé pour que tu finisses ici ?
— Ce qu’il s’est passé, c’est que votre roi a menti. Cet homme est un manipulateur. Un sociopathe. Il ne m’a jamais ramenée à la capitale. Il a repris le pouvoir par la force et m’a enfermée ici. Lui et son clébard ont ensuite pris plaisir à me torturer et… et…

Vivian fit une pause. Sa gorge la brûlait. Son corps était encore trop fatigué.
— Vivian, je suis là, maintenant, tout va bien se passer. Je vais te sortir de là et…
— C’est de votre faute, Récupératrice, reprit Vivian. Vous avez débarqué avec votre naïveté en déblatérant des phrases insensées. Sous couvert de l’innocence et du désir de paix qui vous habitent, vous n’avez fait que gratter la surface d’un être corrompu jusqu’à l’âme. Vous avez cru ce fou sur parole sans rien demander en retour, puis vous êtes partie. Qui pouvait croire qu’il était aussi facile de se jouer de vous ? Vous n’êtes même pas revenue pour vérifier qu’il avait respecté sa promesse. Vous nous avez oubliés. Vous m’avez oubliée.

Non, c’était impossible. R n’avait pas pu se tromper. Pas à ce point. R tenta de se souvenir des événements. À l’époque, elle avait eu confiance dans le Roi. Elle avait visité la ville, questionné les gens. Le Roi n’a jamais été vu comme un tyran. Comment avait-elle pu se leurrer ? Avait-elle oublié ? R ne comprenait pas. Son souvenir lui paraissait brouillé. Elle ne savait plus ce qui était de l’ordre du problème de mémoire ou de l’erreur dans son enquête.
— Ne l’écoutez pas, lança le Roi, sourire aux lèvres. La folle, ici, c’est elle. Elle n’a eu que ce qu’elle méritait.

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Le visage de R s’habilla de fureur. Elle se releva et saisit le Roi au cou. Immédiatement, les gardes s’activèrent et tendirent leurs armes en direction de la Récupératrice. Gladys réagit elle aussi en se plaçant entre eux et son amie.

La colère se dissipa, R reprit ses esprits et relâcha son hôte. Elle s’en voulait. Elle n’aurait pas dû porter la main sur quelqu’un, aussi cruel soit-il. Elle valait mieux que ça.
— Je passerai cet acte sous silence, commenta le Roi. Il est vrai que je me suis joué de votre parole, Récupératrice. Mais n’oubliez pas que vous êtes une mercenaire. J’ai payé pour vos services, je n’avais aucun compte à vous rendre.
R devait garder le contrôle de la situation. De sa situation. Elle prit le temps de respirer. Si ses souvenirs étaient brouillés, ses idées se mirent naturellement en place. Comme elle en avait l’habitude.

— Roi Malanj, vous avez raison, vous n’aviez aucun compte à me rendre. Ainsi, je n’accepterai pas votre argent pour la mission d’aujourd’hui. Maintenant que votre civilisation est ouverte à la Galaxie, je compte révéler ce qu’il s’est tramé ici. Je vous livrerai à la justice de l’Empire, guérirai Vivian et lui laisserai le choix de reprendre les rênes de ce royaume ou pas.
— Vous pouvez avancer ce que vous voulez, Récupératrice, le fait est que mon cousin est en très bons termes avec l’Empire et son nouveau souverain. Je suis intouchable. Et puis tout le monde se fout bien d’une traîtresse sans jambes pourrissant au fond d’une geôle.

Compréhension, pardon, ignorance, frustration, voire haine, nombreuses sont les réactions qu’aurait pu avoir la Récupératrice. Mais elles furent toutes mises de côté par le bruit d’une épée sortant de son fourreau.
— Bon. J’en ai assez.
— Non, Gladys !
Trop tard. La lame de la guerrière passa au travers de la gorge des deux gardes avant de séparer la tête de Cregan de son corps. Gladys se tourna vers le Roi. Celui-ci n’eut pas le temps d’implorer pour sa vie que sa tête se retrouva sur le sol, aux côtés de celle de son conseiller. Dans la cellule, seule Vivian souriait.
— Gladys… qu’as-tu fait ?
— R, si tu avais vraiment voulu m’en empêcher, tu aurais agi comme au match de gravity. C’est terminé. Guéris la prisonnière, remets-la sur le trône et partons.

R ne trouva pas les mots pour réprimander son amie. En avait-elle seulement envie ? Ne rien dire, c’était approuver son acte, non ? Troublée, R se concentra sur ce qu’elle pouvait contrôler. Elle posa ses mains sur Vivian et dépensa ce qu’il lui restait d’énergie pour faire repousser ses membres. Puis elle envoya un message à Therissa, révélant toute la vérité et la nécessité pour l’Empire de réhabiliter la femme au pouvoir.

Dans l’Unicube, R paraissait toujours aussi perdue que Gladys agacée. Elle devait néanmoins revenir sur les événements.
— Gladys, ce n’était pas la bonne solution,
— Ah oui ? Et tu aurais fait quoi ? Tu lui aurais laissé du temps pour réparer ses erreurs ?
— Il y a toujours une solution.
— Oui, et celle que j’ai prise était la meilleure. Tu ne te souvenais même pas de ce que tu avais fait il y a dix ans. De toute façon, tu ne te souviens de rien.
— Je me souvenais de détails. Je reste persuadée qu’il existait un chemin plus pacifique.
— Je ne parle pas de ce roi. Je me fous du Roi et de ce royaume. Je parle de toi et moi.
— Comment ça ?
— Tu ne te souviens pas de qui je suis.
— Je te l’ai déjà dit, Gladys, je me souviens de tout, depuis notre rencontre sur ta planète jusqu’à aujourd’hui. Le gaz n’a pas agi sur notre amitié.
— Alors, tu ne te souviens pas de tout.
— Gladys, je ne comprends rien à ce que tu veux me dire.
— R, j’ai assassiné l’Impératrice.

La suite dans le chapitre 18.

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