En 2024, Konbini se lance dans la fiction. Chaque semaine, retrouvez sur le site un nouveau chapitre des aventures de La Récupératrice, une mercenaire de l’espace qui accomplit toutes ses missions avec bienveillance et tendresse. C’est imaginé et écrit par François Faribeault, journaliste bourré de talent, incroyablement sympathique et agréable à l’œil nu (ce n’est pas lui qui a écrit ce paragraphe).
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Allez, R, un peu de courage. Cette fois-ci, tu lui en parles. Après la mission, quand tu auras récupéré le trésor ou sauvé tout le monde, vous prenez un verre toutes les deux en terrasse sous le soleil, et là, là ! tu lui parles de Gladys.
Déjà, tu connais Therissa, c’est elle qui va lancer la conversation sur le quotidien, la solitude, tout ça. Donc tu n’auras qu’à évoquer le fait que tu as fait une chouette rencontre et que tu passes de bons moments avec cette nouvelle amie. Pas besoin de détailler. Et si Therissa te demande pour quelle raison tu n’en as pas parlé avant, tu évoques l’enchaînement des missions impériales.
De toute manière, tu n’as pas le choix, tu dois lui en parler. Si ce n’est qu’une simple relation d’amitié qui ne remet rien en cause ni ne t’éloigne de Therissa, alors pas besoin de la garder secrète. Donc on récapitule : mission – verre en terrasse – Gladys existe. C’est simple, non ? Non ?
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Rares étaient les missions où R et Therissa étaient appelées en tant que binôme. Bien souvent, Therissa accompagnait son amie, mais c’était dû au hasard du calendrier, ou c’est qu’elle se trouvait dans le coin. Ici, Therissa avait elle-même été nommée pour accompagner la Récupératrice. D’ailleurs, sur la demande officielle, le nom de Therissa figurait en tête.
L’état d’urgence avait été décrété en ville. Un groupuscule d’anti-impériaux s’était emparé d’une station de contrôle de satellites. Leur but était de faire s’écraser un satellite sur la planète si l’Empire ne respectait pas leurs revendications. Aussi, ils avaient pris en otage une classe d’élèves et leur professeur.
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R devinait la mission qu’allait lui confier la Major Succin. Elle devrait entrer dans la station de façon discrète, atteindre les terroristes et les mettre hors d’état de nuire sans que les otages soient blessés. Le problème, c’est que comme d’habitude, elle allait devoir négocier pour ne pas tuer les terroristes et faire entendre à la Major qu’une parole pacifique pouvait avoir de meilleurs effets que des actes violents.
— Récupératrice, commença la Major Succin. Votre objectif est simple : on va vous faire passer pour une membre du conseil de l’Empire, véritable bras droit de l’Empereur. Vous allez amener le groupuscule dans le hall d’entrée, prétextant un accord de leurs revendications. Le hall restant à l’abri de nos tireurs, les onze terroristes devraient accepter. Ainsi, les otages resteront dans la salle de contrôle, en sécurité. Au moment où vous serrerez la main de leur leader, l’Empire interviendra pour mettre fin à la menace.
— Quoi ? Mais c’est quoi, ce plan ? Vous n’avez pas encore plus compliqué par hasard ? Non, le mieux, c’est que vous me laissiez faire. Trouvez-moi une porte discrète, que je m’infiltre, et…
— Inutile de discuter, Récupératrice. Le plan a déjà été décidé par plus haut gradé que moi.
— OK, très bien. De quelle manière le Saint Empire Bienveillant compte-t-il intervenir ?
— Votre déguisement cache une bombe. Dans le hall, elle explosera, libérant une déflagration puis un gaz toxique.
R se demandait qui avait pu proposer un plan aussi bancal. Heureusement, il lui restait Therissa comme soutien inconditionnel.
— Therissa, s’ils font tout sauter, tu sais que je deviendrai intangible. Et avec le gaz, je risque de le rester un long moment.
— R, je sais que ce n’est pas optimal, mais c’est tout ce que nous avons. Infiltrer la salle de contrôle, c’est prendre le risque que les terroristes appuient sur le détonateur ou tuent des otages. Dans le hall, nous éloignons les terroristes des civils. Mais le détonateur reste dans leurs mains. L’explosion sert avant tout à mettre le détonateur hors service. Le gaz sert à tuer.
— Attends, tu es déjà au courant de leur plan ?
— Oui. C’est pour ça que je t’accompagne. R, la Major a raison. On ne peut prendre aucun risque. La porte séparant la salle de contrôle du hall protégera les innocents de la déflagration. Tout faire sauter, comme tu dis, assure la vie de milliers d’innocents.
— J’ai bien compris, merci. Mais si vous faites ça, je perdrai la mémoire. Je ne veux pas perdre la mémoire.
— Je comprends, mon amie. Mais nous n’avons pas le choix.
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R recula d’un pas. Elle observa Therissa, puis la Major, puis à nouveau Therissa.
— Je suis sérieuse, Therissa. Mettons de côté le fait que vous souhaitez tuer des personnes. Je sais que c’est égoïste de ma part, mais je n’ai pas envie de jouer avec ma mémoire. Je suis fatiguée de tout mélanger. Tu me sanctionnes pour ce qu’il s’est passé avec M. Chêne sur Sol ?
— De quoi tu parles ?
R était confuse. Peut-être n’était-ce pas le bon souvenir. R se sentait perdre pied. Elle sentait qu’elle devait agir. Non, elle devait juste s’exprimer. Elle devait avouer.
— Écoute, Therissa. Je me suis fait une amie. On passe de bons moments ensemble et elle compte beaucoup pour moi. Si je reste intangible trop longtemps, je vais l’oublier.
— R, c’est toi qui m’écoutes. Je vois bien que ta mémoire est troublée.
— Non, ça va, je te jure. Je ne veux juste pas tout perdre.
Therissa posa sa main sur l’épaule de son amie. R ne ressentit aucune chaleur.
— R, ce n’est pas la première fois. Je le vois quand tu t’éloignes. Tu parles de perdre ton amie, mais c’est moi, ton amie. Et je peux t’assurer que tu ne me perdras pas. Tu comptes aussi beaucoup pour moi. Je serai là pour toi. Pour toujours.
R se sentait bloquée. Therissa ne comprenait pas. Elle ne comprendrait peut-être jamais. Mais R ne pouvait se soustraire à sa promesse. Celle de protéger et sauver. Qu’importe le prix.
À contrecœur, elle accepta. Elle acceptait toujours. Les choix de Therissa prévalaient sur tout le reste.
R s’avança vers le bâtiment, passa la porte d’entrée, puis se présenta dans le hall. Le lieu était encore vide. Le temps d’attente fut long. Les onze radicalistes sortirent de leur tanière, laissant les otages derrière eux. Après tout, qui était assez fou pour sacrifier un haut membre du conseil, devaient-ils penser. Comme prévu, le leader gardait dans sa main le détonateur. R gardait son calme.
— Nous avons scellé la porte d’entrée pour éviter toute fuite de votre part. Nous devons nous assurer que cet accord est vrai.
— Je comprends, oui. Ne perdons pas de temps, s’il vous plaît. L’Empereur Tournesol accepte vos revendications. L’Empire quittera ces terres d’ici une semaine et laissera votre peuple décider de sa façon de gouverner. En échange, vous libérez les otages et le satellite restera en orbite. Sommes-nous d’accord ?
R tendit la main vers le leader. Celui-ci jeta un regard à ses coéquipiers puis s’avança vers la Récupératrice. Il lui serra la main.
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Un flash.
Une explosion.
Dans le hall, tout vola en éclats. Les murs tremblèrent. Avec une telle puissance de destruction, le gaz ne servait plus à rien. Mais il fut tout de même relâché. R demeura debout, noyée dans ce nuage de mort, complètement intangible.
Puis, le silence se fit roi.
Pendant un état d’intangibilité prolongé, R ne ressentait plus rien. Des informations visuelles et sonores lui parvenaient, mais son corps les maintenait à distance. C’était comme si elle était en veille. Comme si elle somnolait après un doux repas. Comme si elle flottait dans l’immensité de l’océan. Autour d’elle, le temps et l’espace s’étaient suspendus. Éloignée de la réalité, R ne pouvait évidemment pas se déplacer. L’ironie de ce pouvoir égal à celui des Grands Dieux, c’est que comme celles et ceux dont elle touchait de sa paume le cœur, elle connaissait la paix.
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Lorsque la porte s’ouvrit, une unité entra en éclaireuse. Après avoir vérifié les lieux, elle se rendit dans la salle de contrôle au chevet des otages. Therissa entra à son tour et guetta le centre du hall en quête de son amie, qui se tenait au milieu des débris.
— R ! Tu peux revenir à la normale. Tu es en sécurité. Tu peux revenir à la normale. Tu es en sécurité.
Pour R, la voix de Therissa sonnait comme un lointain écho. Le corps de R réagit néanmoins à ce signal et s’ouvrit aux stimuli extérieurs. R s’éveilla alors et s’échappa de son état d’intangibilité.
— Tu vas bien, R ? Comment te sens-tu ?
— Tout va bien, Therissa, je n’ai rien. C’était juste désagréable de rester dans cette pièce, entourée de cadavres. Puis, je me suis endormie.
— Sais-tu ce que tu faisais là ? Te rappelles-tu de ta mission ? de notre mission ?
— Therissa, ça va je t’ai dit, sourit R. Je me souviens de tout, ne t’inquiète pas.
— Vraiment ?
— Oui. Vraiment de tout. Enfin je crois.
La suite dans le chapitre 16.
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