C’est l’un des grands succès de la rentrée littéraire, pas loin derrière Amélie Nothomb et même devant Nicolas Sarkozy – dans des registres bien distincts –, mais c’est aussi et surtout l’une des bonnes surprises de cette année. Panayotis Pascot, dont on a adoré dévorer l’humour à la télé dans Quotidien ou sur scène à l’occasion de son spectacle Presque, celui qui a fait sourire les studios Konbini à chacun de ses passages, ce même “Pana” vient de nous bouleverser de sa plume, à travers un premier livre qui raconte son rapport à son père malade, à ses proches qui l’entourent, et puis surtout à lui-même, dans tout ce que ça a d’implosif.
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Vulnérabilité, deuil, dépression, lâcher-prise, sexualité… Si ces sujets ne sont pas forcément ceux auxquels l’humoriste nous a habitués, il les fait dialoguer avec fluidité et naturel dans un livre qui se dévore – non sans douleur – au fil des plaies. Des sujets durs, qui se frottent à l’écriture spontanée adolescente qui colle à l’auteur. Un verbe qui n’est pas toujours fin, et c’est tant mieux, invitant des mots crus, parfois maladroits, qui reflètent l’époque et confèrent à l’ouvrage une certaine distance avec le nombrilisme snob ou l’autobiographie qui se raconte pour se raconter.
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“Pleurer, c’est jouir, mais des sentiments.”
Ici, Panayotis semble plutôt se raconter pour nous aider à nous raconter nous aussi, portant subtilement le miroir au visage du lecteur, qui se reconnaîtra inconfortablement dans les ruminations égoïstes, les pertes de contrôle irrationnelles, les incertitudes suffocantes, mais dans les élans plus lumineux aussi, les réussites personnelles, l’espoir dans l’accolade de l’être aimé, la tendresse dans les gens qu’il se plaît à regarder dormir. Panayotis Pascot signe ici un clair-obscur et, paradoxalement, la vraie fraîcheur du livre, c’est qu’il légitime le langage du chagrin, qu’il assume de crier “je suis triste” sans s’encombrer d’un poli “mais ça va, merci”, qu’il se décharge de la peur de placer le lecteur dans une position délicate qui n’épargne pas, qui bouscule de la première à la dernière page.
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C’est décousu, les amateurs de linéarité et de chapitres bien délimités vont certainement grincer des dents, mais c’est finalement en accord avec ce livre, sorte de flux de conscience fulgurant déversé sur papier comme une urgence, celle de raconter son vécu avant que les autres ne se l’approprient, peut-être. On passe et revient sur les événements clés, répète et souligne les thèmes majeurs, de son obsession de réussite à son éveil sexuel par essais-erreurs, le tout en décortiquant sporadiquement sa relation à son père, certainement le cœur névralgique du bouquin, qui vrombit d’intensité, parfois d’amertume et toujours de sincérité. Un discours sur la figure du père qu’on sent écrit avec toute l’émotion que cela convoque et qui nous traverse encore, plusieurs jours après la lecture.
“J’ai peur d’être un assisté de la jouissance. De toujours avoir besoin d’aide pour que jaillisse l’émotion. La vie.”
Panayotis Pascot en dit beaucoup sur lui, voire un peu trop. Ou peut-être serait-ce nous qui sommes devenus incapables d’en apprendre autant à propos de quelqu’un ? De l’ordre de l’intime le plus contigu, son témoignage sonne comme celui du pote bourré qui vous balancerait autour d’un verre tous ses secrets inavouables qu’on oublierait instantanément le matin d’après. Sauf qu’il n’est pas votre pote, qu’il n’est pas bourré, et qu’on n’oubliera rien des confidences qu’il nous délivre ici, cristallisées noir sur blanc à travers 232 pages qui transpirent la force, la résilience, mais surtout l’envie de se décharger.
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On n’écrit pas un bouquin comme celui-là sans y laisser une part de soi, et c’est de bonne guerre d’y laisser une part de nous en le lisant aussi. Panayotis Pascot rentabilise quatre ans d’insomnie pour composer ses mémoires prématurés, redéfinissant les contours de ses maux selon ses termes à lui pour mieux s’y confronter. Impudique et osé, La prochaine fois que tu mordras la poussière est assurément le livre le plus courageux de la rentrée.
La prochaine fois que tu mordras la poussière, 19,50 euros aux éditions Stock.
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