La photographe Nan Goldin, ses drames intimes et ses combats, retracés dans un sublime documentaire

Publié le par Konbini avec AFP,

© Pyramide Distribution

Signé Laura Poitras, Toute la beauté et le sang versé, qui a décroché le Lion d’or à Venise, est un voyage à travers la vie de la photographe de 69 ans.

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C’est l’une des plus grandes photographes contemporaines, à la vie marquée par la mort : du sida à la crise des opiacés, son dernier combat, le parcours de Nan Goldin est dévoilé, dans un documentaire en salles mercredi. Signé Laura Poitras, Toute la beauté et le sang versé, qui a décroché le Lion d’or à Venise, est un voyage à travers la vie de la photographe de 69 ans, connue pour ses clichés du New York underground.

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Nan Goldin a pratiqué l’autoportrait toute sa vie, et son œuvre documente une vie hors des sentiers battus, dans son intimité. Auprès de Laura Poitras, la photographe se livre davantage, troquant l’appareil photo pour le micro. “Nos sessions d’enregistrement ensemble étaient comme une thérapie sans thérapeute. J’ai parlé de choses très douloureuses”, a expliqué à Venise Nan Goldin, très tôt marquée par la mort de sa sœur aînée, profondément dépressive.

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Sur ce traumatisme, le film revient avec les comptes-rendus des psychiatres décrivant une enfant privée de tout soutien avant de sombrer. Le tout est mis en parallèle avec un témoignage rare des parents de Nan Goldin, aux allures de couple états-unien parfait, filmés par cette dernière.

Contrechamp : le rapport des médecins psychiatres de l’époque, selon lesquels ce n’est pas “Miss Goldin”, la sœur chérie de Nan, mais bien “Mme Goldin”, cette mère défaillante, qu’il aurait fallu soigner. La photographe raconte que le suicide de sa sœur, qui s’est jetée sous les roues d’un train, l’a rendue muette pendant plusieurs mois, et que c’est par la photographie qu’elle a pu s’exprimer à nouveau.

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Communautés queers

La voix de la photographe, connue pour son travail sur la sexualité ou la drogue, résonne aussi avec ses photos les plus célèbres, dont la série The Ballad of Sexual Dependency, qui documente les communautés marginalisées dans le New York des années 1970-1980.

Nan Goldin lève le voile sur ses blessures et ses débuts dans la précarité. Elle dit aussi, pudiquement, avoir dû se prostituer dans une maison close, dont elle se sortira en intégrant un bar tenu par une communauté lesbienne. Elle revient également sur son agression par l’un de ses compagnons, échappant alors de peu à la mort…

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Les drames nourriront les combats de Goldin, à commencer par le sida, qui emportera nombre de ses proches, mais fera naître aussi de nouvelles formes de mobilisation. Un saut dans le temps conduit à aujourd’hui, où Nan Goldin a pris la tête d’un combat à la David contre Goliath contre les laboratoires pharmaceutiques qui produisent des opioïdes, ces antidouleurs qui ont rendu dépendant·e·s et tué un demi-million d’Américain·e·s ces deux dernières décennies.

Le documentaire y revient longuement : la photographe, ayant elle-même frôlé la mort à cause de sa dépendance, a mis sa notoriété au service de la lutte contre la richissime famille Sackler qui a produit l’oxycodone, tout en étant mécène des plus prestigieuses institutions culturelles.

Crise de manque

“Ma plus grande fierté, c’est que nous ayons mis à genoux une famille de milliardaires dans un monde où les milliardaires ont une autre justice que les gens comme nous”, a déclaré Nan Goldin, précisant qu’il fallait poursuivre le combat pour “garder en vie” les personnes dépendantes, les “déstigmatiser” et les traiter. La signature de Laura Poitras, journaliste d’investigation confidente des lanceurs d’alerte Edward Snowden et Julian Assange, laissait espérer des révélations sur cet énorme scandale sanitaire.

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Il n’en est rien mais le film comporte tout de même quelques séquences inédites, dont la plus forte est la captation de l’audience par vidéoconférence, obtenue de haute lutte par les activistes, durant laquelle les héritiers de la famille Sackler sont condamnés à écouter les témoignages de proches de victimes. Voir ces milliardaires scruter d’un œil vide leur écran, tandis que des parents leur font écouter les hurlements de douleur de leur fils en pleine crise de manque, et décédé depuis, glace le sang.