La tour Eiffel, fermée durant cinq jours en raison d’un mouvement de grève, rouvre aujourd’hui après un accord entre les syndicats et la société d’exploitation du monument parisien, a annoncé samedi cette dernière. “La direction de la Société d’Exploitation de la Tour Eiffel (Sete) et les organisations syndicales ont abouti à un accord de sortie de grève prévoyant que les parties feront régulièrement un point de suivi du modèle économique, de l’évolution des investissements de travaux et des recettes de la société à travers une instance qui se réunira tous les six mois”, précise la Sete dans un communiqué transmis à l’AFP.
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La réouverture n’est effective que depuis ce matin “afin de laisser le temps à l’équipe technique” d’assurer une bonne remise en route des ascenseurs pour un accueil en toute sécurité, ont souligné les deux organisations syndicales CGT et FO dans un communiqué commun. La Sete a ajouté que “cette instance permettra le suivi de l’avenant au contrat de Délégation de Service Public, tel que proposé au mois de janvier”, avec notamment “le retour à l’équilibre financier de l’entreprise dès 2025”.
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Direction et syndicats sont tombés aussi d’accord sur “un investissement ambitieux de 380 millions d’euros jusqu’en 2031 notamment pour les travaux et l’entretien du patrimoine de la Tour”, selon le communiqué de la direction. L’accord prévoit en outre “la poursuite de la vingtième campagne de peinture et l’engagement de la suivante”, un point clé de la délicate question de l’entretien du monument, inauguré il y a 135 ans.
“La Sete tient à renouveler ses excuses auprès de l’ensemble des visiteurs qui ont trouvé portes closes depuis le 19 février et se réjouit de pouvoir à nouveau accueillir le public”, poursuit la direction, assurant que le public qui n’a pas pu visiter le monument emblématique serait “automatiquement et intégralement remboursés dans les meilleurs délais”. Les cinq jours de grève ont représenté environ 100 000 entrées perdues.
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“Nous resterons mobilisés pour défendre le monument jusqu’à obtention d’un modèle viable”, ont prévenu la CGT et la FO. Si elle avait perduré au-delà de ce dimanche, cette grève aurait été la plus longue de l’histoire récente de la tour. À l’automne 1998, le monument était resté fermé six jours et demi. Le conflit en cours avait déjà entraîné sa fermeture le 27 décembre, jour du centième anniversaire de la disparition de son architecte Gustave Eiffel.
L’équilibre économique de la tour Eiffel, qui a retrouvé en 2023 une fréquentation supérieure à ce qu’elle était avant le Covid-19, avec 6,3 millions de visiteur·se·s, a été fragilisé par quelque 130 millions d’euros de manque à gagner lors des deux années de crise sanitaire (2020 et 2021).
“Dégradation inquiétante”
Les syndicats de la tour Eiffel justifiaient leur grève par la “dégradation inquiétante” de la célèbre structure métallique, mais les acteur·rice·s de l’actuel chantier de peinture se veulent rassurant·e·s.
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La repeindre tous les sept ans. Telle était l’instruction donnée à la fin du XIXe siècle par l’ingénieur Gustave Eiffel, père de ce symbole national qui atteint aujourd’hui l’âge de 135 ans, pour qui la peinture était “l’élément essentiel de la conservation d’un ouvrage métallique”.
Mais malgré une vingtième campagne de peinture en cours depuis 2019, la Société d’exploitation de la tour Eiffel (Sete) et son actionnaire ultra-majoritaire, la Ville de Paris, sont sous le feu des syndicats qui leur reprochent un manque d’entretien. “De nombreux points de corrosion sont visibles, symptômes d’une dégradation inquiétante du monument”, affirment la CGT et la FO. Depuis lundi, les photos et vidéos de parties rouillées du monument affluent, alimentées par les voix critiques comme l’association de défense du patrimoine SOS Paris.
Le fer puddlé, choisi pour construire la tour, produit par affinage de la fonte pour éliminer l’excès de carbone et le rendre plus résistant, “rouille beaucoup plus vite que l’acier”, souligne Pierre Lamalattie, de l’association les Amis du Champ-de-Mars. “Chaque fois qu’il y a des points de rouille, ça progresse assez vite et peut poser des problèmes de sécurité”, estime ce peintre et critique d’art.
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“Ce monument est en très bon état”, rétorque le premier adjoint Emmanuel Grégoire. L’actuelle campagne de peinture n’est pas terminée, se défend la Sete. “60 % sont faits, il en reste 40 %. La peinture est dégradée, pas la structure”, résume à l’AFP son président Jean-François Martins. Les syndicats reprochent à la direction d’avoir tardé dans cette campagne, démarrée en 2019 et qui devait initialement se terminer pour les Jeux olympiques.
La précédente avait commencé en mars 2009 pour se terminer fin 2010. L’actuelle campagne a donc démarré en retard par rapport aux sept ans préconisés par l’ingénieur Eiffel. Selon Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des monuments historiques, sélectionné par la Sete pour mener le chantier, le délai s’explique par “l’organisation nouvelle d’un chantier de basculement”, avec notamment pour “tâche unique de décaper une part importante de la tour (3 %), ce qui n’avait jamais été fait”.
Surtout, “la différence majeure, c’est que l’actuelle campagne dure de cinq à six ans”, souligne M. Martins. Deux aléas simultanés en ont voulu ainsi : en pleine crise sanitaire du Covid-19, la découverte de traces de plomb dans les anciennes couches de peinture a obligé à la suspension du chantier pendant huit mois.
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Corrosions “superficielles”
Ce retard et le changement des procédures techniques et sanitaires ont fait déraper le coût de 50 à 100 millions d’euros. Mais “ensuite, la structure en fer sera incroyablement bien préservée”, promet M. Martins. L’actuelle campagne, qui sera interrompue cet été le temps des JO, doit se terminer en 2025-2026, la suivante être lancée “avant 2030”, indique-t-il. En attendant, “la tour Eiffel n’est pas en danger”, rassure Pierre-Antoine Gatier, pour qui “les corrosions sont le plus souvent superficielles”.
Dans ces cas-là, un “piquetage des zones corrodées” permet de retrouver une “surface saine” avant d’appliquer la nouvelle couche de peinture, précise-t-il. Selon le maître d’œuvre du chantier, les études réalisées sur les zones de décapage, “là où la peinture était la plus altérée”, ont montré un “fer puddlé en parfait état de conservation”.
C’est notamment le cas côté Champ-de-Mars, où la tour est altérée “à cause de l’effet conjugué du vent et du sable” remontant de l’esplanade. Quant à l’état des 18 000 pièces qui constituent la Dame de Fer, les contrôles ont montré “environ soixante pièces à traiter, et sans urgence”, relativise l’architecte. “Nous en avons déjà remplacé 10 % et nous continuons”, ajoute l’architecte, pour qui l’actuel débat montre “notre attachement pour la tour”.