“La dystopie, c’est maintenant” : grâce à l’IA, l’artiste Delphine Diallo imagine nos futurs et corrige notre Histoire

Publié le par Lise Lanot,

© Delphine Diallo

En puisant dans les histoires de l’Afrique précoloniale, l’artiste imagine un futur fécond.

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Tandis qu’une partie du monde se dit effrayée par les avancées rapides de l’intelligence artificielle (IA), l’artiste Delphine Diallo voit dans ces technologies une source de possibilités infinies au service de nos avancées humaines. D’ailleurs, pour elle, l’acronyme “IA” ne devrait pas signifier “intelligence artificielle” mais “intelligence ancestrale“. C’est justement pour un retour aux sources et aux savoirs ancestraux qu’elle utilise l’IA, en témoigne sa série KUSH, exposée à la foire d’art parisienne AKAA, du 18 au 20 octobre.

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Dans ses images générées grâce à l’IA, des “personnages, habillés de costumes inspirés des anciennes civilisations africaines, évoluent dans des environnements mythologiques où le réel et le fantastique se mêlent”, décrit son feuillet de présentation. Depuis New York, où elle travaille depuis plusieurs années, l’artiste nous explique vouloir “apporter des visions du passé et les projeter dans le futur pour raconter l’Afrique précoloniale” : “Je veux révéler des visions qu’on n’a pas aujourd’hui. La moitié des statues qui racontent cette histoire ont été détruites. L’IA me permet de faire renaître ce que j’appelle une ‘civilisation ancienne du futur’. C’est un outil pour raconter notre monde, comme peut l’être la photographie.”

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KUSH. (© Delphine Diallo)

En célébrant le passé, Delphine Diallo dénonce les travers de notre présent et assure un futur plus réjouissant et spirituel : “Toutes les œuvres ont pour vocation de révéler une civilisation entière qui a été effacée à cause des sociétés patriarcales. On parle un temps où les prêtresses détenaient les plus hauts niveaux de pouvoir, où les femmes travaillaient avec la nature, où elles concentraient l’intellect. Tout ça a été effacé dans les livres d’Histoire. Elles ont été considérées comme des sorcières, chassées, tuées, on ne leur a plus donné de place. La seule place qu’on avait c’était ‘sois belle et tais-toi’.”

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Face aux peurs de celles et ceux qui lient l’IA à un futur dystopique, Delphine Diallo insiste : “La dystopie, c’est maintenant, c’est déjà là, avec les guerres, les génocides. Ce n’est pas quelque chose du futur. L’IA permet une source infinie de connaissances, accessible à toutes les personnes équipées numériquement.”

KUSH. (© Delphine Diallo)

L’artiste poursuit, l’IA c’est “Alice in fucking Wonderland”, un univers infini qui permet de suivre “le labyrinthe de sa propre conscience” en “collaboration avec la machine” : “Je ne donne même pas tant de détails aux prompts – que j’appelle plutôt des manifestations parce que tout doit être fait avec intention. Il faut s’y plonger, se plonger dans l’enfant qu’on était et qui créait un monde meilleur dans sa tête.”

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Pour entamer ses conversations avec la machine, Delphine Diallo a puisé dans des écrits d’historien·ne·s qui l’ont nourrie : “J’ai beaucoup lu Cheikh Anta Diop, le seul historien qui parle de l’Afrique précoloniale et du Royaume de Koush, ou encore The Sybils [“The First Prophetess’ of Mami (Wata): The Theft of African Prophecy by the Catholic Church”, de Mama Zogbe, ndlr], l’histoire vraie des prêtresses et prophétesses sur la côte du Nil. La Bible a transformé ces histoires.” De quoi voir notre monde sous un nouveau jour (ancestral) et se réconcilier avec les nouvelles technologies.

KUSH. (© Delphine Diallo)
KUSH. (© Delphine Diallo)

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KUSH. (© Delphine Diallo)

Delphine Diallo exposera sa série KUSH, présentée par Fisheye Gallery à la foire d’art Also Known As Africa (AKAA) du 18 au 20 octobre 2024.