Pour Willem Dafoe, l’aventure avait pourtant mal commencé. En 1980, l’acteur tient son premier rôle de figurant dans un des films les plus maudits de l’Histoire du cinéma, Les Portes du paradis de Michael Cimino. Mais si ce bide retentissant a définitivement brisé la carrière du réalisateur de génie, il n’a pas empêché celle de l’acteur de décoller.
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En plus de 40 ans de carrière, Willem Dafoe a trimballé son incomparable gueule de cinéma dans tous les genres et tous les styles, au sein des grands studios de l’industrie comme dans les plus étonnants films indés. Retour sur une carrière à part en cinq rôles devenus cultes.
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Le sergent Elias Grodin dans Platoon d’Oliver Stone (1986)
Huit ans après avoir reçu l’Oscar du Meilleur scénario pour Midnight Express (1978), Oliver Stone connaît pour la première fois le succès en tant que réalisateur avec Platoon, un film consacré à la guerre du Vietnam largement inspiré de sa propre vie. Doublement oscarisé (Meilleur film et Meilleur réalisateur), il raconte le quotidien d’une section de l’armée américaine plongée en plein milieu de la jungle face à un ennemi invisible qui connaît le terrain mieux que personne.
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Tragédie hypnotique et bouleversante en caméra embarquée, le film contribue à révéler de nombreux jeunes acteurs qui connaîtront par la suite une grande carrière à Hollywood. Dans le premier rôle, le jeune Charlie Sheen est bluffant en soldat maladroit et en narrateur acide. Dans de petits rôles, presque leur première apparition au cinéma, Forest Whitaker et Johnny Depp crèvent l’écran.
Mais c’est surtout le jeune Willem Dafoe qui attire toute l’attention sur lui. Son opposition avec la brute épaisse Tom Berenger qui incarne un autre sergent aux méthodes radicalement différentes, fait des étincelles. Sa mort bouleversante, quasi christique fait écho à un autre rôle que Willem Dafoe incarnera deux ans plus tard, celui de Jésus de Nazareth dans La Dernière tentation du Christ de Martin Scorsese.
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L’agent Alan Ward dans Mississippi Burning d’Alan Parker (1988)
Les personnages de flics ont longtemps collé à la peau de Willem Dafoe. On pense notamment à ce rôle de détective, taillé sur mesure, qu’on a longtemps hésité à faire figurer dans notre sélection, Donald Kimball dans le American Psycho de Mary Harron. L’opposition avec Christian Bale, alias Patrick Bateman, est époustouflante et chaque face-à-face est un monument d’acting entre deux géants. On pense aussi à son apparition sous les traits du capitaine John Darius dans le Inside Man de Spike Lee.
Mais son rôle le plus impressionnant dans le costume d’un représentant des forces de l’ordre est de loin celui qu’il interprète dans Mississippi Burning d’Alan Parker. Aux côtés d’un autre monstre sacré, Gene Hackman, il interprète l’agent du FBI Alan Ward, venu enquêter en 1964, dans le très raciste comté de Jessup, sur le meurtre de trois militants pour les droits civiques. Une prestation XXL pour un chef-d’œuvre d’une actualité terrifiante.
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Norman Osborn alias le Bouffon Vert dans Spider-Man de Sam Raimi (2002)
En 2002, bien avant que la folie Marvel ne s’empare de la planète, Sam Raimi, connu pour ses productions horrifiques, notamment pour la trilogie Evil Dead, s’empare d’un des super-héros les plus emblématiques des comics américain, l’homme-araignée Spider-Man et choisit Willem Dafoe pour interpréter son antagoniste terrifiant, le Bouffon Vert.
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L’acteur excelle dans la peau de Norman Osborn, riche industriel torturé par une force démoniaque qui l’appelle, le pousse à faire le mal. Dans une tenue inoubliable, d’un vert éclatant, sur son surf volant, il a terrorisé toute une génération. Si les effets spéciaux semblent parfois un peu datés, le film est un bijou de divertissement à des années-lumière de la production Marvel actuelle. Willem Dafoe rempile pour un deuxième et un troisième film. En incarnant un méchant fascinant, adoré des fans, l’acteur devient l’emblème de la pop culture des années 2000.
Bobby dans The Florida Project de Sean Baker (2017)
Après le déjà très réussi Tangerine, Sean Baker nous plonge dans la vie de débrouille d’une jeune mère célibataire et de sa fille de six ans, Moona, qui ont élu domicile au Magic Castle, un motel construit non loin de Disney World, à Kissimmee en Floride. Pour donner plus de visibilité à ce bijou indé produit par A24, le réalisateur a l’idée de confier le troisième rôle principal à Willem Dafoe.
Souvent campé aux rôles creepy et perturbants, il incarne ici Bobby, le gérant du motel, avec une douceur qu’on avait rarement vue dans ses yeux. Ange gardien bougon, il veille au grain face à la malice de cette petite fille et surveille les faux pas de sa mère. Un contre-emploi émouvant dans un monde couleur pastel.
Nemo dans A l’intérieur de Vasilis Katsoupis (2023)
Toute au long de sa carrière, Willem Dafoe a montré qu’il était le second rôle idéal, celui qui rend la partition des autres meilleures, celui qui confère un supplément d’âme aux scènes et aux films. Chez Wes Anderson dans La Vie aquatique (2004) et dans The Grand Budapest Hotel (2014), chez Martin Scorsese dans Aviator (2004), chez Lars von Trier dans Nymphomaniac (2013) ou encore chez Paul Schrader dans The Card Counter (2021), il illumine les yeux du spectateur à chacun de ses passages devant la caméra.
Comme un clin d’œil à une vie d’acteur passée en grande partie au service des autres, le réalisateur grec Vasilis Katsoupis lui offre aujourd’hui un rôle à sa mesure. Cambrioleur expérimenté, spécialisé dans le vol d’œuvres d’art, son personnage s’introduit par effraction dans le penthouse d’un riche collectionneur d’art à Manhattan mais déclenche malencontreusement le système de sécurité qui scelle l’appartement. Sans eau ni nourriture, sans réseau ni échappatoire, le cambrioleur tente tout pour se libérer. L’acteur est de tous les plans et campe un homme pris au piège qui sombre dans la folie. 1 h 45 de Willem Dafoe partout, tout le temps. Un bonheur de chaque instant.
Mentions spéciales
- Dans Antichrist de Lars von Trier (2009) – Son rôle le plus polémique dans un film qui a fait enrager Cannes. Au programme du sexe, de la violence et encore du sexe pour un propos déroutant sur les relations hommes-femmes.
- Dans The Lighthouse de Robert Eggers (2019) – Aux côtés de Robert Pattinson, il interprète magistralement un gardien de phare autoritaire, colérique et plein de secrets. Le duo tourne à plein régime et le film fait froid dans le dos.
À l’intérieur de Vasilis Katsoupis sort en salles demain, mercredi 1er novembre.