Stars du rock français au début des années 2000, les gars de Kyo ont parcouru du chemin. Mais comment ont-ils fait pour tenir à ce point la distance ? Formé en 1994, le collectif s’est retrouvé enfermé dans son image de groupe de radio au son pop-rock un peu emo sur les bords, à la suite du succès monstrueux de son album culte, Le Chemin. Ce best-seller de l’année 2003 s’est écoulé à plus d’un million d’exemplaires et a glané trois Victoires de la musique.
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Une célébrité soudaine, jumelée à l’apparition de nouvelles contraintes intenables liées au show-business, qui aura raison de Kyo. Un an et un nouvel album (300 lésions) plus tard, le groupe entame sans le savoir ce qui deviendra une pause salvatrice d’une dizaine d’années. Le temps nécessaire pour digérer le succès et la célébrité précoces. Des épreuves que le groupe a affrontées pour mieux revenir en 2014 sur le devant de la scène avec son quatrième disque, L’Équilibre, qui s’est vendu à plus de 100 000 exemplaires. Un nouvel effort, Dans la peau, suivra trois ans plus tard.
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Ces deux opus ont permis au groupe d’entamer en 2018 la plus grande tournée de son histoire. À l’occasion de leur passage au Brussels Summer Festival, nous nous sommes entretenus avec Benoît Poher, Nicolas Chassagne, Florian Dubos et Jocelyn Moze. Interview nostalgie avec l’un des groupes les plus emblématiques de la scène française.
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Konbini | Hello Kyo ! Comment se passe la tournée ?
Benoît | Hello ! Elle touche bientôt à sa fin. Il nous reste seulement quelques dates. C’est la tournée la plus longue qu’on a pu faire. On a commencé en mai 2018, et c’est la première fois qu’on fait deux étés d’affilée. Le show a plutôt des bons échos, donc on est booké facilement. On prend beaucoup de plaisir, on va avoir le blues quand ça va s’arrêter.
Florian | On était assez content, on a fait beaucoup de festivals. On savait qu’on allait passer un bon moment cet été. Et puis ça laisse du temps pour travailler de nouveaux titres et pour prendre un peu de vacances.
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À quoi ça ressemble un live de Kyo ?
Benoît | Ce qui est agréable, comme on a une carrière assez longue, c’est qu’on peut visiter pas mal d’époques. Il y a des titres qui vont vraiment faire appel à la nostalgie du public, et ce sont toujours des moments particuliers et intenses, mais aussi des morceaux qu’on a sortis récemment. Sur scène, c’est un voyage dans le temps. Il y a des sons de toutes les époques. On a également eu beaucoup de commentaires positifs sur le showlight.
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On a une super équipe technique avec nous, et je pense que le show est solide. Plus solide qu’à une certaine époque. À l’apogée de notre succès, Kyo, c’était un groupe de radio. Nous-mêmes, on n’a jamais considéré Kyo comme un groupe de scène. Je crois que c’est en train de changer. On a découvert qu’on n’était pas mauvais et qu’on pouvait mettre cette force en avant. À l’avenir, la scène sera au cœur de notre projet artistique, même dans la composition des nouveaux titres. Avant, on se demandait : “Est-ce que ça va passer en radio ?” Maintenant, on se demande : “Qu’est-ce que ça va donner en live ?”
Tu parles d’un “apogée” de votre succès. Vous considérez ne plus y être ?
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Benoît | Tous les artistes qui ont vécu ce truc-là, je n’en pouvais plus de les entendre et de les voir. Ça a été pareil pour nous.
Florian | Tu fais une overdose, même quand t’aimes bien au début. Il y a un moment où tu te rends compte que tu saoules les gens. Mais l’avantage de cet apogée et de l’avoir eu assez tôt, c’est qu’on l’a connu. Si tu n’as jamais eu ce truc-là, tu peux passer ta vie à essayer d’avoir ce succès. Quand tu l’as fait, tu vois la suite différemment. Tu n’es plus dans la quête de la réussite, de Victoires de la musique, etc.
Benoît | On a coché cette case très tôt et maintenant on se sent plus libre de faire ce qu’on veut.
Le groupe a été formé il y a 25 ans. C’est quoi votre secret de longévité ?
Nicolas | Faire une pause de dix ans, ça aide [rires].
Benoît | C’est Vince de Vegastar, l’ancien groupe de Jocelyn, qui disait qu’il n’y a que ceux qui n’abandonnent jamais qui finiront par gagner. C’est un peu ça, quand tu as des creux dans une carrière, que le public te zappe complètement, c’est tentant de lâcher l’affaire. Mais on aime tellement ce qu’on fait, que ça ne dépend même pas du succès qu’on peut avoir. Si un jour on arrête le groupe parce que le public n’est plus là, on continuera la musique entre nous.
Florian | Le break, si tu le fais au bon moment, c’est important. On sortait de gros succès, on était fatigué et on avait pas mal enchaîné. Quand t’as ce genre de succès, tu traces et tu dis “oui” à tout. Tu veux en profiter le plus possible. C’était bien de faire une pause : on est revenu avec de la motivation, l’envie de faire de la musique et de voir ce qu’on pourrait faire de nouveau avec notre expérience.
Benoît | On voulait retrouver la même émotion que quand on était gosses et qu’on a créé le groupe. Quand t’es pris dans la machine du succès, tu peux perdre cette émotion. On a dû attendre quelques années et l’album Équilibre pour retrouver ça. C’est notre moteur créatif.
Florian | Il faut aussi avoir conscience de l’importance de chacun. Quand tu multiplies les expériences, ça valorise les gens avec qui tu travaillais. Tu sais que c’est précieux. Pour la longévité, je te dirais le respect des uns et des autres.
Benoît | En fait, il faut travailler avec des gens plus cons, pour se rendre compte que ceux d’avant n’étaient pas si cons [rires].
Jocelyn | Avant le break, le succès était assez dingue. Il y a plein de trucs hyper cool, mais c’était lourd à porter. Tu sens une forme d’agacement, comme si tu te prenais en grippe. Les morceaux, la musique… tout devient lourd. Quand vous avez recommencé, on a senti une tendresse. Les choses s’étaient apaisées. Tout le monde a pu faire ses trucs de son côté. Une question qui est souvent revenue cet après-midi : “Est-ce que c’est pas chiant de jouer les mêmes morceaux qu’il y a 20 ans ?” Justement, c’est là que tu te rends compte que c’est des titres qui ont changé ta vie. Les gens qui sont là, ça a marqué leur vie. Et il y a cet aspect “communion” qui est assez cool et qui n’aurait pas été le même sans cette pause.
Quels conseils donneriez-vous à un jeune artiste qui sort un album rencontrant un énorme succès ?
Nicolas | Il faut picoler [rires].
Florian | D’être en groupe. On parle de la difficulté d’être en groupe, mais quand tu es seul et que tu connais un tel succès, c’est encore plus dur. Ton entourage peut changer hyper rapidement. Nous, ça faisait 15 ans qu’on se connaissait très bien quand on a rencontré le succès. Je trouve que ça nous a aidés à vivre cette période un peu faste.
Benoît | Être avec une équipe, c’est pas la même chose qu’avec tes potes de collège.
Florian | Les mauvais moments, tu les divises par le nombre qu’on est et les bons moments tu les multiplies.
Benoît | Tu peux voir que beaucoup d’artistes sont complètement dépressifs en interview. Il n’y a pas d’école du succès : tu peux apprendre l’art et la théorie, mais t’apprends pas à affronter ça.
Quels vont être vos projets pour la suite ? Il y a eu un changement dans le groupe très récemment, puisque Fabien a été remplacé par Jocelyn.
Benoît | Yes, Jocelyn remplace Fab. Cela faisait déjà quelques dates que c’était le cas et on a officialisé. On a commencé le prochain album et on a déjà pas mal de titres. Beaucoup de boulot, et dès que la tournée sera terminée, on s’y remet. On a envie de faire beaucoup de choses dans les cinq années qui viennent, et essayer de sortir beaucoup de disques. Mais à 45 ans, je me refais un break de dix ans.
Florian | Comme ça, on reviendra à 55, et on aura vraiment la gnaque [rires].
Ça fait quoi d’avoir eu une chanson dans Fifa 2006 ?
Jocelyn | C’était laquelle ?
“Contact”.
Benoît | Tu nous le remets à l’esprit, carrément. C’est cool.
Jocelyn | Il faut espérer qu’on soit dans Fifa 2020.
Benoît | Après, moi, j’ai toujours joué à PES, donc je m’en bats les couilles [rires].
C’était comment de jouer à Bercy en novembre dernier ? Ce n’est que la première fois de votre carrière que vous faites cette salle.
Florian | Moi qui n’était pas le plus chaud à l’idée de faire cette date, j’ai bien été ému. Avant de monter sur scène, j’étais fébrile. On a passé un super concert, c’était au bon moment de la tournée.
Benoît | C’est toujours particulier : t’as tous les potes, la famille, etc. T’as toujours une petite pression supplémentaire. Tu peux te tromper de parole devant le public, mais pas devant maman [rires]. C’est un souvenir marquant de notre carrière.
J’ai vu que vous aviez fait le premier featuring officiel de votre carrière avec Madame Monsieur (“Les Lois de l’attraction”), en mai dernier. C’est une nouvelle démarche ?
Benoît | Ça peut lancer une nouvelle démarche. On a toujours été hyper tournés vers nous-mêmes. Là, c’était vraiment par hasard. On a bu des coups en regardant la demi-finale de la Coupe du monde. On a collaboré avec eux avant même de savoir ce qu’ils faisaient.
Florian | Au feeling. Avant, on aurait dit “non”, mais vu qu’ils étaient cool… C’est agréable de travailler avec d’autres gens.
Benoît | On a bien bossé, on est content du résultat. Et puis ça change un peu, musicalement.
Jocelyn | C’est une décision spontanée. C’est dur de se laisser aller à d’autres choses, parfois, avec l’inertie de groupe.