Kalash, itinéraire d’un artiste qui allume et ensoleille le rap français

Publié le par Konbini,

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Vingt ans après Doc Gyneco, Kalash bouscule à son tour le paysage, les codes et les stéréotypes d’une scène urbaine française en quête de renouveau. Fer de lance de la musique caribéenne-urbain, l’artiste martiniquais en vogue réussit avec brio à prolonger sa ligne de mire sans se détourner de son public d’origine et son identité. L’occasion de dresser les contours de son portrait et de son ascension, à l’aune du “Kaos”.

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Kalash s’est forgé l’ADN d’un artiste hybride, voire bipolaire. Sa musique s’alimente de l’essence même des rythmes et langages du reggae-dancehall combinés au caractère et à l’egotrip du rap et sa trap music. Les multiples images et flows dont il use dans ses clips signés par le plus talentueux et respecté des réalisateurs de clips français, Chris Macari, sont sans équivoque. Il le clame dès le début de l’entretien :

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“J’apporte un vrai plus à ce qui se fait en ce moment alors je gagne ma place. Et bien que ce soit de la compétition, je ne me sens pas en concurrence avec les autres. Non pas que je me sens au-dessus ou en-dessous, mais moi je fais avant tout de la musique, c’est ce que le public attend.” 

Le temps d’un seul morceau, Kalash peut rapper avec un charisme hors du commun, chanter avec une justesse à en faire pâlir les artistes français, placer des punchlines insolentes et glisser des refrains efficaces, ou alors passer d’un flow à un autre sur différentes pistes et avec une facilité et une régularité déconcertantes. On pourrait affirmer sans s’y méprendre qu’il est l’un des seuls artistes français a avoir cette panoplie. À l’écouter, les influences ont été multiples :

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“Mon voyage à New York consacré au hip-hop a été une source d’inspiration forte qui m’a conforté sur ce créneau à cheval sur la musique urbaine et la musique caribéenne. J’ai été dans des lieux très underground et d’autres plus classiques. Tous ont comme point commun que ça joue du hip-hop et du bon son en tous genres.

C’est une autre mentalité, une autre culture, c’est ce que j’aime. Les connexions et les rencontres y ont aussi été pour beaucoup. Sans oublier que la vague de Future, Travis Scott, Young Thug, et d’autres moins connus en France, a inspiré à fond les producteurs et nous avec indirectement. J’ai reçu beaucoup de prods du genre, cohérentes avec le chant et le rap, et surtout avec un bon rythme.” 

Enrichi et souhaitant donner un élan à sa carrière, Kalash s’est alors hissé en tête de la mêlée d’une scène caribéenne-urbaine productive mais hétérogène, et il en donne le ton.

“Je me suis trouvé artistiquement”

“Cette évolution artistique, je dirais que c’est un ensemble qui en est à l’origine. À 28 ans j’ai forcément gagné en maturité et en expérience, mais mon environnement y est pour beaucoup. Avoir accès à des producteurs avec lesquels je voulais travailler depuis longtemps, comme Rvssian, m’a beaucoup motivé. J’ai aussi travaillé avec Hi Stakes, Genius, Mafio, Twinsmatic, ou encore Joe Mike. Mais ce qui fait toute la différence maintenant, c’est surtout que je me suis trouvé artistiquement parlant.”

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À coup de morceaux tous plus efficaces les uns que les autres, Kalash réalise depuis 2014 un véritable sans-faute, et ce avant Kaos, son premier album sorti ce vendredi 6 mai 2016. Seuls les Américains peuvent s’en targuer. Présent sur deux fronts, il assume alors ses hits ciblant un public féminin (“Sexy Chill”, “Plézi”, “My son”) tout en enchaînant les morceaux urbains aux sonorités trap (“Laisse brûler”, “4 croisées”, “BBHMM”). Hormis Booba et Nekfeu, rares sont ceux réputés pour exceller sur deux créneaux aussi opposés.

“J’ai assumé ce statut de porte-parole depuis ‘Chanson du Mwaka'”

Mais sa productivité artistique a beau être la source première de son mérite, les jours de garde à vue fin 2014 avec son homologue et mentor Admiral T pour des faits confus entre violences aggravées et violences policières ont renforcé sa crédibilité et fait grimper sa cote de popularité. Quand on en fait état en sa présence, seul son sourire ironique fait office de commentaire.

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Quelques jours avant il dévoilait l’air de rien ce qui deviendra une hymne pour les Antillais et un classique pour tout son public. Il confie que c’est en cellule qu’il s’est rendu compte du potentiel d’envergure du morceau :

“‘Chanson du Mwaka’ met en chanson ce que je vivais, ce que j’avais en tête et sur le cœur, sans filtre ni autocensure. Ce qui a fait son succès, c’est aussi que le morceau touche tous les Antillais en France, et tu ne peux pas aller à contre-courant d’un thème aussi rassembleur. Et c’est vrai qu’à ce moment-là j’ai ressenti qu’on m’avait donné comme un statut de porte-parole et je l’ai assumé. C’est une chance et j’ai pas voulu trahir cette confiance.” 

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Enchaînant les succès, les inédits de Kalash sortis entre début 2014 et mi-2015, alors qu’il n’était signé sur aucun label, cumulaient plus de 12 millions de vues l’an dernier pour s’élever à près de 30 millions aujourd’hui. Du jamais vu pour un artiste au répertoire aussi particulier avec l’avènement de la musique en ligne. Et ce n’étaient que les prémices d’un chamboulement.

“‘Bando’ a pris à contre-pied et a mis d’accord le plus grand nombre”

Il aura suffi d’un titre, “Bando”, qui plus est interprété en créole. Kalash y dépeint avec ses clichés et illusions les travers d’une “voyoucratie” autodestructrice à laquelle il renonce de plein gré pour la musique. Le succès est immédiat et retentissant au point d’outrepasser les frontières de langue et de diffusion qui composent encore le plafond de verre de la musique de l’outre-mer en France, trente ans après les succès planétaires de Kassav. Il raconte l’anecdote avec l’excitation du moment:

“On était tous confiants pour ‘Bando’. Pendant le tournage à Miami avec Damian Fyffe qui a aussi réalisé ‘Drunk in Love’ de Beyoncé ou encore des clips de Rick Ross, Ludacris etc., j’ai senti qu’il se passait quelque chose de fort.

Déjà parce que c’était la première fois que j’explorais ce style de manière explicite, mais surtout, vu que le son sortait en été il a pris tout le monde à contre-pied et mis d’accord le plus grand nombre. En été on s’attend toujours à de la musique soleil, et je m’étais dit que les gens kifferaient entendre un morceau sombre mais avec un vrai message derrière, lent et mélodieux. Je travaille à l’instinct.” 

Neuf mois plus tard, la barre des 10 millions de vues s’apprête à être franchie. Un exploit notable donc, du fait d’une force de frappe procurée par Universal Music. Il s’explique :

“Le label Capitol m’a donné une meilleure visibilité dans les médias, surtout sur Internet, les réseaux sociaux, etc. Avoir les moyens financiers adéquats c’est important pour bien bosser, ça joue sur le résultat. Disons que c’est un poids en moins, mais pas de la responsabilité. Avec Clara, ma manager, on a toute une équipe qui nous accompagne et on s’entend bien. Et j’ai gardé ma liberté artistique.”

“Booba et moi avons la même vision de la musique”

En cours de route, Kalash a aussi bénéficié du poids d’un allié influent, celui de Booba. “Avec Kopp on s’était rencontrés en Martinique y a quelques années déjà. Puis on s’est vraiment recroisés à Miami, pendant l’enregistrement de mon album chez Hi Stakes qui travaille avec lui. Booba et moi on a la même vision très éclectique de la musique, les mêmes valeurs… La collaboration sur ‘Rouge et bleu’ et ‘N.W.A’ s’est faite naturellement et comme il se doit…”

Le rappeur et fondateur du groupe de médias OKLM a véritablement dopé la visibilité de Kalash à l’échelle nationale par un appui indéfectible et avec l’influence qui est la sienne sur les réseaux sociaux. Dorénavant KLH bénéficie d’une audience d’envergure, sa musique étant calibrée pour un public urbain, multiculturel et multigénérationnel. C’est par le biais d’une dualité assumée qu’il s’est attelé à faire grandir l’engouement de son public d’origine avec des morceaux rassembleurs, tout en élargissant son périmètre à l’échelle nationale.

Aucun single de son album Kaos n’y déroge. “Bando” puis “Danjé”, chantés en créole et ciblant le public des Français d’outre-mer, ont été équilibrés avec “Après l’automne” et “Aller simple”, en français, empreints de l’identité de l’artiste mais taillés pour un large public. Et malgré le format des singles, il dément toute stratégie et raconte brièvement :

“Ces titres qui mêlent la forme et le fond ont des thèmes qui me touchent, alors ils sont les plus simples à réaliser. ‘Aller simple’ a été bouclé en une heure. Il est 20 heures, j’envoie le sample de Cesária Évora à DJ Ken, 30 minutes après il me renvoie l’instru, on travaille vite et bien ensemble. J’arrive en studio et j’ai rien écrit, bouteille de champagne ou de Jack Daniel’s, j’entre en cabine et une heure après c’est terminé.”

“Beaucoup de demandes de feat. d’artistes français”

Autant de choix assumés qui se sont avérés payants au vu des 15 millions d’écoutes/vues cumulées par les singles. Et Kalash n’a pas eu à multiplier les collaborations pour s’imposer.

“Les featurings, j’y ai songé quasiment à la fin de l’enregistrement. Il n’y avait pas de calcul, sinon il y aurait eu au moins un Américain et un Jamaïcain. Et je me serais précipité pour celui avec Major Lazer, on a été au studio ensemble. En plus, j’avais reçu beaucoup de demandes de feat. d’artistes français, mais je voulais me concentrer sur l’enregistrement et la direction de mon album. Admiral T et Booba ce sont des feat. logiques, et Gato da Bato ça s’est aussi fait dans une vibe spontanée.” 

L’entrée en playlist Skyrock du single “Aller simple” mi-avril, à laquelle s’ajoute la programmation sur Planète Rap la semaine dernière, termine de l’illustrer ; Kalash s’aligne sur les pointures du rap français. Mais il se sait doublement attendu. Le succès est à l’aube de se concrétiser et de se confirmer dans les charts, à condition d’un bon démarrage et d’un maintien des ventes d’albums. “Je serai plus fort si mon peuple a confiance”, chante-t-il dans “Après l’automne”…

Article écrit par Jason Moreau, pour Konbini