On les croyait enterrés avec la mode des années 2000. Mais en même temps que les pantalons cargo, les bookings en téléréalité ont marqué leur grand retour. Alors que les stars des programmes se sont exilées à Dubaï, certaines renouent avec leurs débuts en discothèque. Dans une publication sur Instagram, Jazz Correia (la JLC Family) propose sa présence dans des boîtes de nuit en France lors des showcases du rappeur SisiK. Même tendance chez Julien et Manon Tanti, 10 millions d’abonnés à eux deux. Une vidéo postée sur Instagram les montre au VIP Ice à Saint-Savin, près de Lyon, le 10 mars.
Publicité
La règle est simple : les candidats sont payés pour passer une soirée en boîte de nuit. Ils doivent prendre le micro, mettre l’ambiance et se prêter au jeu d’une séance photo avec les fans. “Les bookings ne s’étaient jamais arrêtés, mais ces dernières années, ceux qui en faisaient étaient des ‘petits candidats’, qui avaient un statut plus confidentiel. Ils n’avaient pas réussi à tirer leur épingle du jeu”, déroule Sam Zirah, youtubeur et animateur de la chaîne AJA. De leur côté, les piliers de la téléréalité avaient mis un point final à ces apparitions nocturnes. En cause : la vie aux Émirats arabes unis et l’arrivée des placements de produits. “Ils me disaient qu’ils gagnaient dix fois plus en faisant un placement chez eux”, se souvient le spécialiste de téléréalité. C’était entre 2019 et 2021. À l’époque, ils pouvaient gagner plusieurs milliers d’euros avec un seul post.
Publicité
La fin de l’âge d’or des placements
“Depuis leur starification, ils trouvaient cela dévalorisant de se montrer en boîte de nuit. Pour eux, se déplacer à un booking, c’était l’équivalent d’aller à la foire à la saucisse”, poursuit Sam Zirah. Une série de scandales plus tard, la donne a changé : les visages de téléréalité ont perdu en crédibilité et les placements de produits sont en berne. Certains ont donc ouvert des chaînes YouTube ou des comptes MYM pour pallier la crise financière. JeffLang2VIP, blogueur de téléréalité, voit la naissance de deux clans : “Ceux qui ont su investir leur argent et les autres qui ont claqué sans réfléchir au lendemain.” Arrivé en août 2021 dans Objectif Reste du Monde, sur W9, Simon Castaldi n’a jamais connu l’âge d’or des placements de produits. “Dans le milieu de la téléréalité, c’est la crise”, sourit le jeune homme de 23 ans. “Je me faisais en moyenne entre 1 500 et 2 200 euros par mois les premiers temps, mais c’était plus difficile pour les mecs de trouver des placements.” D’autres stars du petit écran pouvaient gagner dix à vingt fois plus.
Publicité
Simon Castaldi a dit oui à une poignée de bookings en boîtes de nuit. Son dernier remonte au mois d’octobre 2022. Il était au What’s à Caen, une boîte de nuit d’une capacité de 600 personnes. Il raconte le fonctionnement : “Tu fais le show une bonne heure, ensuite 45 minutes de photos et après, soit tu restes dans le carré VIP soit tu rentres à l’hôtel.” Les négociations avec le patron de la boîte de nuit sont gérées par un bookeur qui s’occupe aussi des questions logistiques. En règle générale, l’influenceur est défrayé : voyage, hébergement, restauration. Concernant les contrats ? Il n’est pas rare qu’il n’y en ait pas. “Tout est sur parole”, explique le candidat qui était rémunéré en espèces. Ce manque d’encadrement peut compliquer les transactions. En décembre 2021, un patron de boîte de nuit l’accuse d’escroquerie pour avoir annulé au dernier moment. Simon Castaldi se défend en disant qu’il n’a jamais reçu les billets de train : “Je lui ai directement rendu son acompte, mais c’était dimanche, il fallait quelques jours pour que le virement passe”.
Une façon pour les boîtes de gagner en visibilité
Le candidat ne prend pas moins de 1 000 euros pour une soirée : “C’est la moyenne, surtout avec la crise actuelle”, répète-t-il. Selon une story postée par le blogueur de téléréalité, Varruecos, Manon et Julien Tanti touchent 2 500 euros chacun pour une prestation en boîte de nuit. Selon une autre source, cette rémunération pourrait être doublée. Avec la flambée des tarifs, les patrons de boîte de nuit ont du mal à suivre : “J’ai dû arrêter les bookings, car ça devenait trop cher. Les candidats s’enflammaient, les prix pouvaient monter à 5 000, 6 000 euros par soirée. Ce n’était plus rentable pour nous”, se souvient Sandrine Pascal, patronne de la boîte de nuit l’Ultra à Corbas et du restaurant Kazzo à Chaponnay (Auvergne-Rhône-Alpes). Au début de la téléréalité, les prix tournaient autour de 500 euros. Avec son mari, ils se disent “précurseurs” dans ce domaine.
Publicité
Entre 2014 et 2019, l’Ultra a accueilli tous les pontes de la téléréalité : Jessica Thivenin, Julien Tanti, Antonin Portal… Ces brochettes de candidats lui assuraient de la visibilité. Sandrine Pascal se fait brièvement connaître sur les réseaux sociaux, lorsqu’elle pousse un coup de gueule contre Nikola Lozina, figure emblématique d’Objectif Reste du Monde. “Il m’a planté deux fois, cela ne m’était jamais arrivé avant”, dit-elle. La gérante décrit des candidats respectueux avec lesquels tout s’est toujours bien passé. Pour se prémunir de toute arnaque, elle fait appel au même bookeur Sébastien Jaillard (sauf la fois concernant Nikola Lozina). “Je procède toujours par contrat pour que tout soit carré”, déclare l’agent de Benji Samat (ex-candidat phare des Marseillais) avec lequel il a enchaîné 400 bookings sur deux ou trois ans. “Comme pour les placements de produits, certaines personnes ont sali le milieu. Notamment des candidats qui, après avoir parfois encaissé l’argent, ne se rendaient pas à l’établissement.”
Si les candidats de téléréalité se tournent de nouveau vers les bookings, y a-t-il toujours un public pour les accueillir ? “Faire venir des candidats de téléréalité reste très bénéfique pour les clubs. Ils vont parfois davantage remplir les établissements que des ‘artistes’ pourtant beaucoup plus onéreux”, affirme Sébastien Jaillard. Ces derniers temps, Sandrine Pascal confie avoir reçu des propositions de bookings dans sa boîte mail. Serait-elle prête à rempiler ? “Je ne sais pas, je suis en train d’y réfléchir. Comme ils ont passé une case au-dessus, je prendrai peut-être deux ou trois mecs de sécu en plus, pour éviter les effets de foule.“ Si beaucoup ont la trentaine bien entamée, combien de temps pourront-ils tirer sur la corde de leur popularité face à des ados qui ont la moitié de leur âge ? À noter que les productions tentent de miser sur le renouveau en faisant appel à des anonymes. En témoigne le casting de la saison 8 de la Villa des Cœurs Brisés. Le retour des bookings peut-il marquer la fin de la starification des candidats ?