Trois ans après avoir publié sa première mixtape, le collectif Bon Entendeur nous prépare une belle surprise pour fin novembre. L’occasion de revenir sur les morceaux et albums qui ont marqué les membres d’un trio en pleine envolée.
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Ce mois-ci, ça fait pile trois ans que Bon Entendeur s’invite chaque mois dans nos soirées avec Serge Gainsbourg, Jacques Chirac ou Vincent Cassel. Dédiées à des personnalités francophones célèbres, les mixtapes d’Arnaud, Pierre et Nicolas sont basées sur un concept singulier et efficace qui nécessite deux ingrédients : des bribes de discours significatifs d’un musicien, acteur ou homme politique et de la musique, sélectionnée en fonction. Mélangez le tout et vous obtenez un mix d’une heure, musicalement éclectique, influencé et introduit par une effigie de la culture française.
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De YouTube au palais de Tokyo
Quand la chaîne YouTube de Pierre et Arnaud ferme en raison d’un problème de droits d’auteur, les deux amis ne souhaitent pas en rester là. En 2012, ils rencontrent Nicolas au festival Calvi on the Rocks, qui se joint au projet imaginé depuis par Arnaud : Bon Entendeur est lancé et le trio publie sa première mixtape en septembre 2013. Vingt-huit mixtapes et quelques sessions live plus tard, le collectif rejoint en 2016 The Talent Boutique. Les dates live de Bon Entendeur se multiplient et le trio fait une tournée d’été en France et dans plusieurs festivals.
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Mais pour les 25 et 26 novembre prochains, c’est un nouveau projet que Bon Entendeur nous prépare : le trio propose un festival, Classe Découverte, qui se déroulera donc sur deux jours, au Yoyo (palais de Tokyo) à Paris. Et qui dit festival dit line-up, avec Bon Entendeur qui jouera les deux soirs, une multitude d’autres artistes, écran géant, jeux de lumières, un Photomaton… Si pour Pierre, Nicolas et Arnaud cet événement est une grande première, c’était aussi l’occasion de revenir, sur les goûts musicaux du trio Bon Entendeur, qui ont pour sûr joué dans la richesse et le succès de ces mixtapes désormais proverbiales. D’IAM à Nirvana en passant par Breakbot, Nicolas Jaar ou Michel Berger, c’est le moment madeleine de Proust et perles musicales — qu’on leur pique volontiers.
1. Sans mentir, c’est quoi le premier album que tu as acheté ?
Arnaud | Ça remonte… Mais un album que j’ai acheté et qui m’a marqué, c’est les Greatest Hits des Rolling Stones, tout simplement. J’avais un bon d’achat chez Fnac, et j’ai acheté ça.
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Pierre | Ouh là, aucun souvenir de ça… Je ne sais plus si je l’ai acheté, mais en tout cas j’ai beaucoup aimé Abbey Road des Beatles.
Nicolas | Mon premier album, et celui que j’ai écouté en boucle, c’est celui du concert du Secteur Ä à l’Olympia.
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2. Un morceau ou album que tes parents écoutaient et qui t’a marqué ?
Pierre | Pour être franc, mes parents écoutaient rarement de la musique. La radio dans la voiture, voire la bande originale du film Gladiator, et c’est tout, quoi… J’ai dû me débrouiller tout seul !
Arnaud | Moi, c’est Brassens. Pas un morceau en particulier, mais Brassens en général.
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Nicolas | C’est dur d’en donner un seul, mais Starmania. S’il y a un album, c’est celui-là, de très loin. D’ailleurs, quand je le réécoute, je trouve qu’il y a énormément de funk et de disco. C’est des goûts que j’ai conservés aujourd’hui. Certains peuvent trouver Starmania ridicule, mais musicalement c’est ultra-riche.
Mes parents n’ont jamais écouté (ou très peu) de chansons étrangères, il y avait un peu de Supertramp ou de gros classiques du genre, mais c’était pas du tout rock. Je suis passé à côté de plein de classiques, mais c’est vrai que la chanson française, j’ai écouté ça à fond. Que ce soit Starmania, Michel Berger, France Gall, Balavoine… J’assume à fond, parce que j’écoute encore. Là dans mon iPhone, il y a l’intégrale de Berger.
3. Un artiste que tu as eu du mal à assumer mais que tu adorais ?
Nicolas | Question dossier. Un album un peu péché ? C’est vrai que de manière générale, quand j’écoutais de la chanson française plus jeune, j’étais un peu tout seul dans mes goûts. Quand j’étais au collège et au lycée, j’écoutais pas les trucs qui passaient à la radio. Un artiste que j’ai toujours beaucoup écouté quand j’étais jeune, et encore beaucoup maintenant, pour lequel on se moquait beaucoup de moi, c’est Christophe. Maintenant, il est revenu à la mode, on ne se moque donc plus de moi et je suis bien content.
Arnaud | Je pense à un truc que j’écoutais au lycée, que mes potes ne comprenaient pas, c’était Buena Vista Social Club. J’ai toujours aimé ça. Quand je mettais l’album dans ma voiture, mes potes me disaient : “C’est la musique de tes parents ou quoi ?”
4. Et du coup, le titre que tout le monde écoutait mais que toi tu détestais ?
Arnaud | De manière générale, tout ce qui passait un peu à la radio, genre NRJ. Moi il y en a un actuel, c’est Jul. Ça me rend dingue cette histoire. Je vois son compteur de vues, moi ça me rend fou. Le mec se tape des 30 millions de vues, sur ses vidéos il fait des fautes et tout… T’as l’impression qu’il a fait ça en pantoufles.
Nicolas | Moi c’était le clip de Daft Punk, où ils tournent autour d’une plateforme… Je me souviens qu’elle passait tout le temps à la radio et qu’elle me saoulait. J’étais pas du tout dans le mood Daft Punk. Après, il y a une phase que j’ai jamais eue, c’est le rock. J’ai jamais été rock. Tous les gens au lycée qui avaient des T-shirts Nirvana, moi je suis toujours passé à côté. J’ai jamais accroché. Genre “Come as You Are“, ces titres-là… J’ai jamais écouté de rap US non plus, peut-être à cause de la langue.
Donc, comprendre les paroles d’une chanson c’est essentiel pour toi ?
Nicolas | En fait, c’est difficile pour moi de vraiment aimer un morceau sans comprendre ce qui se dit. Avec une langue qu’on ne connaît pas, c’est plus compliqué de transmettre des choses. Mais c’est pas pour autant qu’on s’interdit de mettre des chansons anglophones ou autres sur Bon Entendeur. Mais ça peut expliquer le choix de langue des discours. En anglais, on laisserait peut-être passer une bêtise… Et ça nous touche moins. C’est notre petit côté chauvin, plus ou moins assumé
Arnaud | On ne s’interdit pas des morceaux en anglais, mais on va pas mettre un truc pourri juste parce qu’il est français non plus.
5. Un morceau que tu détestais plus jeune mais que tu écoutes maintenant ?
Pierre | On ne peut pas dire que je les détestais, mais je n’étais pas fan de chansons françaises en général. Plus on grandit, plus on apprécie ces choses-là, je pense.
Nicolas | Quand j’étais plus jeune, j’étais à fond sur Secteur Ä, NTM… Et j’étais passé complétement à côté de Booba à la fin des années 1990. Mais ça fait partie des albums que j’ai rattrapé il y a pas longtemps. On peut se moquer quand je dis que j’écoute Booba seulement aujourd’hui, mais ça fait partie des trucs que j’écoutais absolument pas à l’époque et que maintenant j’écoute beaucoup.
Arnaud | Un morceau de Santana… “Oye Como Va”.
6. Le morceau que tu mettais systématiquement en soirée ?
Arnaud | IAM… C’est sûrement mon côté gars du sud. Et en ce moment, c’est Shmlss, “One of the World“.
Pierre | Ça a changé vraiment souvent. Actuellement, dans l’idée, c’est plutôt des sets que je mets en soirée. En revanche, un set sur lequel j’ai très très longtemps bloqué, c’est celui de Rampue sur la scène du Robot Heart au Burning Man.
Nicolas | Billy Paul, “Your Song“. Je l’adore, encore aujourd’hui d’ailleurs. Sinon, pour les soirées Bon Entendeur, des remix de Todd Terje, comme celui de Chilly, qui nous a ambiancé quasiment durant un an.
7. Un morceau ou artiste auquel tu resteras toujours fidèle ?
Arnaud | MC Solaar, IAM et les Rolling Stones, aussi.
Pierre | Justin Timberlake, “What Goes Around… Comes Around“, je pense que je l’aime toujours autant, même si ça fait un bail que je ne l’écoute plus…
Nicolas | Le Secteur Ä, je les écoute toujours. L’album live de NTM aussi. J’étais pas du tout branché IAM, en revanche. Et sinon, la Fonky Family, je ne m’en lasse pas, “Cherche pas à comprendre”, tout ça… Je sais que ça fait bizarre, c’est pas forcément l’image de Bon Entendeur.
8. Le morceau qui t’a donné envie de commencer ?
Nicolas | Moi, c’est pas un morceau, mais un live. C’était au retour de Calvi on the Rocks, le live de Breakbot et Irfane. C’était un DJ set, ça m’avait tué : j’ai vraiment trouvé ça cool. Après coup, j’ai envoyé des messages à Pierre et Arnaud. Je venais de rendre mon mémoire de fin de master, et ce live m’a mis une vraie claque. Je me souviens m’être fait la réflexion, je me suis dit que tout le temps libre que j’avais, je savais pas où quand ni comment, mais j’avais envie de le consacrer à faire un truc dans la musique.
Pierre | Il n’y a pas d’artistes en particulier, mais plutôt une multitude ! En fait, j’ai toujours écouté plus de sets que de tracks isolés. Et je crois que c’est à force d’écouter des sets ou des mixtapes que j’ai eu envie de m’y mettre à mon tour.
Arnaud | Pour moi, c’est un morceau de Noze, “Remember Love”.
9. Le premier morceau que tu as eu envie de placer dans une mixtape ?
Arnaud | Nicolas Jaar, entre autres : j’écoutais beaucoup ces trucs-là. C’est l’époque où il a sorti “The Ego”, c’était une couverture avec un chasseur qui a buté un éléphant. Je l’ai placé dans une mixtape d’ailleurs, la version Boiler Room.
Nicolas | Mais Nicolas Jaar n’a jamais eu besoin de nous pour se faire entendre. De manière générale, on a toujours voulu mettre des petits producteurs de musique ou des remix dans nos mixtapes, qui n’ont pas beaucoup de vues.
Parce que les mixtapes c’est pour promouvoir les jeunes artistes ?
Nicolas | Dans l’idée, ouais. On essaie de mettre des sons qui n’ont pas encore eu trop de succès. L’objectif c’est de les faire connaître.
Arnaud | S’il y a un truc pas connu qu’on trouve cool, la démarche c’est “on aime bien, on a envie de le faire partager”.
Et comment ça se passe pour choisir les sons et les personnalités ?
Arnaud | On se fait chacun une playlist sur YouTube ou SoundCloud, puis on se fait un fichier Excel avec tous les titres et on vote. Pour les artistes, on en a deux-trois en tête. Quand on a choisi, on se tape toute sa discographie, sa filmographie, ses discours, ses interviews sur l’Ina… Tout ce qu’on peut trouver de lui qui peut bien passer dans une mixtape. On a déjà interviewé nous-mêmes des artistes, comme PPDA. Et on leur demande toujours leur accord. Pour les sons, c’est en fonction de l’ambiance qu’on veut donner à la mixtape par rapport au choix de la personnalité. On essaie de rester dans le thème, même de la saison. Il y a des sons par exemple, on se dit “celui-là, je peux pas le mettre en plein été”.
Nicolas | Dans la mixtape de Delon qu’on a sortie en juin, il y a plein de sons brésiliens et hispaniques. Et pour celle qui va arriver fin septembre, on a adopté un ton plus “rentrée”. Pour décider si un morceau va ou non avec une mixtape, Gainsbourg par exemple, on le fait surtout en fonction des morceaux de discours qu’on choisi de lui. Si on a un discours un peu euphorique ou enthousiaste, on va pas mettre une musique trop dark. Parfois ça se limite à ce genre de choix-là. Sur Chirac, à un moment on a pris un discours assez grave sur l’extrémisme, l’antisémitisme, on l’a calé sur un son de David Auguste assez sombre, ça colle bien.
Et pour la prochaine mixtape justement, on peut en savoir un peu plus ?
Nicolas | On y a déjà réfléchi, mais c’est la surprise…
D’ici là, on peut se concentrer sur la soirée au Yoyo. Rendez-vous les 25 et 26 novembre prochains, de 23 heures à 5 heures du mat’. Les places seront mises en vente mercredi 14 septembre, l’event est par là