Jérémie Levypon a seulement 20 ans mais il a déjà un CV particulièrement rempli. Réalisateur de clips pour Rilès ou plus récemment Gims, il a accompagné Bigflo & Oli pendant plusieurs années jusqu’à aboutir au documentaire Presque trop, dévoilé sur Netflix le 8 octobre.
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Contacté par téléphone, Jérémie est plein d’enthousiasme, humble et presque surpris qu’on s’intéresse à son profil. “Ce n’est vraiment que le début, je suis hyper content des opportunités que j’ai pu saisir pour le moment mais le vrai travail commence maintenant.”
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Jérémie Levypon a toujours été passionné de musique et, très jeune, il s’est intéressé à l’image. “Ça a été une évolution assez logique finalement, j’ai commencé par prendre le caméscope familial et faire des petits films entre potes pour m’amuser. Ensuite, j’ai tout de suite vu les possibilités, même si j’avais tout juste 10 ou 11 ans, j’ai commencé un premier montage, acquis des nouvelles techniques.”
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Jérémie a grandi avec la génération YouTube. “J’étais totalement la cible des vidéos de Norman ou Cyprien.” Il a été très impressionné par le travail de Studio Bagel, mais c’est surtout Bref qui va changer sa vision. “J’ai 11 ans à ce moment-là et Bref m’a fait vriller. Ce côté brillant de pouvoir raconter autant d’histoires, croiser autant de personnages, avec un rythme intense et très découpé, c’était exactement ce que je voulais faire, ça m’a parlé tout de suite.”
Et la musique a été le fil rouge de son apprentissage nous dit-il ensuite : “J’ai tout simplement proposé mes services à une boîte de nuit pour faire des petits reportages vidéo de leurs soirées, des vidéos de promotion, des vlogs. De fil en aiguille, j’ai pu avoir accès à des artistes, des DJ, des producteurs, pour les accompagner en tournée ou sur leurs propres concerts. Je n’ai pas lâché en fait. Jamais.”
Jérémie a aussi trouvé des modèles auprès d’autres réalisateurs qui proposent comme lui des univers visuels fouillés autour de la musique. “À 13 ans, j’ai vraiment été marqué par le travail de Romain Gavras et Kourtrajmé. J’aime sa trajectoire, sa vision et son univers. J’ai aussi suivi le collectif Canada, le duo Fleur & Manu, notamment leurs vidéos pour M83 ou Gesaffelstein, ça a vraiment marqué mon adolescence et mes envies de réalisation.”
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Avec ses vidéos, Jérémie veut toucher l’humain, casser les frontières à travers l’imaginaire, emmener le public vers un univers très immersif. “Pour moi, l’exemple parfait c’est ‘This is America’ de Childish Gambino, il y a tout dedans : un message fort, un hommage à la culture afro-américaine et en même temps un divertissement de chaque instant. Tout est réuni.”
“C’est ce que j’ai essayé de proposer dans ‘Immortel’ avec Gims, à mon humble niveau pour le moment. Je voulais rendre hommage à cinq profils différents, cinq victimes d’injustice, et laisser de la place pour dénoncer, éduquer et apprendre dans une même vidéo, poursuit Jérémie. Je suis content car je pense que le public a saisi le message”.
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Pour le jeune réalisateur, l’ambition du projet est plus importante que la notoriété de l’artiste dans ses choix. En tant qu’autodidacte passionné, il veut transmettre des valeurs, perpétuer la confiance en soi et aller de plus en plus vers des formats longs. C’est ce qu’il a appris en travaillant avec Bigflo & Oli sur leur documentaire Presque trop, qui aborde une large partie de la vie du duo sur les dernières années, entre tournées sans fin, stades immenses et remises en question.
“Florian et Olivio, c’est deux humains à qui je dois énormément, ils m’ont appris beaucoup et on a vraiment fait un voyage artistique ensemble. Quelque part, j’ai grandi professionnellement avec eux. Bien sûr, ils étaient déjà très haut quand je les ai rencontrés, mais on a vraiment franchi des étapes ensemble.”
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Jérémie Levypon décrit alors l’évolution de leur collaboration. “J’ai commencé en faisant leur vlog et en documentant leurs concerts quand j’avais 16 ans. Je développais leurs vidéos sur YouTube et au final, ils ont vu en moi ce que peu de gens auraient vu je pense. Ils m’ont laissé faire, m’ont placé sur des projets de plus en plus gros jusqu’à ce documentaire de 1 h 40. Un vrai défi et ils ont cru en moi.”
Ce documentaire, c’est 450 heures de rushs, plus d’un an et demi de travail. “On voulait en faire le Frankenstein du docu français. Pas d’interviews face caméra ; que des moments de vie filmés en équipe réduite, le plus proche de la réalité, de l’authenticité.” Souvent Jérémie se fait tellement petit qu’il se fond dans le décor, Bigflo & Oli oublient totalement la caméra et c’est là que se trouvent les moments les plus touchants, les plus réels, bons ou mauvais.
“Il y a eu deux moments clés pour moi. Les deux concerts au Stade à Toulouse déjà. On est restés un mois et demi là-bas, en immersion, c’était un accomplissement pour une équipe qui travaillait ensemble depuis deux ans. Grand moment d’émotion, je ressens vraiment le truc derrière ma caméra comme un passage historique.”
Jérémie se souvient ensuite d’une autre date : “Celle où on sent la fin de la tournée et où se pose la question du futur. On ne sait jamais comment ça peut évoluer, l’artistique ça va tellement vite. Je sentais que j’avais vécu une expérience collective incroyable et que c’était peut-être la fin. Comme Andy dans Toy Story 3 quand il donne son coffre à jouets à un autre enfant. C’est un peu bête dit comme ça, mais c’était vraiment une sensation hyper forte qu’on a essayé de retranscrire dans le documentaire.”
Quand on lui demande si son jeune âge a pu être un frein parfois, Jérémie Levypon garde la tête sur les épaules. “Rien n’est jamais sûr à 100 % , il y a du positif dans le négatif. Au début, j’ai pris des énormes refus des grosses boîtes de production mais, inversement, certains ont voulu me donner des coups de main plus facilement parce que j’étais plus jeune. C’est le cas de Dissidence production qui m’a vraiment fait confiance sur des énormes projets comme les clips de Rilès. C’est vraiment à double tranchant mais je pense que le travail et la détermination peuvent totalement occulter l’âge.”
Quand on parle de sa génération avec le jeune réalisateur, il décrit des autodidactes de tous les horizons qui cassent les codes. Plus besoin d’écoles, de médailles ou de diplômes. “Quand on pense que Luc Besson, à 20 ans, personne ne lui ouvrait aucune porte. En 2020, il y a quand même énormément plus d’opportunités pour les jeunes.”
Pour Jérémie, l’âge n’est plus un désavantage. Certains sont encore réticents à offrir des vraies possibilités aux jeunes dans les milieux créatifs mais c’est de plus en plus rare. “Je veux continuer à transmettre des valeurs qui me sont chères. Ça paraît basique comme ça, mais nous sommes tous égaux et tout le monde doit avoir sa chance. J’essaie d’aider à ça, à mon humble niveau, et je trouve que ma génération en général se sert de son influence pour réduire ses écarts, notamment la place des femmes et des minorités.”
Quand on demande à Jérémie Levypon un conseil pour les jeunes vidéastes comme lui, il nous répond avec une phrase d’Orelsan dans “Notes pour trop tard” : “Si tu veux faire des films, t’as juste besoin d’un truc qui filme. “
Et il complète : “Jeunes vidéastes, foncez, envoyez des mails, filmez tout ce que vous pouvez. J’ai commencé en filmant des concerts en boîte de nuit, j’y ai rencontré Petit Biscuit dont j’étais fan. J’ai tout fait pour le filmer, j’ai pas lâché et j’ai fini par l’accompagner en tournée. Et sur la tournée, j’ai rencontré Bigflo & Oli. Pareil, je les ai filmés, j’ai proposé, travaillé. Et au final, j’ai fait un documentaire.”
“Donc surtout ne lâchez rien, conclut Jérémie. Je ne pense vraiment pas que je suis celui qui a le plus de talent mais je pourrais toujours faire la différence sur la motivation, le travail. Il faut connaître ses forces et les utiliser au mieux. Donc foncez et ne lâchez rien !”