Dans son spectacle Nanette sur Netflix, l’humoriste Hannah Gadsby déconstruit la figure de Picasso, ce symbole de domination masculine qu’elle “déteste”. Au Brooklyn Museum à New York, l’exposition sur le maître du cubisme porte sa patte mais se veut plus nuancée et rend justice aux femmes qui n’ont pas connu la gloire de l’artiste espagnol.
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“It’s Pablo-matic: Picasso selon Hannah Gadsby” (qui court jusqu’à septembre 2023) est l’une des expositions attendues dans le cadre des nombreuses célébrations, sous l’égide de la France et de l’Espagne, des 50 ans de la mort du peintre des Demoiselles d’Avignon (1907) et de Guernica (1937).
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Pablo Picasso (1881-1973) reste l’un des artistes les plus influents de l’art moderne, volontiers qualifié de “génie”. Mais dans la foulée du mouvement #MeToo, la figure de ce “génie” est remise en question par les accusations d’emprise et de violence qu’il pouvait exercer sur les femmes qui ont partagé sa vie et inspiraient son œuvre.
Séparer l’homme de l’artiste ? L’humoriste australienne Hannah Gadsby s’y refuse dans les commentaires écrits et audio qui accompagnent les œuvres exposées au musée de Brooklyn, dénichant dans les peintures ou dessins des symboles de misogynie ou pointant ce pénis au milieu de la toile Le Sculpteur (1931), preuve selon elle que Picasso “ne pouvait pas lui-même se détacher de son art dans ses œuvres”.
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“Admiration et colère”
Catherine Morris, commissaire du Centre pour l’art féministe du musée et co-commissaire de “Pablo-matic”, propose une lecture plus mesurée. “Vous êtes face à la situation vraiment complexe et nuancée d’un artiste qui est indiscutablement un génie, mais aussi un être humain tout sauf parfait”, a-t-elle expliqué à l’AFP lors d’une présentation à la presse.
“L’admiration et la colère peuvent coexister”, prévient aussi le préambule de l’exposition organisée en coopération avec le musée national Picasso de Paris et qui veut revisiter son œuvre sous un regard féministe. Picasso au milieu des femmes, donc, mais pas celles qu’il a représentées dans ses toiles, plutôt des artistes de son époque. Elles “n’ont pas eu le même soutien ou accès aux structures institutionnelles qui ont favorisé le ‘génie’ de Picasso”, souligne Lisa Small, conservatrice principale pour l’art européen au Brooklyn Museum.
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Le public peut s’arrêter sur des dessins de nus des années 1930 de Louise Nevelson (1899-1988), “tout à fait révolutionnaires à l’époque parce qu’il est alors très difficile pour les femmes d’être admises dans les cours de dessin”, explique Catherine Morris, ou sur Käthe Kollwitz (1867-1945), figure de l’expressionnisme allemand “incroyablement talentueuse, tant sur le plan technique que sur le plan émotionnel”, ajoute Lisa Small.
Sont aussi exposées les figures du mouvement d’art féministe états-unien dont le Brooklyn Museum est à la pointe, comme l’Africaine-Américaine Faith Ringgold ou les Guerrilla Girls. Ce mouvement, incarné par l’essai fondateur Pourquoi n’y a-t-il pas eu de grands artistes femmes ? (1971) de l’historienne de l’art états-unienne Linda Nochlin, avait pris son essor dans les années 1970, durant la décennie qui a vu Picasso disparaître.
Cinquante ans après sa mort, “il y a des œuvres de Picasso incroyables dans cette exposition que j’aime toujours”, souligne Catherine Morris. “Mon regret, c’est que Picasso a été en grande partie le seul artiste moderne qu’on m’a enseigné. Il y a une histoire beaucoup plus riche à explorer dont il peut faire partie”, ajoute-t-elle.
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