Tkay Maidza : “Un album, c’est comme un marathon : il faut se préparer à avancer doucement”

Publié le par Naomi Clément,

A voir aussi sur Konbini

Après un EP remarqué, une nomination aux BET Awards et un single avec Killer Mike, Tkay Maidza dévoile aujourd’hui son premier album, sobrement intitulé Tkay. Un disque plein de promesses, grâce auquel l’avenir du rap australien semble plus que jamais assuré. Rencontre.

Publicité

Beaucoup de choses se sont passées depuis notre dernière rencontre avec Tkay Maidza, fin 2015. À l’époque, la jeune Australienne, remarquée en 2014 grâce au titre “Switch Lanes”, venait tout juste de délivrer son tout premier EP et de signer avec le label français Kitsuné. Deux ans plus tard, elle cumule les trophées.

Publicité

Du haut de ses 20 ans, cette rappeuse et chanteuse originaire d’Adélaïde s’est déjà produite sur les scènes de festivals d’envergure comme Splendour in the Grass, et a assuré les premières parties de Charli XCX, Mark Ronson ou Years & Years. Elle a aussi envoûté le producteur Martin Solveig, qui l’a conviée sur son tubesque “Do It Right”, avant d’être nominée pour le “Best International Act” des fameux BET Awards. À présent, elle dévoile son premier album, TKAY : un disque pop et joyeux, à l’énergie contagieuse, sur lequel on retrouve notamment le légendaire Killer Mike – qui l’a récemment élue comme “la plus grande étoile montante” d’Australie.

Malgré cette précoce ascension, Tkay Maidza semble rester la même : une jeune fille aux yeux pétillants, qui s’ébahit devant un rien, et dont le rire, timide mais éclatant, se communique aussi aisément que sa musique nous fait danser. Tkay Maidza est une âme d’enfant à la volonté de fer, une adulte ambitieuse à l’apparence de poupée. Entre une barbe à papa et un tour de manège, l’artiste est revenue sur le voyage qui l’a conduite à ce premier opus, son admiration pour Rihanna et ses rêves colorés.

Publicité

Konbini | La dernière fois que l’on s’est vues, tu m’as expliqué que ce n’était pas si simple d’être une rappeuse en Australie, parce que les gens y écoutent davantage d’électro. As-tu réussi à trouver ta place ?

Tkay Maidza | Je crois que j’ai ma place là-bas, clairement. Mais pour le moment, je suis encore en train de travailler pour sortir de l’ombre, pour essayer de passer sur davantage de radios. Il y a toujours ce passage un peu galère entre le moment où tu commences à te faire connaître, et celui où tu exploses pour de vrai. À certains moments, tu te sens prête pour passer la seconde, et à d’autres, tu te rends compte que cette étape supérieure est plus compliquée à atteindre que prévu, et qu’il faut prendre son temps au lieu de brûler les étapes (et de toute foirer).

Publicité

Ce “passage un peu galère” t’a quand même permis d’être nommée aux BET Awards, ce n’est pas rien ! Comment as-tu réagi en apprenant la nouvelle ?

J’ai d’abord cru que c’était une blague. Je l’ai appris sur Instagram, via une photo qui disait : “Et les nommés sont…” avec mon nom dessus. J’ai annoncé la nouvelle sur mes réseaux sociaux, tous mes amis sont devenus fous, plusieurs médias australiens ont commencé à en parler… c’est là que je me suis rendu compte que c’était assez important.

J’ai pris mes tickets pour Los Angeles, où l’évènement avait lieu. Et puis j’ai vu Beyoncé, Kendrick Lamar, Stevie Wonder, Janelle Monáe… bref, énormément de gens dont j’ai écouté la musique en grandissant. Et ils étaient tous tellement parfaits ! Ils étaient étincelants. Ils étaient comme sur les photos qu’on voit finalement – ce qui est assez flippant en vérité [rires].

Publicité

“Rihanna est une anti-Beyoncé”

Ça m’a un peu fait le même effet en voyant Beyoncé en septembre dernier à Paris, pour sa tournée Formation : elle rayonnait. Et puis elle a fait un concert incroyable.

J’imagine ! Souvent, quand tu regardes un concert à la télé, tu as l’impression de l’avoir vécu ; mais ça n’a tellement rien à voir avec le live ! D’ailleurs, j’aimerais savoir comment Beyoncé fait pour connaître autant de pas de danse [rires]

Publicité

En revanche, j’ai été un peu déçue par le concert de Rihanna, qui s’est tenu une semaine plus tard… on aurait vraiment dit qu’elle avait la flemme d’être là.

Oui, je l’ai vue aussi en live, je suis complètement d’accord. Mais c’est aussi ce que j’aime chez elle : elle n’en a rien à foutre ! Mais tu sais quand même qu’elle est bourrée de talent, sa voix est tellement pure… En fait, tout à son sujet est parfait, sauf son comportement, son attitude. Et c’est l’image qu’elle vend, et c’est ce qui fait que les gens l’aiment je pense. Rihanna est une anti-Beyoncé. 

“L’album aborde cette idée de se trouver en tant que personne”

Parlons plus en détails de Tkay. Y a-t-il un message particulier que tu as cherché à affirmer avec ce premier album ?

À mes yeux, cet album me permet de me présenter, de montrer ce que je suis capable de faire. Avec lui, les gens vont découvrir que je sais aussi bien faire de la pop que du rap.

Mais Tkay parle surtout du fait de se trouver en tant que personne, de ne pas avoir peur d’être seul ou perdu avant de parvenir à trouver sa propre identité. Il raconte une histoire qui se passe au lycée, un endroit dans lequel un jour tu dois te pointer, mais dans lequel tu ne connais personne. Un jour, tu te fais des amis, le lendemain tu en perds, parce que tu te rends compte que ça ne colle plus… mais tu t’en fous, c’est la vie. Donc ouais, l’album aborde cette idée de se trouver en tant que personne, de réaliser ce qui est juste, ce qui est important.

Est-ce que cet album, et tout le chemin que tu as dû parcourir pour le réaliser, t’a permis d’en savoir plus sur toi-même ?

Oui. Garder le cap sur un projet d’une telle ampleur est assez compliqué, parce que tu es entouré d’une horde de gens certes bienveillants, mais qui ont tous des avis différents, donc tu peux facilement remettre tes idées en question… Du coup, j’écrivais des tas de choses sur mon iPhone, en permanence, ce qui m’a permis de rester fidèle à mon idée originale, de rester sur mes positions, de m’affirmer face aux autres.

As-tu rencontré d’autres obstacles en composant cet album ?

“Il est possible que je collabore avec Nekfeu”

Comment es-tu parvenue à enrôler Killer Mike dans cette aventure ?

Il a beaucoup tourné en Australie, donc on a fait quelques festivals ensemble, et il a même fini par parler de moi à l’université. Il a dit que les gens feraient mieux de se concentrer sur ce qu’il y avait de positif en Australie, qu’ils feraient mieux d’écouter ma musique plutôt que de critiquer Iggy Azalea… Ça m’a touchée. Je l’ai beaucoup remercié pour ça, et il m’a dit de ne pas hésiter à le solliciter si j’avais besoin de quoi que ce soit.

Alors, quelque temps plus tard, je lui ai dit que je voulais faire un son avec lui et il a tout simplement dit oui ! Il est tout de suite revenu en Australie et… c’était parfait. 

Y a-t-il d’autres artistes avec lesquels tu aimerais collaborer ?

J’adorerais collaborer avec Skepta ou The Novelist. J’adore la grime. J’ai découvert un son de Bugsy l’autre jour, que je n’avais jamais écouté jusque-là, et j’ai passé la journée à écouter de la grime… c’est vraiment cool. J’ai aussi découvert un rappeur français au Printemps de Bourges l’année dernière : Nekfeu ! Il était très professionnel sur scène, d’ailleurs il est possible que je collabore avec lui prochainement… 

Et puis il y a bien sûr Kanye, même s’il semble un peu avoir perdu la tête depuis qu’il est avec les Kardashian [à l’époque de notre rencontre avec Tkay Maidza, Kanye venait d’être hospitalisé en psychiatrie, ndlr]. Il a été énormément critiqué pour la simple raison qu’il est associé à cette famille. Et je pense que ça l’a beaucoup affecté. Il a l’air d’être très sensible.

Et toi, quel est ton rapport à la célébrité ? C’est quelque chose qui a tendance à te stimuler ou au contraire à te faire flipper ?

Je ne sais pas… Je crois que je suis une personne assez pudique. Comme Kanye l’était avant d’être avec Kim : il était tout aussi connu, il se baladait tout autant dans la rue, mais on ne voyait pas autant de photos de lui dans les aéroports ou ailleurs, comme aujourd’hui. Les gens ne l’embêtaient pas autant.

En plus, souvent, les fans pensent que tu leur appartiens, ils attendent énormément de toi. Ils pensent avoir le droit de dire tout et n’importe quoi, de te donner des ordres : “Prends une photo avec moi !” Et ça peut être assez perturbant… C’est cool, bien sûr, parce que ça veut dire que tu as réussi ; mais ça peut aussi faire peur, parfois. C’est pour ça que je n’ai pas trop tendance à étaler ma vie privée sur les réseaux sociaux. Je suis discrète, et je compte le rester.

Et cette barbe à papa, elle était comment ?

Géniale [rires] !

Toutes les photos de cet article ont été prises par Benjamin Marius Petit pour Konbini. 
Tkay Maidza est habillée en Kistuné.

Elle sera en concert au Badaboum, à Paris, le 2 février à 19 h 30, dans le cadre du Stylist Club (gratuit sur inscription). L’album Tkay est disponible depuis le 20 janvier via Kitsuné, sur iTunes et Spotify.