Dix ans après ses premiers pas en tant que beatmaker, Myth Syzer partage aujourd’hui son premier album, le langoureux Bisous. Un disque au casting XXL, pour lequel il s’offre une double casquette : celle de producteur bien sûr, mais aussi de chanteur. Rencontre avec un jeune homme en pleine renaissance.
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À sa sortie en juillet 2017, “Le Code” fait l’effet d’une petite bombe dans le paysage du rap français. Cette ballade sensuelle, dont le clip rappelle à certains égards l’univers mélancolique de la Canadienne Petra Collins, est interprétée par un quatuor des plus surprenants, formé par Ichon, Bonnie Banane, Muddy Monk… et Myth Syzer. Un choix surprenant de la part de celui dont le talent avait jusqu’alors surtout permis de valoriser la voix d’autrui, des rappeurs surtout, à l’instar de Joke, Damso ou plus récemment 13 Block.
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En plus d’amplifier la moiteur de l’été, “Le Code” marque donc une rupture dans la carrière du beatmaker. Pour la première fois depuis ses débuts en 2007, Thomas (de son prénom) se met à nu en dévoilant un autre visage, davantage romantique et vulnérable, loin du percutant Cerebral, l’un de ses plus récents projets. Mieux : il décide de nous offrir les clés de son cœur. De s’y installer confortablement. Ce changement d’état constitue la ligne directrice de Bisous, le premier album de Myth Syzer paru ce 27 avril, et dont “Le Code” est issu. “Ce disque est né d’une séparation amoureuse ; j’avais besoin d’extérioriser mes sentiments en chantant”, nous confiera-t-il.
C’est en prenant le micro, donc, que le jeune homme, aujourd’hui âgé de 28 ans, nous conte aujourd’hui ses tourments amoureux. Il ne le fait pas seul, cependant : les treize titres qui composent ce premier long format sont étayés par de nombreux collaborateurs francophones, parmi lesquels Ichon, Roméo Elvis ou Hamza, mais aussi Clara Luciani, Bonnie Banane et Doc Gynéco. L’inattendu Bisous, dont les chansons s’entremêlent parfois, s’est ainsi donné pour mission de mettre en lumière la langue de Molière, et, plus que jamais, de faire se rejoindre les mondes du rap et de la variété. Une démarche réussie, que Myth Syzer nous raconte.
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“Je n’avais pas envie de faire un énième album de rap”
Tu as commencé à sortir tes premiers projets il y a dix ans, mais ton premier album, Bisous, ne sort qu’aujourd’hui. Pourquoi avoir attendu tout ce temps ?
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C’est la rencontre avec mon manager qui a tout déclenché, car c’est lui qui m’a donné envie de chanter. C’est lui qui m’a dit : “Tu trouves des toplines et des mélodies de refrain hyper facilement, il faut absolument que tu t’y mettes. Pas pour les gens, mais pour toi, en tant qu’artiste.” De mon côté, je n’avais pas envie de faire un énième album de rap, un disque instrumental avec des rappeurs… je sais que je ne me serais pas senti accompli en faisant ça. Produire et chanter en même temps, ça m’a permis de me renouveler, et d’avoir ce sentiment d’accomplissement. J’ai commencé un nouveau chapitre.
Il y a un vrai renouveau de la chanson en français ces derniers temps, avec des artistes comme Angèle, Eddy de Pretto, Juliette Armanet… Est-ce que ça aussi, ça t’a encouragé à prendre le micro ?
Non, parce que je ne les connaissais pas du tout au moment où j’ai composé Bisous, à l’été 2017. Angèle n’avait pas encore explosé par exemple au moment où j’ai sorti “Le Code”. Non, celui qui a vraiment joué un rôle, au-delà de mon manager, c’est Muddy Monk, car il m’a fait découvrir des artistes de variété française que je ne connaissais absolument pas, comme Bernard Lavilliers, Étienne Daho, Alain Souchon, Laurent Voulzy… “La Ballade de Jim”, c’était complètement inconnu pour moi avant ça ! Et c’est trop cool de découvrir qu’il y a des trucs chanmé qui ont existé, mais en même temps je me suis rendu compte qu’il n’y avait plus tout ça pour nous aujourd’hui, pour cette génération très hip-hop.
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Toi qui as toujours écouté du rap américain, tu n’as à aucun moment pensé à chanter en anglais ?
Je ne me suis pas vraiment posé la question. Je me suis dit : “Ok, c’est notre langue, on y va.” Et puis, c’était plus simple pour moi de mettre des mots sur mes émotions aussi, forcément. Je trouve qu’il y a quelque chose d’intéressant à faire avec la langue française pour rapprocher les gens du rap et de la variété. Comme ce que font Mondy Monk et Hamza, que je respecte énormément et qui m’inspirent beaucoup. Ce sont des gens qui ont réussi à me faire kiffer une musique très éloignée de ce que j’écoutais depuis des années (le rap, principalement).
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“Je me sens un peu comme un extraterrestre, face à une rupture”
Quand on écoute Bisous, on ressent une grosse dose de mélancolie, mais aussi d’espoir et de sensualité. L’amour s’expose clairement comme le fil conducteur de ton album. Dans quel état d’esprit étais-tu tout au long de sa conception ?
J’ai commencé à faire cet album après m’être séparé avec ma meuf (enfin de mon ex, du coup). Je voulais faire un truc qui la touche musicalement. J’avais une mélodie qui me trottait dans la tête, celle du “Code”, j’ai fait un yaourt, et j’ai commencé à poser le truc [il chantonne : “nananana”, ndlr]. Et puis petit à petit, j’ai remplacé le charabia par des mots, tout en pensant à un sujet bien réel, à savoir le changement de code de son immeuble… et c’est comme ça que tout a commencé.
J’étais dans un état d’esprit où je voulais parler d’assumer ses faiblesses au sein d’un couple. Assumer qu’en fait, je peux être con. En faisant cet album, finalement, j’ai extériorisé ma peine, mais d’une manière positive, pour éviter de le faire de façon agressive ou dark, comme sur les intrus que j’ai pu faire par le passé, qui étaient beaucoup plus sombres. Je voulais juste dire les choses comme je les sentais : avec beaucoup de peine, mais un peu d’optimisme aussi au niveau des instru. Et puis, je voulais que ça la touche elle aussi, évidemment.
Elle l’a écouté, du coup ?
Bah bien sûr [il sourit, ndlr] ! Et elle aime bien ! Il n’y a plus rien entre nous, mais c’est vraiment trop cool, parce qu’on s’entend bien. L’idée de cet album, c’était qu’elle comprenne. Je me sens un peu comme un extraterrestre, face à une rupture. J’ai l’impression que les gens “normaux” se disent au revoir et se reconstruisent ; moi, ça ne me suffit pas. Je ne peux pas passer à autre chose si je ne fais rien derrière, créativement parlant. Faire Bisous, c’était ma manière de tourner la page.
J’imagine que tu t’es senti vulnérable en créant cet album. Est-ce que tu as eu peur de te dévoiler, toi qui jusqu’ici étais resté caché derrière tes prod’ ?
Bien sûr, un peu. Déjà parce que je parle de mes sentiments, mais aussi parce que les gens qui m’ont suivi jusque-là, ce sont principalement des gens qui écoutent du rap, de la trap, des instru vénères… Ce sont des mecs aussi, en majorité. Et le fait que je débarque avec un projet chanté, romantique… c’était risqué ! Je me suis dit : “Bon, soit c’est de la méga merde, soit c’est bien. Ça passe ou ça casse.” Mais je crois que c’est passé, en vrai. En tout cas, je n’ai pas eu trop de hate jusqu’ici. La plupart des gens qui me suivaient avant me suivent encore à ce jour, donc je me dis qu’ils ont kiffé la démarche.
“J’ai déjà un autre projet de terminé”
Jusqu’à aujourd’hui, on te connaissait surtout pour tes collaborations avec des rappeurs comme Loveni ou Ichon, qu’on retrouve d’ailleurs sur Bisous. Mais tu t’allies ici avec des chanteurs comme Aja, Lolo Zouaï, Oklou, Clara Cappagli ou Doc Gynéco. Qu’est-ce qui t’a poussé à t’éloigner de la sphère rap ?
Parce que j’aime ce que font ces artistes, tout simplement. Et puis, à chaque fois que je faisais une instru, je pensais à un featuring, parce que je ne me sentais pas encore capable de faire des couplets bien écrits – ça viendra le jour où j’estimerai avoir enfin une belle plume. Je faisais les toplines et les refrains, et je pensais direct à quelqu’un dans ma tête. Je voulais absolument qu’il y ait des filles, aussi. Pour avoir leur avis, connaître leur point de vue. J’avais envie qu’elles se livrent, elles aussi, qu’elles me racontent leurs histoires.
Tu parlais à l’instant de travailler ta plume. J’imagine donc que tu comptes chanter davantage dans le futur ?
Ouais, complètement. Je ne sais pas combien de temps ça prendra, parce que je veux que les choses continuent d’arriver de façon naturelle, en lisant plein de bouquins, ou en matant plein de films… mais pour ne rien te cacher, j’ai déjà un autre projet de terminé. Tu vois “Ouais bébé”, la dernière chanson de l’album ? Ben ce projet sera davantage dans ce délire-là, moins “mignon”, en quelque sorte. Je ne sais pas encore la forme que ça prendra, mais tout ce que je peux te dire, c’est qu’il y a déjà beaucoup de tracks…
Pour en revenir à tes collaborations : Doc Gynéco fait un peu figure solitaire, tant sur le plan générationnel qu’artistique, au milieu de noms comme Hamza, Ichon ou Bonnie Banane. Pourquoi avoir décidé de l’enrôler ?
Parce que je suis méga fan ! Première consultation est un vrai classique pour moi. Un de mes amis s’occupait de lui au moment où je faisais l’album, il m’a mis en contact et… il a tout de suite accepté ! Il connaissait déjà ma musique. Quand on s’est rencontrés, il m’a dit : “Alors vas-y, explique-moi, c’est quoi ce projet ?” [rires]. Et je lui ai fait : “Le projet, c’est qu’on est des gars, et qu’aujourd’hui, on parle trop mal des meufs. On fait les beaux, mais en fait on est des grosses merdes, parce que quand elles sont plus là, on se chie dessus. Donc maintenant, faut qu’on assume.” [rires] Il a kiffé l’univers, il est venu en studio, et c’est comme ça que le morceau “La Piscine” est né.
Pour moi, Doc Gynéco a vraiment apporté son tampon à l’album. Un peu comme sur Twitter quand t’es vérifié, tu vois ? Bah là, Bisous, il est vérifié par Doc Gynéco ! Et quand j’y pense, finalement, je crois que mon album essaie quelque part de s’inscrire dans la même lignée que Première consultation. Ce serait mon rêve que ça devienne un classique aussi fort ! Mais bon, je ne sais pas ce que ça va donner… c’est un vrai parti pris d’arriver avec un album comme ça. Ceci dit, pour lui aussi, ça a été un parti pris…
“Il faut qu’on donne à notre génération ce bagage-là, celui de la variété française”
Mis à part Doc Gynéco, qui sont les artistes qui t’ont bercé quand t’étais gosse ?
Il y a eu beaucoup, beaucoup de MC Solaar, de NTM, d’Alliance Ethnik… Du Michael Jackson aussi, quand j’étais très petit. Mais tu sais j’écoutais même des boys bands, comme les 2Be3 et tout hein [rires] ! Des trucs comme Offspring aussi, ou Era, tu te souviens de ce groupe ? Ils faisaient de la musique classique horrible, en mode bande-son des Visiteurs quoi ! Et plus tard, je suis parti explorer d’autres horizons, encouragé par l’arrivée d’Eminem, de Dr. Dre, qui m’a foutu une claque dans la gueule, et de Puff Daddy aussi, dont l’univers a inspiré le clip de “Sans toi” avec Hamza d’ailleurs…
Finalement, tu écoutais beaucoup d’artistes qui chantaient en français. Cet album, est-ce que ce n’est pas un retour aux sources pour toi, finalement ?
Peut-être, ouais… c’est vrai c’est un bagage que j’ai au fond de moi depuis longtemps. Mais si ça l’est, c’est de façon totalement inconsciente. Ce qui m’a principalement motivé à faire cet album, c’est ma rupture amoureuse, et le fait de vouloir faire des sons positifs. Mais forcément, sûrement, tout ce que j’ai écouté par le passé m’a inspiré !
On a souvent reproché aux rappeurs et beatmakers français de s’inspirer d’un peu trop près des US, ce que tu as toi-même fait un temps. As-tu l’impression d’avoir créé une rupture avec Bisous ?
Oui, complètement. Ma démarche, c’était celle de faire un projet français, donc déjà, forcément, les US, je n’y pensais même plus ! Je n’écoutais quasiment que de la variété française, j’étais dans un putain de délire ! Je crois qu’il faut qu’on donne à notre génération ce bagage-là, celui de la variété française. On ne peut pas passer à côté d’une chose aussi belle, musicalement parlant.
Avec cet album, j’ai envie d’unir les gens du rap et ceux de la variété française. Je cite souvent l’exemple de Kaytranada, qui a vraiment réussi à faire s’unir deux univers complètement éloignés à la base, la house et le rap. Moi, aujourd’hui, j’ai envie de réunir les gens du peu-ra avec ceux de la variété. Créer une espèce de nouveau genre. Et j’ai l’espoir que ça fonctionne.
Bisous, le premier album de Myth Syzer, est disponible depuis le 27 avril.