Quelques jours avant la sortie française de The Neon Demon, le nouveau Nicolas Winding Refn, on a eu l’occasion de rencontrer sa jeune actrice principale. Elle nous a expliqué ce qui lui a plu dans le film.
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À tout juste 18 ans, Elle Fanning a déjà une impressionnante carrière derrière elle : la jeune actrice américaine est apparue pour la première fois à l’écran quand elle avait à peine 2 ans, et elle a joué dans plus d’une vingtaine de longs métrages depuis. Entre 2006 et 2011, c’était la petite fille de prédilection d’une partie de Hollywood, ce qui l’a amenée à travailler avec de très grands noms du cinéma américain.
On pu ainsi la voir dans Babel d’Alejandro Gonzales Iñárritu (2006) ou dans le Benjamin Button de David Fincher (2009), mais c’est en 2011, avec Somewhere de Sofia Coppola et Super 8 de J. J. Abrams – deux films pour lesquels elle a signé des prestations fort marquantes – que sa carrière décolle pour de bon.
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Après avoir joué la Belle aux bois dormant dans Maléfique en 2014, la voici aujourd’hui dans le rôle principal de The Neon Demon, ce qui tranche assez nettement avec sa filmographie précédente. Succédant à Ryan Gosling comme tête d’affiche devant la caméra de Nicolas Winding Refn (Drive), Elle Fanning nous a raconté comment elle a vécu le projet.
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Konbini | Qui est Elle Fanning en 2016 ? Comment te présenterais-tu à nos lecteurs ?
Elle Fanning | Eh bien… Je viens d’avoir 18 ans et je dois bien admettre que je traverse une période assez dingue. Je viens de passer la meilleure, ou l’une des meilleures années de ma vie. J’ai pu aller à Cannes pour la première fois, et je termine le lycée dans une semaine. Donc… Elle Fanning est un peu surexcitée en ce moment !
Quelles ont été tes premières impressions quand tu as découvert le script de The Neon Demon ?
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Honnêtement, quand j’ai vu comment le film se terminait, j’étais choquée comme tout le monde ; il a fallu que je relise la fin plusieurs fois pour être sûre de ce que j’avais vu. Et j’ai su immédiatement que je voulais vraiment, vraiment être dans ce film. Parce que c’était tellement… différent. J’ai senti qu’avec ce film, avec ce rôle, je pourrais montrer une partie de moi que les gens ne connaissaient pas. Ce n’était pas la seule raison pour laquelle j’avais très envie de jouer dans le film : déjà, c’était dans le monde de la mode, et j’ai toujours aimé la mode [rires].
Et, bien sûr, je voulais vraiment travailler avec Nick [Nicolas Winding Refn, ndlr]. J’étais déjà une grande fan de ce qu’il faisait. Alors faire ce film, avec son premier personnage principal féminin… Je me suis dit que ce serait vraiment quelque chose de spécial. Je voulais explorer avec lui cette obsession que les gens ont pour la beauté, le scénario avait quelque chose de très sophistiqué et j’étais donc très motivée pour faire le film.
Tu avais vu beaucoup de films de Nicolas Winding Refn avant de tourner avec lui ?
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J’avais vu Drive avant de le rencontrer. J’avais même beaucoup vu Drive, j’avais adoré le film. Puis j’ai appris qu’il faisait un film sur la mode, avec des femmes, et il a demandé à me rencontrer. Il m’a invitée chez lui, à Los Angeles, pour me parler du scénario, de l’ambiance, du fait qu’il y aurait des vêtements de princesse dans le film… Ses deux petites filles étaient là, avec sa femme, et c’était marrant de se rendre compte que le roi de la violence et du sang, la champion de la masculinité au cinéma, c’est juste un papa constamment entouré par des femmes.
“La beauté possède une double nature : elle peut être séduisante et dure à la fois”
Tu n’as jamais été effrayée par l’aspect cru et provocateur du film ?
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Non, je n’ai pas été effrayée par le script… J’ai pris le monde qu’il dépeint comme une version exagérée de la réalité. Il met les gens mal à l’aise parce la beauté est un sujet extrêmement tabou. C’est précisément la raison pour laquelle le film en fait un thème horrifique. Le côté terrifiant de la beauté fait que les gens ne sont pas censés répondre à la question “est-ce que tu te trouves belle ?”.
C’est une question gênante. Tu ne sais pas trop quoi répondre à ça, la société te dit que ce n’est pas bien de se trouver beau. La beauté possède une double nature : elle peut être séduisante et dure à la fois. Le côté violent de la beauté, que présente le film, c’est quelque chose de très vrai. Le monde réel fonctionne comme ça, et The Neon Demon n’en présente qu’une simple exagération, comme un sombre conte de fées.
Le film ne dépeint-il pas une réalité ? Cette obsession pour la beauté ne reflète-t-elle pas des tendances que l’on peut réellement constater à Hollywood, dans le monde de la mode, de la musique ?
Le film en parle, mais ce n’est pas une critique en règle de ces univers. Je pense qu’il essaie de s’insérer dans une thématique plus large ; il ne s’agit pas de déclarer ce qui est “bien” ou “mal” dans un environnement. D’une certaine manière, le film dit juste : “Voilà comment les choses sont.”
Et cela suffit en un sens, j’imagine. Parce que une industrie qui ne s’intéresse qu’à l’apparence physique des gens, quelle qu’elle soit, il y a des chances que ce soit un monde rude et déprimant. Quand tu te retrouves dans une situation où tu peux être rejeté uniquement parce que ton apparence ne convient pas, c’est pire que tout, ça peut être très difficile à vivre.
As-tu abordé ce tournage différemment de tes précédents films ? Et de quelle manière ?
C’était différent parce que c’était tourné dans l’ordre chronologique [une particularité de Nicolas Winding Refn depuis son premier film, ndlr], et je n’avais jamais fait ça avant. Mais ça m’a aussi beaucoup aidée, vu la manière dont mon personnage se transforme au fil de l’histoire : Jesse évolue petit à petit, lentement, et ça m’a permis de mieux interpréter ce changement progressif.
Et puis, je n’avais jamais eu une collaboration aussi proche avec un réalisateur auparavant. Nick était très ouvert d’esprit, très collaboratif et ouvert aux propositions, et il donnait vraiment l’impression qu’on faisait ce tournage ensemble. C’était intense comme expérience… et ça l’est devenu encore plus quand il a décidé de se débarrasser du script au beau milieu du tournage. Soudainement, plus personne sur le plateau ne savait comment le film allait se terminer. Et lui disait : “C’est justement ça qui est intéressant.” Il avait une approche très instinctive du projet.
[Attention, question entrant plus ou moins dans la catégorie des spoilers] La fin initiale était aussi choquante que celle qui a été choisie finalement ?
Le dénouement était aussi choquant. C’était dans le même ton, le sort des différentes filles était juste présenté différemment. Il a changé ce qui arrivait à chacune d’entre elles.
The Neon Demon est un projet au budget relativement bas [il est estimé à 7 millions de dollars]. Est-ce quelque chose qui se ressent sur le tournage ? Cela a-t-il modifié ta façon de travailler par rapport à des projets comme Maléfique ou Super 8 ?
Cela ne change pas des choses fondamentales : le cœur du travail reste le même, dans tous les cas il s’agit d’interpréter un personnage, d’essayer de le rendre crédible. L’objectif est similaire quel que soit le film, il s’agit toujours de contribuer à raconter une histoire.
La spécificité d’un film à petit budget, c’est que tu n’as pas beaucoup de temps devant toi. Le tournage est plus court, il y a donc des choses que tu dois faire plus rapidement. Il faut comprendre plus vite la scène, penser constamment à la direction que va prendre le film, parce qu’il faut vite terminer les prises.
En contrepartie, il y a une énergie unique sur les plateaux à l’équipe plus modeste. On sent que tout le monde est extrêmement motivé.
Est-ce que tu te souviens de scènes particulièrement difficiles à tourner pour The Neon Demon ?
La scène la plus compliquée à tourner a probablement été le défilé au cœur du film, quand Jesse ressent un changement majeur dans sa personnalité. Vu que Nick ne met pas beaucoup de dialogues dans ses films, il faut tout exprimer avec les expressions faciales, et c’était un vrai défi sur une scène comme celle-ci. Je l’ai envisagée un peu comme un shooting photo, du coup. Il n’y a pas de dialogues non plus dans un shooting photo, logiquement. Tout le challenge consiste à maîtriser son expression corporelle.
“Mon personnage est une fille de 16 ans, et j’avais 16 ans quand on a commencé le tournage, donc on peut dire que j’avais une certaine expertise”
The Neon Demon est tout de même nettement plus bavard que les précédents longs métrages de Nicolas Winding Refn… Est-ce que tu as mis de toi dans le personnage principal ? As-tu eu une influence sur les dialogues ?
J’ai mis un peu de moi dans Jesse, c’est vrai. Nick m’a encouragée à donner mon avis sur les dialogues, à les modifier si je trouvais que c’était nécessaire. Il me demandait comment j’envisageais certaines scènes, comment je dirais certaines choses… Mon personnage est une fille de 16 ans, et j’avais 16 ans quand on a commencé le tournage, donc on peut dire que j’avais une certaine expertise sur la question. Dans le script, il y avait quelques phrases qu’une fille de 16 ans ne dirait jamais ! Donc on changeait un peu les dialogues pour que ça sonne plus vrai. On a même totalement bouleversé certaines scènes comme ça, ensemble.
Est-ce que tu as eu l’impression d’être le nouveau “Ryan Gosling” de Nicolas Winding Refn, à certains moments ?
[Elle rit, embarrassée]. Je ne sais pas quoi répondre ! Il faudrait que vous lui demandiez, je ne crois pas qu’on puisse comparer Ryan à qui que ce soit ! J’adore Ryan, jamais je n’oserais me comparer à lui.
À part son habitude de tourner ses films dans l’ordre chronologique, comment tu décrirais le style de Nicolas Winding Refn par rapport aux autres réalisateurs avec lesquels tu as travaillé ?
Les choix esthétiques qu’il prend sont très forts, c’est comme s’il faisait de la peinture : la couleur de chaque plan est clairement, précisément choisie pour que tout soit beau et que cela ait du sens. Il cherche à donner l’impression que rien n’est planifié, alors que tout est parfaitement calculé. Tout a l’air de s’agencer de manière très complexe dans son esprit. On le voit assembler progressivement les pièces du puzzle, les faire rentrer dans un ensemble global pour créer quelque chose dont le public va se souvenir.
Nick réalise des films qui font réagir les gens, sur lesquels on est obligé d’avoir une opinion. Il a fait The Neon Demon en sachant que des gens allaient l’adorer ou le détester [on a beaucoup aimé mais certains hurleront peut-être au scandale et à l’imposture façon Only God Forgives, ndlr], mais surtout que le film allait créer une discussion, un débat… Pour moi, c’est un film qu’on doit voir plusieurs fois pour être certain de son avis.
À ce propos, qu’as-tu pensé de l’accueil du film au Festival de Cannes ?
J’ai adoré présenter ce film à Cannes ! Je n’étais jamais venue à Cannes avant, alors y aller pour The Neon Demon, avec Nick… Lui y est déjà allé une paire de fois, évidemment, mais pour moi c’était incroyable. Le jour de la présentation du film, j’ai clairement passé une des meilleures soirées de ma vie.
Et je pense qu’on souhaitait vraiment que les gens réagissent comme ils l’ont fait, que le film mette le feu [au Festival]. Le propre de l’art, ce n’est pas d’être bon ou mauvais : c’est de réussir à avoir un impact sur le monde, sur les gens. Donc je pense que la manière dont les gens ont réagi était parfaite.
Après ce film, quels sont tes prochains projets ? Est-ce que tu aimerais de nouveau travailler avec Nicolas Winding Refn ? Tu disais dans de précédentes interviews que tu aimerais un jour raconter tes propres histoires, est-ce que c’est toujours le cas ?
J’adorerais travailler de nouveau avec Nick, cela dépend de lui ! Et c’est vrai, j’aimerais beaucoup réaliser mes propres films d’ici quelques années. Maintenant que j’ai 18 ans, cela me semble possible. Je pense qu’il faut que je fasse une tentative, que je me plante lamentablement [rires], et c’est comme ça que j’apprendrai ! On verra bien.
Propos recueillis avec Louis Lepron.