Nous vous la présentions il y a deux ans. Canine sortait alors son premier single, après nous avoir déjà épatés avec une douce reprise de FKA Twigs. À cette époque, nous ne savions pas si un homme, une femme, un groupe se cachait derrière l’impénétrable mystère à la grâce androgyne. Une interview avec son proche ingé’ son pour ériger son portrait, et nous apprenions qu’une horde d’oiseaux attendaient l’artiste française masquée à sa sortie du studio.
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Nous voulions en savoir plus, en voir plus, après en avoir écouté peu : car avec Canine, chaque note, chaque son, chaque clip dégage une puissance telle qu’il est difficile de ne pas en sortir troublé et conquis. Faites-moi confiance, et assumez votre hypersensibilité.
“Twin Shadow”
Deux ans plus tard et nous voici en 2018. La plupart d’entre vous ne la connaissent toujours pas. Normal, après peu de sorties, un live dans l’église Saint-Eustache à Paris, puis un petit silence, Canine semble enfin lancer sa carrière… et ce, de la plus forte des manières. C’est le moment de plonger complètement dans son univers et se laisser embarquer par “Twin Shadow”, accompagné d’un clip finement réalisé par Justine Bo ; un court-métrage d’une force aussi ensorcelante que le morceau qu’il illustre.
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“J’ai grandi avec le complexe de ne pas être ‘normale’, d’être inadaptée…”
Si l’on sait désormais qu’il s’agit d’une femme, Canine représente une meute, sans âge, ni sexe. Autrice-compositrice-interprète, elle manie sa voix, axe central de sa musique, jusqu’en décupler les genres, mêlant tons masculin et féminin et cassant la barrière qui sépare ombre et lumière pour faire résonner en chœur sa polyphonie incantatoire.
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Deux personnes en une, une ombre double : la musique de Canine invoque une énergie aussi spatiale que bestiale, nous embarquant dans un sombre tunnel au bout duquel une lueur nous appelle. Une voix noire et lumineuse, dont on perçoit l’ambiance mystique mêlée à des compositions organiques qui se font le berceau d’une musique sacro-primitive.
“… Vivre avec moi-même était très compliqué. Mon échappatoire a été d’en faire quelque chose, et Canine est la suite logique de ce combat.”
Pour en savoir un peu plus sur l’artiste et sa musique, on est brièvement parti à la découverte des origines et de l’identité de Canine, à travers une courte interview comme elle n’en donne pas :
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Konbini | Que s’est-il passé entre tes premières morsures il y a 2-3 ans et aujourd’hui ?
Canine | J’ai composé, enregistré et produit les nouveaux morceaux dans une église en Hollande, une usine désaffectée à Paris et mon home studio. Il y a eu beaucoup de solitude dans cette création, puis petit à petit, la meute a grandi. Je suis sortie de ma sauvagerie pour tenter de rencontrer mes semblables. Et ça s’est bien passé.
Un titre fort, un clip, 7 filles, une meute… dont tu fais partie.
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Je trouvais important de faire partie du clip sans en être le centre, je suis une des sept filles mais qu’importe laquelle au fond. J’avais envie de mettre en lumière ce qui me semble le plus important. Pas moi en tant que personne, mais les valeurs que Canine défend : celle de la loyauté notamment. Ce que j’aime dans la meute, c’est l’intensité et le bouillonnement des émotions, parfois violentes. Mais malgré les coups de crocs, nul abandon possible.
Peux-tu m’en dire plus sur le travail effectué avec ce gang de femmes, et la réalisatrice ? #girlpower
J’ai imaginé cette histoire un peu comme si la maison était le personnage principal et ses occupantes des émotions qui créent un tout. J’avais envie de montrer des femmes dans la palette la plus large possible, éloignée des stéréotypes du genre. Je voulais voir des femmes sensibles, violentes, solidaires, belles ou repoussantes parfois. J’ai ensuite parlé avec la réalisatrice Justine Bo de la trame que j’avais en tête, le courant est vite passé et on a foncé.
Comme dans ce clip, tu mets ta singularité de côté au profit de la meute. Entre mysticisme et mystère, tu t’effaces, pour laisser jaillir ta musique : pourquoi avoir une telle approche (musicale, sociétale et visuelle) ?
Effectivement, j’aborde dans le clip un thème qui m’est cher, celui du Lien. Le lien qu’on crée avec l’Animal, celui que l’on crée avec l’Invisible aussi et bien sûr celui qu’on crée aux Autres. Parler de la meute, c’est une façon pour moi de mettre à l’honneur la force du collectif.
Canine est bien sûr un projet musical et visuel, mais c’est aussi le meilleur moyen que j’ai trouvé pour exprimer ce qui me bouleverse. J’ai grandi avec le complexe de ne pas être “normale”, d’être inadaptée. Je ne supportais pas la moindre autorité et vivre avec moi-même était très compliqué. Mon échappatoire a été d’en faire quelque chose.
Canine est la suite logique de ce combat. J’espère que les personnes qui vivent en eux cette lutte pourront se reconnaître.