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“J’ai décidé me pendre moi-même à un arbre car les gens ne comprennent pas vraiment ce que signifie Black Lives Matter tant que ça n’est pas à côté d’eux et totalement réel. Ils n’arrivent pas à se projeter quand ça ne touche pas un proche, une personne qu’ils connaissent… Là avec cette pochette, cette photo, j’ai eu beaucoup de retours, beaucoup de gens qui me connaissaient et qui ont compris ce qu’il se passait vraiment en fait. Je voulais une image choc, en immersion.”
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Adrian Younge nous donne alors plus de détails sur le déroulement : “La session photo a vraiment été très difficile, je me suis senti connecté avec mes ancêtres, leurs peurs et leurs souffrances. J’ai senti l’asphyxie quand j’avais vraiment cette corde autour de mon cou, c’est un sentiment de désarroi total et de désespoir abyssal. Mais c’était vraiment pour moi un mal nécessaire afin de comprendre moi-même puis de faire passer mon message.”
Et il n’y a pas que pour la pochette qu’Adrian Younge a voulu donner de sa personne pour ce projet : “Je compose, dirige et joue tous les instruments sur cet album. Je dirige, réalise et produis aussi les podcasts et les vidéos, je suis même directeur de la photographie. J’ai vraiment besoin de donner toute cette part de moi dans son ensemble pour qu’elle soit comprise et que les gens l’entendent.”
Dans ses recherches et ses inspirations, Adrian Younge cite de nombreuses sources, mais la musique reste sa principale, entre jazz et soul : “Mes influences pour ce disque et cette écriture, c’est vraiment les grandes figures du mouvement comme James Baldwin, Marvin Gaye ou Gil Scott-Heron. Je ne suis jamais autant porté que par la musique qui parle de notre combat pour la liberté. C’est ce qui me touche le plus, même plus que la musique de films que j’étudie beaucoup ou que les chansons d’amour qui sont universelles. La musique engagée qui parle de notre combat, ça reste, personnellement, ce qui me transcende le plus.”
À côté de cet album charnière, Adrian Younge continue de renouveler l’essence du jazz en 2021, avec ses collaborations sur le label Jazz is Dead. Il remet en valeur des artistes légendaires du jazz fusion comme Roy Ayers, Marcos Valle, Gary Bartz, Doug Carn, Lonnie Liston Smith, Azymuth ou Brian Jackson, un proche du regretté Gil Scott-Heron. “Le but du label Jazz is Dead est d’offrir un son moderne à des légendes du jazz de fin 1960-1970 que j’adore, nous dit le producteur. Ils jouent toujours de la même façon avec les mêmes instruments, mais je veux leur donner le son actuel, le son de 2021 avec des basses plus larges et des batteries plus éclatantes.”
Et quand on lui demande qu’elle pourrait être sa prochaine collaboration hip-hop, Adrian Younge nous répond : “J’ai été un énorme fanatique de hip-hop. Dans ma jeunesse, c’était toute ma vie. En ce sens, rencontrer et travailler avec des gens aussi talentueux qu’Ali Shaheed Muhammad, c’était vraiment superbe. Et c’est le hip-hop qui m’a amené à m’intéresser à la soul et au jazz des années 1960 et 1970, via les samples du Wu-Tang notamment.”
“Le hip-hop est très important pour moi, mais maintenant que je suis allé vers les sources des samples pour jouer cette musique, la vraie matière du rap que j’aime, je ne me vois pas faire la démarche inverse. Ce n’est plus ce qui m’anime maintenant.”
L’avenir d’Adrian Younge est résolument jazz et engagé, inscrit dans les luttes de ses aînés mais avec toujours une vision moderniste et actuelle. Dans la recherche de la vérité, passée comme future.