Avant-garde russe Moscou de 1973, avant-garde russe Moscou de 2023 : à cinquante ans d’écart, huit artistes représentant deux générations de dissidence artistique, de l’ex-Union soviétique et de la Russie contemporaine, sont exposés à Paris pour quelques semaines. La galerie Dina Vierny présente jusqu’à fin janvier “une reconstitution presque intégrale de l’exposition de 1973 à Paris, où cinq artistes non conformistes qui avaient fui clandestinement l’URSS furent présentés pour la première fois au public français par cette célèbre collectionneuse et mécène”, explique à l’AFP Dimitri Ozerkov, ancien conservateur du musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg et commissaire de l’exposition, lui-même en exil en France avec sa famille depuis mars 2022.
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Dina Vierny “les a cherchés pendant dix ans et les a découverts finalement en 1969 par le biais du premier, Ilya Kabakov – considéré comme le père de l’art conceptuel russe –, qui lui a présenté les autres”, ajoute-t-il. Tableaux, dessins et sculptures d’Erik Boulatov, Ilya Kabakov, Vladimir Yankilevsky et Oscar Rabine ornent les murs en bois d’origine de la galerie et ses petites pièces conservées dans leur état d’origine. La collectionneuse et mécène juive, qui inspira Aristide Maillol et a créé en 1995 le musée éponyme à Paris, avait elle-même fui la Moldavie de Staline avec sa famille en 1925 avant de trouver refuge en France, rappellent ses petits-fils, Pierre et Alexandre Lorquin.
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À quelques centaines de mètres, les deux jeunes galeristes ont ouvert le Pal Project, un espace d’exposition dédié à l’art émergent, qui accueille quatre autres artistes russes contemporains, trentenaires ou quadras, “qui ont eux aussi décidé de quitter la Russie et de s’exiler en France, au Royaume-Uni ou aux États-Unis depuis le début de la guerre en Ukraine”, selon M. Ozerkov. Les Temps de la guerre d’Andreï Kuzkin (panneaux de papier couverts des seuls mots “la fin de la guerre”, que l’artiste entend écrire jusqu’à la fin du conflit en Ukraine) sont, comme ses Cubes formant de petits personnages en pâte à sel et terre de Fontainebleau, “une tentative, non politique mais de l’art comme idée, d’appréhender l’art non officiel et contestataire russe”, dit M. Ozerkov. “Ils questionnent”, tout comme les personnages de Katya Muromtseva, la vidéo du performeur Evgeny Granilshchikov montrant un homme dont on nettoie la bouche au savon (Soap) ou le Cargo 200 de Pavel Otdelnov, “la place de l’artiste en exil, son héritage et son appartenance à un territoire”, ajoute-t-il.