Au-delà des classiques “Five Years”, “Starman”, ou encore “Life on Mars”, l’album Ziggy Stardust, paru il y a cinquante ans, a permis à David Bowie de décoller en se créant un double, jalon décisif de sa personnalité caméléon.
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“Jusqu’ici, il échoue dans tout ce qu’il entreprend depuis le début de sa carrière”, raconte à l’AFP Jérôme Soligny, auteur de David Bowie Rainbowman, ouvrage référence paru en deux tomes (Gallimard), objet de rééditions et de traductions internationales.
“Space Oddity” (sur l’album du même nom, 1969) est son premier essai. Inspiré par 2001 : L’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, Bowie se met dans la peau d’un astronaute, dialoguant avec sa tour de contrôle jusqu’à se perdre dans les profondeurs de l’espace. En 1972, voilà que l’Anglais sort un disque au titre à rallonge, The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars (“L’Ascension et la Chute de Ziggy Stardust et les Araignées de Mars”), au parfum d’univers singulier qui, cette fois, ne passera pas inaperçu.
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Le morceau “Moonage Daydream” est une carte de visite cryptique de son double Ziggy Stardust : “Je suis un alligator […], je suis l’envahisseur de l’espace.” Toujours dans un univers lié au cosmos, Bowie brouille un peu plus les cartes et suggère sa bisexualité en lâchant dans la presse musicale qu’il est “gay”, alors qu’il vit avec femme et enfant. Le chanteur “fréquente des lieux de nuit associés à la culture gay, sans l’être fondamentalement lui-même, il en aime l’imagerie”, précise Soligny.
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L’ascension d’un homme “spécial”
Jackpot. Les médias s’intéressent à lui, sans parvenir à le cerner, entretenant son aura mystérieuse. À la télé, l’intervieweur est engoncé dans un costume gris, lui paraît cheveux teints en rouge avec une tenue à paillettes. L’un est en noir et blanc, l’autre en couleurs. Bowie devient symbole de modernité, de monde d’après.
Ses looks, plus iconiques et décalés les uns des autres, deviendront le symbole de cette nouvelle ère. L’artiste s’impose médiatiquement en star alors qu’il ne l’est pas encore. Les premiers concerts estampillés “Ziggy” en banlieue de Londres ne réunissent alors que 150 personnes, dont un tiers d’invités.
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“C’est une sorte de marketing avant l’heure, c’est sa plus belle créature, qui lui a permis d’éclore, d’être autre chose qu’un secret bien gardé d’une intelligentsia rock qui s’intéresse à lui depuis un an et demi”, analyse Soligny. Bowie s’ouvre les portes d’une tournée aux États-Unis. “Il réussit à imposer un personnage androgyne là où Marc Bolan [leader de T.Rex, ndlr] a échoué, c’est-à-dire aller jouer dans l’Amérique profonde, même si, parfois, des gens furieux l’attendront à la porte des loges”, poursuit-il.
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Iggy Pop, Orange mécanique
Comme le dit ce spécialiste, Bowie est “une éponge” et son Ziggy Stardust agglomère plusieurs influences. Ziggy, c’est d’abord Iggy Pop. Bowie est fasciné par le chanteur des Stooges, vu notamment sur une photo où l’Américain marche littéralement sur le public en concert. Les deux musiciens deviendront proches. “Stardust” (“Poussière d’étoile”) vient du nom de scène d’un chanteur country américain, The Legendary Stardust Cowboy, obnubilé par le cosmos.
Il y a aussi Vince Taylor, rockeur anglais à la carrière chaotique, surtout connu en France. “Bowie le côtoie à un moment, Taylor a l’impression qu’il va pouvoir sauver le rock, se prend pour un messie”, détaille Soligny. De quoi nourrir le personnage de Ziggy. Sur la pochette, Bowie pose façon voyou dans une rue avec des bottes rappelant celles portées par la bande de mauvais garçons du film Orange mécanique de Stanley Kubrick. “Il a toujours rêvé d’être dans un gang, mais ce n’est jamais arrivé, il était super bien élevé”, selon Soligny.
Avec tous ces carburants, la machine est lancée. Il y aura ensuite Aladdin Sane, autre double pour l’album éponyme de 1973, et son célèbre éclair sur le visage. Mais Ziggy Stardust marque les esprits (réédition en vinyle ce vendredi). Brian Molko, leader de Placebo, s’y réfère. Et “Moonage Daydream” est devenu le titre d’un documentaire sur Bowie réalisé par l’Américain Brett Morgen et présenté au dernier Festival de Cannes.
Konbini avec AFP