Il y a 40 ans, Hayao Miyazaki publiait un sublime roman graphique (qui est enfin dispo en France, pour la première fois)

Publié le par Arthur Cios,

(© Sarbacane)

Le Voyage de Shuna est une petite pépite, qui ravira autant les aficionados que les novices de l’univers de Miyazaki.

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Comment est-ce imaginable que l’on puisse encore découvrir, en 2023, des travaux inédits d’Hayao Miyazaki ? Qu’on s’entende : ces travaux sont inédits en France, mais tout de même. On parle du cinéaste japonais le plus célèbre de ces 40 dernières années, dont certaines œuvres sont plus que culte. C’est un réalisateur rare, dont chaque petite nouvelle est un événement. Ce nouveau film sort 10 ans après son dernier long, qui devait être son dernier avant une retraite annoncée.

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Et pourtant, voilà que Sarbacane publie Le Voyage de Shuna, un célèbre livre qu’a publié l’artiste en 1983, mais qui n’a jamais été édité en France jusqu’aujourd’hui. Ce n’est pas juste sublime, c’est assez émouvant à avoir dans les mains.

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(© Sarbacane)

Un livre précurseur sur certains films

Sur la forme, c’est un roman graphique un peu particulier, puisque c’est un mélange entre un roman graphique type BD classique, avec bulle de dialogue et case, et un conte illustré puisqu’il y a une narration externe écrite par-dessus les sublimes aquarelles de Miyazaki. Déjà, c’est rare.

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Mais en plus, le travail d’illustration est sublime, plein de poésie, dans de grands panneaux, parfois couvrant la moitié d’une page, parfois une double page.

(© Sarbacane)

Il faut replacer dans le contexte. En 1983, Miyazaki a déjà sorti son tout premier long-métrage, Le Château de Cagliostro. Cela fait 20 ans qu’il est dans le milieu de l’animation, d’abord comme petite main, puis en bossant sur des plus gros projets pour la Toei ou Nippon Animation, avant de se lancer sur son film à lui — enfin, en quelque sorte, puisqu’il s’agit du deuxième film autour d’Arsène Lupin III dans une saga initiée par Sōji Yoshikawa avec Edgar de la Cambriole : Le Secret de Mamo.

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Alors qu’il planche sur ce qui sera son deuxième long et son grand succès populaire (qui leur permettra, à lui et ses plus proches collaborateurs dont un certain Isao Takahata, de créer le fameux Studio Ghibli), à savoir Nausicaä de la Vallée du Vent, Miyazaki pond de ce fameux livre.

C’est le récit en 150 pages d’un prince, Shuna, dont les terres deviennent de plus en plus arides et qui traverse de longs paysages à la poursuite de graines pouvant sauver son peuple — un parcours jonché d’embûches, évidemment. Dans sa note d’intention à l’époque, l’auteur explique l’origine de ce livre :

“Cette histoire s’inspire du conte folklorique tibétain Le Prince qui fut changé en chien (Zhi Jia, Jianbing Sun ; traduit en japonais par Hisako Kimishima dans une édition publiée par Iwanami Shoten). Dans le conte, ce prince d’une contrée lointaine s’inquiète de la pauvreté de son peuple, dont les terres ne font plus pousser de céréales. À la fin d’un voyage rempli d’épreuves, il dérobe des graines au Roi Serpent, ce qui lui vaut d’être transformé en chien. Il est sauvé par l’amour d’une jeune femme et parvient finalement à rapporter la céréale dans son pays.

Aujourd’hui, l’orge est la denrée de base au Tibet, mais on aurait commencé à la cultiver à l’ouest de l’Asie d’où elle se serait ensuite répandue dans le monde entier. Ainsi, ce récit du prince qui voyage vers l’Ouest est fidèle à l’histoire. Mais ce conte populaire doit être compris moins comme le reflet d’événements réels que comme une sublime histoire qui témoigne de la reconnaissance des Tibétains envers leurs cultures.

Après avoir lu pour la première fois ce conte il y a plus d’une décennie, j’ai longtemps rêvé de l’adapter en film d’animation, mais un projet aussi peu vendeur avait peu de chance d’aboutir dans le climat actuel du Japon. J’abandonnai l’idée, pensant que si une version animée voyait le jour, ce serait sans doute en Chine — mais maintenant, avec les encouragements des équipes de Tokuma Shoten, j’ai élaboré une sorte d’adaptation visuelle, à ma façon.”

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Ce qui saute aux yeux, c’est à quel point, non seulement on est sur du pur Miyazaki en termes d’univers graphique, de créatures (les Yakkurus rappellent clairement la monture d’Ashitaka dans Mononoke), de décors, de paysages sublimes, de nature, mais aussi sur le fond.

La trame rappelle en partie Mononoke, bien sûr. On pourrait aussi citer certaines scènes ou personnages qu’on retrouvera plus tard dans le film du fils d’Hayao, Goro Miyazaki, des Contes de Terremer. On retrouve même des créatures du Château dans le ciel.

Bref, c’est du Miyazaki condensé, d’une beauté renversante, qui n’a pas pris une ride et qui mérite autant votre attention que le nouveau long-métrage, Le Garçon et le Héron, en salle.

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