Alors que Jurassic World : Fallen Kingdom, cinquième opus dérivé de l’univers Jurassic Park, est sorti il y a quelques jours, il est temps de rendre à César ce qui est à César. On doit ce mythe moderne à l’imagination sans limite de Michael Crichton. L’écrivain américain a passé plus de dix ans à façonner son histoire pour explorer l’univers fascinant des dinosaures et plaire au public. Résultat : une saga devenue culte qui traverse les générations.
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Un géant du divertissement
Le moins qu’on puisse dire, c’est que Michael Crichton est né pour impressionner les foules. Avec ses 2 m 10, ses mains immenses et ses jambes interminables, il était impressionnant, mais son imagination l’était bien plus encore. Il figure aujourd’hui parmi les écrivains les plus populaires de la planète aux côtés de monstres comme Stephen King et John Grisham.
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Des millions d’exemplaires vendus, des milliards de recettes au box-office pour les adaptations qui ont été faites de ses romans… Jusqu’à sa mort en 2008, Michael Crichton était passé maître dans l’art de faire le show. Auteur de best-sellers, scénariste, réalisateur, producteur, homme de télévision, tout ce qu’il faisait paraissait facile et tout ce qu’il touchait se transformait en or.
Un exemple symbolique : à la fin de l’année 1989, Michael Crichton travaillait sur deux projets en même temps. Il s’est réveillé un matin avec l’impression qu’il manquait à la télévision une bonne série qui se déroulerait dans l’univers médical. En pleine finalisation du roman Jurassic Park, futur succès planétaire, il a dessiné les premiers contours d’une série qu’il allait créer cinq ans plus tard : Urgences.
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Une genèse difficile
Si tout a toujours semblé sourire au géant de Chicago, l’écriture de Jurassic Park, son dix-septième roman, a été extrêmement compliquée. Après la naissance de sa fille, l’écrivain a une obsession : comprendre pourquoi les dinosaures fascinent à ce point les enfants. En 1981, il se lance alors dans la première ébauche de son futur projet.
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Il imagine un scénario pour la télévision dans lequel un étudiant parvient à faire éclore un œuf de ptérodactyle conservé dans un musée. Mais il n’est pas convaincu par son travail, qu’il juge alors trop proche de celui réalisé des années auparavant par le Français Jacques Tardi avec Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec.
Considéré comme le pionnier du genre techno-thriller, Michael Crichton avait plutôt habitué ses lecteurs à des histoires haletantes dans lesquelles des multinationales ultrapuissantes utilisaient la science à des fins douteuses. Il a ainsi préféré se replonger dans ce qu’il sait faire de mieux.
Il a oriente alors son roman sur le projet fou d’un milliardaire : recréer des dinosaures en chair et en os. Mais il bute encore sur une dernière chose, un ressort qui manque à son récit. Quelle raison pourrait pousser un milliardaire à se lancer dans un tel projet ? Il trouve la réponse dans une de ses propres œuvres, le film MondWest, qui se déroule… dans un parc d’attractions.
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Vous l’aurez compris, Michael Chrichton est aussi indirectement le papa de Westworld, la série qui mindfuck la planète entière en ce moment. En effet, on lui doit aussi cet univers futuriste passionnant que Jonathan Nolan et Lisa Joy, les créateurs, producteurs et réalisateurs de la série, creusent chaque semaine dans la série HBO.
L’idée d’un parc d’attractions high-tech qui devient incontrôlable avait si bien marché la première fois que Crichton décide de la réutiliser pour Jurassic Park. Sur Isla Nublar, une île mystérieuse située au large du Costa Rica, Jurassic Park venait de naître. Le roman paraît en novembre 1990 et est un succès immédiat.
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Le public se rue sur cette histoire qui fait froid dans le dos. Surtout, il s’attache à certains personnages comme le paléontologue Alan Grant, la paléobotaniste Ellie Sattler ou le mathématicien Ian Malcolm, qui est devenu plus tard le chouchou des spectateurs après l’incroyable prestation de Jeff Goldblum au cinéma.
Cette mise en scène permet à Michael Crichton d’aborder les problématiques qui lui sont chères. Les dérives de la science provoquent chez lui une inquiétude qui se retrouve dans toutes ses œuvres à des degrés différents. Son livre Video Crime s’intéresse par exemple aux dérives de la chirurgie esthétique, et La Proie dénonce les scandales de la Silicon Valley.
Mais Jurassic Park est, dans ce domaine-là, son œuvre la plus influente car elle fait appel à l’imaginaire enfantin qu’il y a en chacun de nous. Qui ne voudrait pas pouvoir observer un dinosaure de ses propres yeux ? Avec cette idée de clonage ADN et de reconstitution de ces carnassiers mythiques, on est dans de la pure fiction grand spectacle. Pas étonnant de voir Hollywood se ruer sur cette idée en or.
Quand Hollywood s’en mêle
Avant même la parution du livre, Stephen Spielberg a la mainmise sur Jurassic Park. Il découvre le roman en octobre 1989 alors que lui et Crichton sont en train de discuter d’un scénario (qui deviendra plus tard la série télévisée Urgences). En mai 1990, pour 2 millions de dollars (contre une offre de 1,5 million par la Warner), Universal Studios obtient les droits du livre.
Spielberg est choisi sans surprise pour la réalisation tandis que le scénario est confié à Crichton lui-même. Le plus dur commence : le livre est tellement long que seul 10 à 20 % de celui-ci sera utilisé pour le script. Le reste sera coupé pour des raisons pratiques et budgétaires. Tout au long de la production du film, Spielberg et Crichton forment une équipe de choc et avancent main dans la main.
Le tournage de Jurassic Park fut un défi incroyable. Pour Spielberg, ce fut, comme toujours, avant tout un défi technologique pour représenter des dinosaures ultraréalistes au cinéma. Pour Crichton, il s’agissait de retranscrire son œuvre au cinéma en la rendant accessible, émouvante et pleine de suspense avec une histoire qui traverserait les époques. Mission accomplie, mister Crichton.