Qui sont les héros des derniers Rocky, Star Wars, Jurassic Park et Terminator ? Des fans hardcore qui ont réalisé le rêve de tout cosplayer en étant passés de l’autre côté de l’écran, à Hollywood.
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[Attention, quelques spoilers se sont glissés dans l’article]
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Jeunes, je vous plains. À moins d’être le dernier d’une fratrie, vous n’avez sûrement pas connu “Les Livres dont vous êtes le héros”. Des ouvrages au format poche, avec une couverture heroic fantasy du plus bel effet, qui vous permettaient de vous prendre pour l’équivalent de Conan le Barbare, Van Helsing le chasseur de vampires ou Sissi l’impératrice. Ces livres étaient merveilleux parce qu’ils permettaient au lecteur de côtoyer des personnages d’anthologie, transformant la littérature en parcs d’attraction sur papier.
Cette drôle de littérature a aujourd’hui un pendant cinématographique construit autour du même type de héros : vous. Enfin, pas exactement “vous”, mais plutôt quelqu’un comme vous, qui aime les mêmes films, au point de s’y projeter corps et âme. Si, comme moi, vous avez un jour rêvé d’être un héros de Star Wars, Rocky, Terminator ou Jurassic Park, alors nous ne sommes plus seuls : les acteurs de ces franchises ont eux aussi longtemps rêvé d’être des héros de cinéma.
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Des personnages fans de la saga dont ils sont les héros
Et on ne parle pas d’acteurs-fans qui finissent par trouver une place dans l’univers filmique de leurs rêves, comme Simon Pegg qui, gamin, posait avec sa panoplie Star Wars et joue quasi anonymement le rôle du pourvoyeur de rations auprès de Rey dans Le Réveil de la Force. On parle bien de personnages-fans.
Prenez Le Réveil de la Force, justement. Rey admire Han Solo et sa bande. Une vraie nerd, qui mange son pain sans gluten avec un casque de pilote X-Wing sur la tête, possède une poupée évoquant Luke Skywalker et hallucine complet quand son idole de contrebandier lui assure : “Luke, la Force… tout est vrai.”
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“L’histoire de Kylo Ren est celle d’un cosplayer nostalgeek qui a mal tourné”
L’histoire de Kylo Ren, ado fragile tombé du côté obscur de la fan attitude, est plus symptomatique encore. C’est celle d’un cosplayer bien nostalgeek, qui a mal tourné à force de prendre les choses trop au sérieux (ce qui arrive généralement quand on n’enlève pas son casque à table), d’un fan de Dark Vador qui a récupéré le couvre-chef de son dieu comme d’autres volent des accessoires sur les plateaux de tournage, d’un disciple ultime à qui on n’a pas besoin de dire que “tout est vrai”, parce que lui, il y croit déjà.
Pourquoi Rey et Kylo sont-ils si forts, si jeunes ? Contrairement à leurs idoles, ils connaissent leur monde comme nous le connaissons, comme s’ils avaient eux aussi regardé les Star Wars des dizaines de fois en VHS. Et ils accueillent avec délectation le fait d’être élevés au rang de pote (ou même de parent) de Han Solo ou Dark Vador. Cela vaut aussi bien pour Le Réveil de la Force que pour Creed (le nouveau Rocky), Jurassic World ou Terminator : Genisys.
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Flatter la communauté des fans
Les héros actuels sont autant des adorateurs que des protagonistes, conscients de la chance qu’ils ont d’être là, à côté d’un raptor ou d’un T-800. À travers eux, ce sont un peu nos rêves de gosses qui se réalisent. Malheur aux ingrats qui oseraient les critiquer !
Une scène de Creed, en salles mercredi 13 janvier, le montre bien. Le fiston d’Apollo, le plus grand des boxeurs – après Rocky – projette un extrait YouTube d’un combat de son paternel contre Rocky (en fait un extrait de Rocky I ou II).
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Le gosse, Adonis (que tout le monde appelle Don pour ne pas se faire taper), se met debout dans le cône de lumière et fait du shadow boxing face au mur-écran. Son ombre remplace alors l’image de Rocky et se bat contre ce gros loser d’Apollo. Si vous êtes freudien à vos moments perdus, vous comprenez bien qu’à ce moment-là, le gamin veut bel et bien “tuer le père”.
Surtout, ce gamin se prend lui-même pour Rocky, mimant les gestes de son idole comme n’importe quel fan. En l’imitant, il trouve le moyen de s’incruster concrètement dans un film Rocky, puisque sa silhouette y apparaît, posée grossièrement sur l’image du long-métrage original comme si ce dernier était tombé entre les mains d’un George Lucas ivre mort.
Quand la légende dépasse la réalité
Il est acté que l’industrie de Hollywood n’en peut plus de flatter les communautés de fans, au point d’accorder davantage d’importance au Comic Con qu’au Festival de Cannes. Cette manière de nous caresser dans le sens du poil est plus subtile que le fan service de base. Elle suppose qu’à force de se prendre pour un héros de cinéma, de tout connaître d’une saga, on pourrait finir par intégrer celle-ci.
Si Han Solo affirme que “tout est vrai”, qui sommes-nous pour le contredire ? Souvenez-vous de l’adage tiré de L’Homme qui tua Liberty Valance, de John Ford (1962) :
“Quand la légende dépasse la réalité, on publie la légende.”
Plus légendaires que les légendes, Star Wars, Terminator, Rocky et Jurassic Park sont quasiment devenus des “faits”. Le Parc Jurassique, c’était bidon ? Il y a pourtant un ingénieur de Jurassic World qui porte un t-shirt siglé “Jurassic Park”, qu’il dit avoir acheté sur eBay. Avec Terminator : Genisys, remontez le temps en 1984, à Los Angeles, vous verrez un Schwarzy tout jeune et tout nu demander son blouson à un punk.
Quand de jeunes visiteurs se retrouvent dans une partie abandonnée de l’île aux bestioles, ce ne sont pas des piles de DVD du film de Spielberg qu’ils trouvent, mais un décor abandonné du parc précédent qu’ils scrutent à la lumière d’une torche, comme s’ils observaient des peintures rupestres. Et il y a cette jeep que vous reconnaissez au premier coup d’œil, comme vous identifiez en un quart de seconde le Faucon Millennium dissimulé sous une bâche dans Le Réveil de la Force.
C’est cela qui donne du poids aux univers : on ne retrouve pas les jeeps ou le vaisseau à l’état neuf, ni un T-800 tout jeune alors qu’il protège Sarah Connor depuis son enfance. Non, on les retrouve éprouvés par le temps, à l’état de reliques. S’il en reste quelque chose, c’est qu’ils ont bien existé. S’ils n’avaient pas existé, il n’en resterait rien. CQFD.
On peut mentir 1 000 fois au spectateur, mais…
“M’enfin, pensez-vous peut-être. Ce n’est pas parce qu’une fiction dit qu’une autre fiction est vraie que celle-ci est vraie ! On peut mentir 1 000 fois à un spectateur, mais pas 1 fois à 1 000. Non, attendez, on peut mentir à 1 000 spectateurs, mais…”
Il y a quand même un truc un peu fou, qui brouille vraiment les frontières entre fiction, légende et réalité, et qu’on trouve dans Creed. Un reportage télé, avec des touristes asiatiques qui posent pour la photo devant une statue de Rocky. C’est un vrai reportage, avec de vrais touristes, devant une vraie statue de Rocky, installée depuis 2006 près du musée d’Art de Philadelphie et des fameuses marches que Stallone grimpe au petit trot.
Maintenant, faites un bond dans le temps, comme à la fin d’A.I., de Steven Spielberg. Imaginez des aliens découvrant dans les ruines de Philadelphie cette statue. Si jamais ils trouvent ensuite un DVD du film (et un lecteur de DVD), ils le prendront pour un documentaire et se mettront sûrement à chercher les restes de Stallone… Ou ceux d’un T-800 ou d’un squelette de dinosaures.