Leurs silhouettes juvéniles en sweat à capuche, jeans, short et baskets, paupières closes ou regards distants, habitent l’atelier parisien de l’artiste Françoise Pétrovitch, qui peint en grand l’adolescence et ses paysages intérieurs. “C’est ce moment de l’entre-deux à tenir. Il y a beaucoup de grâce et, en même temps, de gaucherie. C’est très beau”, dit à l’AFP cette artiste quinquagénaire.
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Assis, debout, allongés, séparés mais reliés dans une forme de timidité distante, avec des gestes très précis, ses personnages sont peints à l’huile ou au lavis (encre très diluée au pinceau), en préservant des zones blanches. Habillés de vêtements contemporains aux couleurs pastel ou acidulées, ils se détachent sur des fonds aquatiques gris, bleus ou verts dilués. L’esquisse plutôt que la minutie du figuratif, la timidité et “l’intériorité” plutôt que “le drame”, dit-elle. Ils expriment aussi une forme de “narcissisme” à une époque où “les réseaux sociaux, le smartphone, nous obligent à être très penchés sur nous-mêmes, ce qui change complètement notre rapport aux autres”.
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“On est toujours en transformation avec l’idée d’inachevé”, ajoute-t-elle, en installant, aidée par son assistante Isabelle, quatre grandes toiles formant un polyptyque : un garçon assis au cœur d’un espace bleu, une plage peut-être, sur laquelle on distingue deux autres silhouettes, distantes. “Il a l’air de s’intéresser à son lacet de chaussure. Il est en lui-même et en même temps traversé par le monde, avec un paysage qui rentre à l’intérieur de son short. Absence de communication, fragments, touches… On n’est que dans l’abstraction”, sourit-elle.
Légèreté
Elle confie avoir “beaucoup regardé Matisse”, aimant “cette peinture de la légèreté”, dans laquelle le peintre “a distillé la lumière en plaçant des indices d’intériorité, comme la fenêtre qui ne débouche sur rien”. Une lumière pâle de fin d’été éclaire l’espace, aux murs blancs percés de baies vitrées. L’atelier, situé près d’une grande meulière du sud parisien donnant sur un jardin verdoyant, est très haut de plafond.
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À l’entrée, une jeune fille à la chevelure blonde avec une frange semble regarder ses pieds, assise et pensive dans son sweat rose pâle, les mains croisées. Sur un mur, une autre, tout en coulures expressionnistes, main blanche et ongles rouges, fume. Sous le plan de travail où elle vient tout juste de peindre rapidement un oiseau – thème récurrent de son œuvre –, elle ouvre un tiroir : un garçon en jeans, baskets et T-shirt orange, la main posée sur le ventre, semble flotter dans un espace liquide.
Jeune public
“On est toujours dans quelque chose d’indéfini. La lumière existe mais n’est pas réaliste, elle vient du personnage”, commente l’artiste. Au musée de la Vie romantique à Paris, le jeune public a été nombreux à visiter l’exposition “Aimer. Rompre”. Des collégien·ne·s s’en sont même inspiré·e·s pour réaliser des podcasts poétiques.
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Née à Chambéry en 1964, et mère de “deux grands enfants”, qu’elle prend encore pour modèles “parfois”, Françoise Pétrovitch raconte avoir “toujours dessiné avant de peindre”. Depuis son école d’arts appliqués, elle continue de travailler le dessin, la peinture, la sculpture, la vidéo… Une “chose assez unique et rare chez les artistes contemporains en général”, selon Camille Morineau, commissaire de la rétrospective dédiée à l’artiste en 2021 au Fonds Hélène et Édouard Leclerc à Landerneau.
C’est “une façon de voir les choses dans un ensemble”, raconte Françoise Pétrovitch, qui enseigne depuis 35 ans à l’École Supérieure des arts et des industries graphiques à Paris et qui a aussi travaillé pour le spectacle vivant, exposant ses œuvres au Japon, aux États-Unis et un peu partout en Europe. Parmi ses nombreux projets à venir : une tapisserie de 23 mètres de long à Aubusson en hommage à George Sand et une exposition de vases de la manufacture de Sèvres qu’elle a peints à la galerie de Sèvres à Paris.