Comme le rap, les films de genre ont envahi les cinémas de quartier américains dans les années 1970 : horreur, fantastique, arts martiaux, action violente, blaxploitation ou porno. Chaque production propose une vision codée à un public déjà conquis, sachant directement ce qu’il va y trouver. La génération rap qui commence à émerger au début des années 1980 est totalement immergée dans cette culture, les codes leur paraissent plus proches de leur quotidien urbain et dur.
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Les métaphores sociales portées dans les films de Romero ou de Carpenter touchent directement la cible, surtout si elles sont accompagnées de morts sanglantes, de corps dénudés et de quelques scènes de kung-fu. L’audience se sent comme les monstres de ces films : indésirable, repoussée, cachée.
À côté des images, les musiques de films d’horreur sont elles aussi très inspirantes, composées de piano flippant, de montées synthétiques angoissantes ou de bruitages en tout genre. Les compositions de Charles Bernstein, Wendy Carlos, Jay Chattaway ou les Italiens du groupe Goblin vont devenir des sources d’inspiration inépuisables pour les futurs producteurs du rap.
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Composant lui-même les musiques de ses films, John Carpenter sera une influence majeure du rap grâce à ses claviers enveloppants et ses sombres mélodies. Le thème de son Halloween est devenu mythique, repris dans de très nombreux morceaux de rap.
Il n’est donc pas étonnant de voir dès les débuts du rap sur disque des références au genre horrifique. Michael Jackson y est pour beaucoup avec son “Thriller” mais dès 1983, Whodini sort deux morceaux dans ce thème, “The freaks come out at night” et “The haunted house of rock”.
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Plus tard, The Fresh Prince alias Will Smith développera avec DJ Jazzy Jeff un morceau en hommage à Freddy Krueger, le méchant du film Les Griffes de la Nuit de Wes Craven, véritable phénomène de société. Le style est plutôt festif pour Halloween mais le propos est déjà là.
C’est surtout avec le label Rap-A-Lot qu’un véritable mouvement se développe : l’horrocore. Les Geto Boys et Ganksta N-I-P sortent alors des morceaux dérangeants parlant de tortures, meurtres et esprits dérangés. Avec “Assassins” en 1988, Johnny C des Geto Boys assène les premières rimes d’un genre entre gangsta rap et films d’horreur.
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Le groupe va ensuite parfaire ce style avec Scarface, Bushwick Bill et Willie D notamment avec des morceaux comme “Chuckie” ou “My Mind Playin Tricks on Me”.
Dans les années 1990, de nombreux groupes ajouteront un univers extrême et noir à leur musique. C’est le cas notamment avec la scène de Memphis autour de la Three 6 Mafia mais aussi dans le Midwest avec Bone Thugs N Harmony, Tech N9ne et surtout Esham. Les rythmes sont sautillants mais les paroles sont lugubres et reprennent très souvent des thèmes célèbres de films d’horreur.
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Côté Californie, le gangsta rap se transforme souvent en histoires à empêcher de dormir avec Eazy-E, Mc Eiht, Brotha Lynch Hung, Insane Poetry ou Spice 1. Les images sont fortes et difficiles à faire oublier, souvent autour de tueries de masse ou des meurtres en série. La mort plane partout.
À New York, l’horrocore est aussi extrêmement présent avec des groupes comme Flatlinerz, Mobb Deep, et Gravediggaz qui mélange le Wu-Tang de RZA avec l’énergie Prince Paul de De La Soul. 6 Feet Deep sorti en 1994 est un véritable classique du genre, entre cimetière, morts vivants et fantômes.
Au début des années 2000, des rappeurs vont repousser les limites du trash pour emmener l’horrorcore vers une autre sphère. C’est l’avénement d’un circuit indépendant avec des rappeurs comme Cage, Non Phixion ou Necro dont le rap pouvait être associés à de vrais films d’horreur.
Mais le plus connu d’entre eux deviendra une énorme star en racontant des histoires horribles mélangeant famille, violence et manipulation. Eminem est né sur le terreau de l’horreur.
Certains rappeurs franchiront le pas en jouant directement au sein de films d’horreur. Au fur et à mesure, il y a même un sous-genre qui s’est créé mélangeant gangs, rue et fantastique, des films d’exploitation qui vise un public urbain, jeune et transgressif.
C’est le cas avec Ice T qui se confronte au Leprechaun in the Hood en 2000 puis Snoop Dogg qui devient le méchant croquemitaine en mode Pimp dans Bones. On peut y ajouter Tales From The Hood, une sorte de Contes de la Crypte version street ou Hood of Horror en 2006, toujours avec Snoop.
Actuellement, une nouvelle génération de rappeurs est aussi très proche de leurs ainés d’horrorcore avec un univers morbide et une esthétique extrême ainsi qu’une énergie proche du death metal.
Suicide Boyz, BONES, Pouya, City Morgue ou même 6ix9ine à ses débuts, sont de dignes héritiers des Three 6 Mafia, Gravediggaz et Geto Boys. Avec une autre façon d’agir sur nos peurs et nos obsessions.
Le rap a toujours été lié à l’horreur et à la violence et donc aux films associés. Le cinéma et la musique se sont ainsi souvent rejoints et influencés tour à tour. Dans cette playlist Goldies spéciale Halloween, vous retrouverez les plus illustres représentants de l’horrorcore à travers les années, mélangés aux plus angoissantes des bandes originales de films cultes.
Une expérience particulière qui a été diffusée sur Konbini Radio jeudi 31 octobre 2019 à 18 heures. Abonnez-vous à la playlist Spotify, Deezer ou Apple Music en attendant de prochains cris d’effroi.