Dévoilé par surprise ce samedi 16 juin, l’album de Beyoncé et Jay Z, le premier réalisé main dans la main par le couple, marque le point d’orgue d’une série de morceaux évoquant les difficultés de leur vie personnelle et amoureuse.
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C’est une surprise de taille, certes, mais une surprise attendue au tournant par les fans. Depuis la sortie de “’03 Bonnie & Clyde” en 2002, sur lequel Beyoncé et Jay Z, alors respectivement âgés de 21 et 33 ans, célébraient leur jeune amour, la possibilité d’un album commun entre les deux artistes s’était ancrée dans les esprits.
Les rumeurs concernant ce dernier ont sérieusement commencé à se répandre en 2014, avant de se renforcer en 2017 lorsque, interrogé par le New York Times, Hova avait expliqué que le couple utilisait leur art comme une “session de thérapie”, avant de préciser que les deux avaient commencé à faire de la musique. L’annonce de leur tournée On The Run II, en mars 2018, a achevé de nous convaincre.
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C’est d’ailleurs dans le cadre de cette tournée internationale, qui s’arrêtera à Paris les 13 et 14 juillet prochains, que le duo a mis fin aux rumeurs. Samedi 16 juin, au beau milieu de leur concert à Londres, Beyoncé et Jay Z ont en effet annoncé que leur disque collaboratif, baptisé Everything is Love, était désormais disponible (“ALBUM OUT NOW”, pouvait-on lire sur l’écran géant du London Stadium). Un effet de surprise aussi réussi que contrôlé, que Beyoncé avait déjà mis en œuvre par le passé avec Beyoncé (2014) et Lemonade (2016).
Surprise! pic.twitter.com/SYnAm6zCy7
— BEYONCÉ LEGION (@BeyLegion) 16 juin 2018
La suite logique de Lemonade et 4:44
Dévoilé en exclusivité sur Tidal et distribué en tandem par les deux labels des artistes (Parkwood Entertainment et Roc Nation), ce disque de neuf titres apparaît comme le point d’orgue d’une trilogie documentant les hauts et les bas du couple le plus puissant de l’industrie musicale. Cette trilogie avait débuté avec Lemonade, le sixième album solo de Queen B paru en 2016, sur lequel elle accusait son compagnon de l’avoir trompée (comment oublier la polémique générée par le titre “Sorry” et son “You better call Becky with the good hair” ?).
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Des accusations auxquelles ce dernier avait répondu un an plus tard avec 4:44, dans lequel il expliquait notamment, sur “Family Freud : “Let me alone, Becky”. Un album sous forme de mea culpa donc, qui avait reçu huit nominations pour les Grammy Awards l’an passé.
Rompant avec les déceptions évoquées sur Lemonade et 4:44, Everything is Love nous propose aujourd’hui de célébrer l’union et la puissance des Carter. Produit par Cool & Dre, le premier morceau de l’album, “Summertime”, est une véritable invitation à l’amour. Beyoncé y incite en effet Jay Z à “faire l’amour en été, sur le sable, sur la plage” (“let’s make love in the summertime / on the sands, beach sands”), nous rappelant en filigrane les heures heureuses de l’époque de “Drunk in Love”.
La façon dont le couple est sorti victorieux de ses épreuves passées est également évoquée à travers les morceaux “BOSS”, “FRIENDS”, “HEARD ABOUT US” et “LOVEHAPPY”, dans lequel Jay Z déclare : “Nous nous sommes séparés et nous nous sommes remis ensemble” (“We broke up and got back together”). Une affirmation à laquelle Beyoncé répond : “Nous sommes revenus et nous avons vaincu / Nous sommes aujourd’hui heureux en amour” (“We came and we conquered/now we’re happy in love”), faisant écho à leur iconique “Crazy in Love”, sorti il y a déjà quinze ans.
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Une ode à la culture noire
Outre la célébration du couple Carter, visiblement plus uni que jamais, Everything is Love est une ode à la communauté noire. Sur “APAS**T”, la deuxième piste de l’opus présenté comme le single phare de ce dernier grâce à un clip tourné en toute discrétion dans l’enceinte du Louvre (soulignant un peu plus la force de frappe du couple), Beyoncé et Jay Z multiplient les références à leur succès en tant qu’artistes noirs, et exposent leur toute-puissance.
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En s’affichant devant des tableaux issus de l’ère coloniale, comme l’a souligné l’historienne Heidi Herrera, les deux artistes imposent la communauté noire au cœur d’un espace longtemps considéré comme appartenant à la communauté blanche.
“Le message que transmettent les paroles et la vidéo de ‘APES**T’, c’est que Beyoncé et Jay Z L’ONT FAIT, poursuit Heidi Herrera sur Twitter. Ils possèdent le putain de Louvre, qui a longtemps et est toujours un espace centré sur les Blancs, avec une histoire enracinée dans le colonialisme. De ce fait, introduire des corps noirs dans cet espace est radical.”
Une Beyoncé toute-puissante
“APES**T”, sur lequel on retrouve Pharrell, Offset et Quavo, est également une énième démonstration de force de la part de Beyoncé. Considérée comme l’une des meilleures chanteuses de sa génération, Queen B s’affirme ici comme une rappeuse de taille, une facette qu’elle explore depuis de nombreuses années.
Déjà, sur “Say My Name” (1999), l’ex-Destiny’s Child flirtait avec le rap grâce à une technique de chant syncopée, technique qu’elle a affinée au cours des années pour finir par donner vie à des couplets entièrement rappés tels qu’on en trouve sur “Diva”, “Bow Down”, “7/11” ou plus récemment “Formation”. En 2017, Pitchfork avait d’ailleurs partagé un article retraçant la carrière de rappeuse de Yoncé, décryptant : “La façon dont elle maîtrise le hip-hop lui a donné un véritable avantage, ce qui lui a permis de devenir une voix dominante dans un paysage toujours plus marqué par le rap”.
Sur “APES**T”, Beyoncé finit même par évincer son rappeur de mari, le couplet de ce dernier n’occupant que trente-six secondes sur ce titre d’un peu plus de quatre minutes. Un résultat finalement peu étonnant, quand on se souvient de la première tournée “On The Run”, pendant laquelle elle avait déjà braqué toute la lumière sur elle, mais aussi de la façon dont elle garde constamment un œil grand ouvert sur les projets de Jay Z.
En 2017, No I.D., qui se cache derrière la production de 4:44, avait en effet évoqué la grande implication de Beyoncé dans la conception de cet album, allant jusqu’à qualifier cette dernière de “A&R de facto”. À peu près à la même époque, juste après être devenu le premier rappeur à faire son entrée au prestigieux Songwriters Hall of Fame, Jay Z tweetait une liste des rappeurs qui l’avaient fortement influencé, n’hésitant pas à citer sa propre femme : “B a rapper too!”, s’était-il exclamé.
Un temps partagé avec Kanye West, le trône bâti par le colossal Jay Z est donc aujourd’hui inévitablement associé à sa toute-puissante femme. Sur “LOVEHAPPY”, le morceau qui clôt avec délicatesse Everything is Love, il décide même de destituer son ancien comparse pour sacrer sa femme. “Hova, Beysus, watch the thrones”, conclut-il.